Les Instituts Ricci sont des centres de recherche et de publication orientés vers l’étude de la culture et civilisation chinoises, ancienne et moderne et le dialogue interculturel et interreligieux entre le monde chinois et les autres traditions spirituelles et culturelles du monde entier. Ces quatre Instituts à Taipei, Paris, San Francisco et Macao ont chacun leur histoire.

Chacun est apparu dans des circonstances bien particulières et leurs objectifs de départ ont été fort différents : quatre manières de poser des jalons pour une réflexion patiente et pour un dialogue avec « les Chinois ».

L’Institut Ricci de Taipei

Le premier Institut Ricci a été celui de Taipei. Il fut fondé en 1966 par les supérieurs jésuites de Taiwan. Il rassemblait les quelques Pères (Jean Lefeuvre, Yves Raguin, … ) qui poursuivaient le projet du Grand Dictionnaire Ricci de la Langue Chinoise. Mais ses objectifs ne se limitaient pas au Dictionnaire. Le Concile Vatican Il venait de s’achever, et on commençait à parler beaucoup d’ «inculturation », de «dialogue » avec les cultures locales et avec les religions non-chrétiennes.

Le centre de Taipei en 1965

L’Institut Ricci allait donc aussi entreprendre des recherches sur le contexte religieux de Taiwan, et plus globalement sur l’histoire des grandes traditions spirituelles chinoises, notamment le taoïsme et le bouddhisme. Avec cet objectif de recherche, les jésuites réfugiés à Taiwan indiquaient qu’ils n’oubliaient pas la Grande Chine: ils ne voulaient pas voir leurs activités et leurs préoccupations confinées à la seule île de Taiwan.

Tour de Taipei en 2004

Dans leur exil forcé, ils ont donc ainsi poursuivi les études sur l’histoire et la culture chinoise menées par les jésuites à Tianjin et Shanghai avant 1949, et publiées dans la collection des Variétés Sinologiques. Ici, il est important de rappeler que 1966 marque le début de la Révolution Culturelle en Chine, et que pendant les dix années qui vont suivre les Pères et Frères de Taïwan resteront sans nouvelles des chrétiens du continent, jésuites compris.

> Site internet de l’Institut Ricci de Taipei

L’Institut Ricci de Paris

A la différence de celui de Taipei, œuvre d’une province autour d’une équipe jésuite, l’Institut Ricci de Paris, lui, fut la création d’un seul homme, le P. Claude Larre. C’était en 1973. Après 17 années en Chine, puis au Japon et au Vietnam, Claude Larre était rentré en France, habité d’une conviction longuement mûrie: les Chinois vivent encore aujourd’hui de quelques grands livres, notamment les textes fondateurs du taoïsme et ceux de la médecine chinoise. En dépit de la modernisation et en dessous des slogans maoïstes, ce sont toujours les idées maîtresses de ces textes qui guident les Chinois dans leur manière de vivre et de comprendre le monde. Sans aucun doute, il fallait une bonne dose de courage pour tenir ces propos en ces années où beaucoup en France s’extasiaient sur la Révolution Culturelle et semblaient tenir pour acquis que rien ne restait de la tradition chinoise. Ces grands textes, continuait le P. Larre, ont aussi un message important pour tout homme, chrétiens compris. Et donc pendant trente ans, avec sa collègue Elisabeth Rochat de la Vallée, il a étudié et traduit ces textes, et les a commentés à un vaste public, en France et à l’étranger. De ces textes, il ne cherchait pas à donner une « interprétation chrétienne » : il les expliquait à la suite des commentateurs chinois, se contentant de souligner qu’ils n’étaient pas incompatibles avec l’Évangile.

A la suite du père Larre, l’Institut Ricci a été dirigé par le P. Michel Masson s.j., François Hominal, Edouard des Diguères, et depuis 2021 par John Lagerwey. Aujourd’hui, l’Institut propose des parcours d’études variées à ceux et celles qui, sinisants ou non, recherchent une réflexion approfondie sur les traditions philosophiques et religieuses de la Chine ainsi que sur l’évolution de la société chinoise contemporaine. Il est abrité par le Centre Sèvres – Facultés jésuites de Paris, l’institut de recherche et d’enseignement supérieur de la Compagnie de Jésus en France. Ses membres travaillent en collaboration étroite avec le corps enseignant du Centre Sèvres et son offre de formation dialogue avec les cours donnés par les facultés dans des domaines tels que les religions du monde ou le dialogue interreligieux.

