La conversion d’Ignace ne s’arrête pas avec le boulet de canon, explique le P. Paul Legavre sj, directeur du Centre spirituel jésuite de Manrèse. De Pampelune à Loyola, de Manresa à Jérusalem, Dieu le conduit sur un chemin de sortie de soi et de sainteté, dans le désir croissant « d’aider les âmes ». C’est ce que nous allons célébrer dans la joie au rassemblement « Au large avec Ignace » à Marseille, à la Toussaint.

Le chemin de conversion d’Ignace ; année ignatienne camino ignaciano

L’horizon des montagnes de Montserrat sur le Camino ignaciano. © DR

Quand Ignace s’est-il converti ? Ces dernières décennies, dans le récit des origines, les ignatiens aimaient s’arrêter sur la découverte du mouvement des esprits que fait Ignace alité ; mais, depuis quelques mois, il n’y en a plus que pour le boulet de canon ! Dans l’histoire d’Ignace comme dans nos propres existences, comment parlons-nous de la conversion, quels récits en faisons-nous ? Sans doute faut-il distinguer les événements, dans leur clarté, leur netteté, parfois même leur brutalité, et le lent cheminement de la grâce.

L’expérience de la mort imminente

boulet1

Les boulets de canon d’Ignace, extrait de la bande-dessinée Ignace de Loyola aux Editions jésuites (octobre 2021)

Un boulet brise la jambe d’Ignace et, en vérité, elle brise sa vie ! Mais avant, dans l’attente de l’artillerie, il se confesse à un compagnon d’armes. À l’ombre de la mort possible, que confesse-t-il ? Et que se passe-t-il dans son cœur tandis qu’il va de plus en plus mal, entre le 20 mai et le 28 juin 1521, veille de la Saint-Pierre et Saint-Paul ? Considéré comme perdu, c’est alors qu’Ignace commence à se sentir mieux. Pendant un peu plus de trente jours, il aura fait l’expérience de la douleur extrême, de l’épuisement, des nausées, de la fièvre, de la violence de la mort qui approche. Quel travail de conversion se fait en lui, quand la mort imminente opère son travail de tri, remet en cause l’évidence des priorités de sa vie passée et semble prendre le dessus sur sa vitalité et son désir de vivre ? Ou quand, ensuite, alité de longs mois, il fait l’expérience de l’ennui et est habité par ce double désir de faire des exploits pour la dame de ses rêves et des exploits pour Dieu qui l’a sauvé de la mort ?

Ainsi, devant Ignace, voici la vie et la mort, le bonheur et le malheur, la bénédiction et la malédiction (Deutéronome 30, 15-20) et les bifurcations possibles sur le chemin de celui qui est désormais pèlerin vers Jérusalem. Sur la bifurcation vers Manresa, au pied de Montserrat, Ignace est déboussolé dans la conduite de sa vie, perdu dans ses scrupules jusqu’à vouloir mourir, éprouvé dans ce lent passage de l’extérieur à l’intérieur, qui suppose de renoncer à faire des exploits, même pour Dieu. Et il lui est donné de choisir la vie ! De plus en plus, c’est la boussole de la joie qui le guide, avec l’intelligence progressive des mouvements intérieurs qui le traversent. L’obéissance progressive à la joie qui vient de Dieu conduit désormais Ignace.

Voir toute chose nouvelle en Christ

À la rivière Cardoner, près de Manresa, Ignace vit une illumination. Il perçoit de l’intérieur comment Dieu travaille en toute chose en vue du Royaume, et comment tous les biens et tous les dons descendent d’en haut. Don immense ! Ignace tourne son regard vers le haut et comprend comment la Trinité ne cesse de créer le monde et de l’habiter, dans le Corps du Christ offert en partage en toute eucharistie. En Jésus, Dieu a pris corps dans notre humanité et voici Ignace amené à entrer dans le mouvement d’offrande que le Christ fait de sa vie. Ignace est saisi dans ce mouvement qui descend de Dieu vers le monde. Comment servir, avec le Christ, dans le monde ? Comment se mettre au service de la relation de Dieu au monde, qu’il aime et veut sauver ? Même Jérusalem et la Terre sainte, le grand et unique but de sa marche, se révèlent une impasse. Alors la question Quid agendum ? Que faire ?, qui le travaillait depuis les jours de Loyola, trouve enfin une réponse définitive : « aider les âmes ». Au début de l’année ignatienne, le pape François l’a exprimé avec force : « Ignace a échoué dans les rêves qu’il avait pour sa vie. Mais Dieu avait un plus grand rêve pour lui. Il s’agissait d’aider les âmes.

Tel fut le chemin de conversion d’Ignace, tel est le chemin de sainteté qu’il ouvre à celles et ceux qui veulent, avec lui et à sa manière, servir le Christ. Au rassemblement de Marseille, nous nous tournerons ensemble vers ces chemins de conversion et de sainteté. La conversion, c’est toujours le choix de la vie – une vie avec et pour d’autres, une vie pour le Christ, une vie pour le Royaume.

Paul Legavre Manrèse P. Paul Legavre sj
Directeur du Centre spirituel jésuite de Manrèse (Île-de-France)

Tous à Marseille !

Rassemblement Au large avec Ignace, Toussaint 2021 Au cœur de l’année ignatienne, du 29 octobre au 1er novembre 2021, à Marseille, un rassemblement réunit toute la famille ignatienne, pour célébrer le 500e anniversaire de la blessure d’Ignace à la bataille de Pampelune, le 20 mai 1521, et le 400e anniversaire de la canonisation d’Ignace et de François Xavier, le 12 mars 1622.
> Consulter le site internet officiel du rassemblement « Au large avec Ignace »
> En savoir + sur le rassemblement « Au large avec Ignace »

Et ma conversion ?

Dans mon histoire, quand me suis-je converti ? Devant quelles bifurcations me suis-je trouvé ? À quels moments m’a-t-il été donné de choisir la vie et le bonheur et d’écarter ce qui conduisait vers le malheur et la mort ? M’est-il arrivé de voir toute chose nouvelle en Christ, et avec quel désir de servir ?

Pour approfondir

Cet article a paru dans la revue Échos jésuites (automne 2021), la revue trimestrielle de la Province d’Europe Occidentale Francophone. L’abonnement, numérique et papier, est gratuit. Pour vous abonner, merci d’envoyer votre mail et/ou votre adresse postale à communicationbxl [at] jesuites.com.

En savoir + sur l’année ignatienne et le rassemblement « Au large avec Ignace » à Marseille

En savoir + sur saint Ignace de Loyola