Le P. François Boëdec sj a terminé son mandat de Provincial le 31 juillet 2023. Nommé en 2017, il revient sur les moments marquants de six années au service de la Province.

Quels événements ou moments marquants de vos six années en tant que Provincial retenez-vous ?

C’est une question difficile car cette mission, comme bien des missions jésuites, recouvre beaucoup de choses différentes, de rencontres, d’écoutes, de décisions parfois délicates à prendre, de projets et de joies aussi. Je garde en tête le rassemblement de Namur en 2017, un moment heureux qui m’a donné de l’élan dans la construction de notre nouvelle Province. Puis celui de Marseille rassemblant toute la famille ignatienne en novembre 2021. Ce fut une belle occasion de nous réjouir des liens qui nous unissent, par le Christ, à la suite d’Ignace. Je n’oublie pas non plus la période si particulière de la Covid, moment suspendu, avec les contraintes de la distance, le travail apostolique ralenti, mais aussi un rythme favorable à la vie intérieure et à l’attention fraternelle, et surtout l’incertitude sanitaire et la tristesse du décès de nombreux compagnons. Enfin, bien sûr, il y a eu la révélation des abus qui marquent tant l’Église et notre Province. Nous avons essayé de regarder la réalité en face, découvrant douloureusement que nous n’étions pas indemnes, que nous avions à faire un travail de vérité et de reconnaissance, mais aussi à prendre davantage conscience des dangers de l’isolement.

Quel a été le cœur de votre mission ?

Le cœur de la mission est toujours de prendre soin des compagnons jésuites (la cura personalis) mais aussi de la vitalité apostolique (la cura apostolica). Les deux sont liés et interagissent. Il s’agit de veiller à ce que, tant les compagnons que les missions, puissent vivre de l’esprit qu’Ignace nous a transmis à travers les Exercices spirituels mais aussi les Constitutions de la Compagnie de Jésus. Cela passe toujours par une attention à ce qui se vit et aux appels du Seigneur. Ces dernières années, la définition des quatre Préférences apostoliques universelles a été un bon guide pour essayer de prendre soin du corps de la Compagnie de Jésus.

Quelles ont été les satisfactions et les difficultés de cette mission ?

Ce serait faux de dire que la mission est légère et facile, mais elle apporte aussi beaucoup de joies. Celles qui sont liées à la rencontre personnelle des compagnons et au discernement de certains projets qu’on voit avancer. Et puis, à la Maison provinciale, nous avons une équipe de très grande qualité ; c’est très dynamisant de travailler dans ce climat-là. Dans la période particulière qui est la nôtre, j’ai pu vraiment voir Dieu à l’œuvre, et cela m’a beaucoup nourri spirituellement. Bien sûr, il y a les moments plus durs, notamment face à des situations de souffrance, où quand la solitude de la décision est là. Mais Dieu n’a jamais été loin.

Quels sont les projets qui vous ont tenu à cœur ?

Je crois que la vie attire la vie ; et j’ai essayé de travailler à ce que notre nouvelle Province soit vivante et n’arrête pas de se renouveler. Il s’agit d’avoir des lieux et des propositions qui donnent à nos contemporains des raisons d’espérer. La présence auprès des jeunes, de différentes manières, a été pour moi une priorité au long de ces années. J’ajouterai l’enjeu des familles. Je suis heureux que notre Province ait désormais des propositions spécifiques destinées aux familles. Les Préférences apostoliques nous ont montré combien il n’était pas bon de travailler en silos isolés et juxtaposés. Tous les projets nouveaux, comme le collège Matteo Ricci à Bruxelles ou le futur établissement scolaire à Marseille, le Centre Teilhard de Chardin à Saclay ou le projet de l’écocentre spirituel au Chatelard sont marqués par cette dimension d’une approche croisée.

Comment voyez-vous la Province EOF aujourd’hui ?

Notre Province est bien sûr fragile, en raison notamment de sa démographie et de l’impact sur nous de ce que vit notre monde et notre Église. Mais elle est fraternelle et vivante, avec le désir chevillé au cœur de se donner entièrement. Il y a une vraie vitalité spirituelle qui me touche beaucoup. Et puis, je suis très impressionné par le nombre d’amis, partenaires, collaborateurs de très grande qualité qui s’engagent avec nous. Cela marque profondément l’élan de la mission apostolique de la Province aujourd’hui. Et c’est une grâce. La dimension européenne est également de plus en plus présente dans la vie de notre Province : beaucoup de chantiers apostoliques s’envisagent désormais au niveau européen. C’est aussi une source de dynamisme et d’élan pour nous.

Quelles sont vos espérances et vos sources de préoccupation ?

Bien sûr, la question des vocations est présente à mon esprit. Mais plus que jamais je considère que la spiritualité ignatienne est bien adaptée pour le monde qui est le nôtre. Elle nous invite à voir le monde avec le regard de Dieu. Cette perspective est précieuse à une époque où la peur peut dominer, où la parole est malmenée et où la tentation de la violence n’est jamais loin. Cette spiritualité aide à découvrir un Dieu libre, qui invite à lui faire confiance, en s’engageant avec lui à faire gagner la vie.

Faisons donc ce qui dépend de nous. Dieu sait ce qu’il fait. La seule chose à laquelle nous devons veiller, c’est notre attachement au Christ et le service des hommes. Les fruits seront là, même s’ils sont un peu différents de ce que nous avons imaginé.

Un mot pour votre successeur ?

Garde confiance et encourage toujours.

Pour aller plus loin

> Lire les principales interventions du P. François Boëdec sj au cours de son mandat (2017-2023)

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Cet article est paru dans la revue Échos jésuites (été 2023), la revue trimestrielle de la Province d’Europe Occidentale Francophone. L’abonnement numérique et papier est gratuit. Pour vous abonner, cliquez sur ce lien.

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