> Site internet de l’Institut Ricci de Paris

L’Institut Ricci de San Fransisco

Photo de Natang, Beijing, la cathédrale (1650) restaurée par l’Etat en 1980

Au commencement de l’Institut de San Francisco, il y a des cartons et des cartons de livres et de documents sur la mission de Chine aux XVII° et XVIII° siècles. Pour l’essentiel, ces cartons se sont empilés à Hong Kong, au cours des années 60 et 70. Ils contenaient 70 000 livres ! C’était « la bibliothèque du P. Albert Chan » ! Historien de la dynastie Ming (1368-1644), diplômé de Harvard, Albert Chan connaissait tous les bouquinistes de Hong Kong et c’est chez eux au long des années qu’il avait débusqué et acquis tout ce butin. C’est alors qu’entre en scène le P. Edward Malatesta, jésuite californien qui, lui, alliait l’efficacité américaine avec un charme tout italien. C’est lui qui a, donc, l’idée de transporter ces 70 000 volumes de l’autre côté de l’océan et de les mettre à la disposition des chercheurs. Ainsi fut créé l’Institut Ricci à l’université jésuite de San Francisco, un institut destiné à promouvoir la recherche sur l’histoire du christianisme en Chine aux XVII° et XVIII° siècles. Mais, pourquoi tous ces livres ? Pourquoi un tel institut ? A une réunion à Hong Kong en 1989, le P. Albert Chan répondait : c’est que toute l’aventure de la mission chinoise aux XVII° et XVIII° siècles, à la suite de Matteo Ricci, continue de fasciner les intellectuels chinois. La contribution culturelle et religieuse de ces missionnaires reste un sujet incontournable pour tout historien de la modernisation chinoise. Et de fait, l’Institut Ricci de San Francisco est devenu un lieu de rencontres et de collaboration avec un grand nombre d’universitaires de Chine. En décembre 2002, par exemple, son directeur, M. Wu Xiaoxin, organisait à l’Université Chinoise de Hong Kong une session de formation pour des jeunes chercheurs de Chine qui se spécialisent dans l’histoire du christianisme en Chine.

> Site internet de l’Institut Ricci de San Fransisco

L’Institut Ricci de Macao

Façade de l’Eglise de la Mère de Dieu (Collège St Paul, Macao)

Avec l’Institut Ricci de Macao, c’est encore un autre cas de figure. Cette fois-ci, tout part d’un évènement historique : fin 1999, après quatre siècles d’administration portugaise, le territoire de Macao est intégré à la République Populaire de Chine. Macao, c’est aussi 400 ans d’histoire chrétienne, le plus ancien avant-poste missionnaire en Asie orientale, comme le rappelle la fameuse façade de l’église du Collège Saint Paul, fondé en 1594.

C’est au vu de cette transition politique que les Supérieurs décidèrent de créer un Institut Ricci à Macao : pour mener des recherches sur tout cet héritage historique et aussi pour promouvoir une réflexion sur les enjeux éthiques à Macao aujourd’hui. Sous la direction des PP. Luis Sequeira et Yves Camus, le nouvel Institut a déjà organisé plusieurs colloques avec la participation d’universitaires de Pékin et d’ailleurs. Il a aussi depuis cette année une publication bilingue (chinois et anglais) Shenzhou Jiaoliu (« Confluences chinoises. »)

A partir de ces grandes intuitions de départ, les Instituts Ricci ont bien sûr évolué et continueront de le faire. Ainsi, celui de Taipei conduit aussi des recherches linguistiques ou anthropologiques parmi des minorités nationales à Taiwan et dans la province du Sichuan, en Chine.

> Site internet de l’Institut Ricci de Macao

L’équipe des PP. Benoît Vermander et Jacques Duraud a lancé  début 2004 Renlai (« La Flûte humaine »), un mensuel en chinois destiné au public cultivé de Taiwan et de la diaspora chinoise ; un peu à la manière de la revue Etudes en France, cette publication propose une réflexion en profondeur sur les grands problèmes de société. Tout en restant indépendants les uns des autres, les Instituts Ricci ont créé, il y a une dizaine d’années, l’Association Internationale Ricci pour les Etudes Chinoises. Cette Association regroupe aussi les sept ou huit autres jésuites sinologues, éparpillés à travers le monde dans diverses universités : Leuven, Washington, Tokyo, Jakarta… A sa dernière réunion en avril 2003, l’Association comptait ainsi 25 membres: 22 jésuites et trois laïcs. Avec ses 25 membres, représentant 13 nationalités différentes, l’Association Internationale Ricci réinvente à sa façon la tradition – celle d’un dialogue avec les intellectuels chinois, rendu possible par de longues années de recherches. Ajoutons que le doyen d’âge est le P. Albert Chan : il avait 89 ans, en 2005. Sinologie est synonyme de longévité !

Michel Masson sj

En savoir + sur le jésuite Matteo Ricci

En savoir + sur la présence des jésuites en Chine et en Asie