Alberto Hurtado est un jésuite chilien mort relativement jeune en 1952, âgé de 51 ans. De saint Jean Bosco, il avait l’humble origine et l’amour des enfants pauvres, de Joseph Cardijn, le zèle pour la classe ouvrière et de l’abbé Pierre, l’art de loger les sans-logis.

Biographie

hurtado5Alberto naît le 22 janvier 1901. Il a quatre ans quand son père, un fermier, meurt subitement après une chevauchée digne d’un western à la poursuite de voleurs de bétail. Désormais, il est pauvre. Sa mère, ruinée, part pour Santiago et réussit à éduquer ses deux garçons qui feront même leurs humanités au collège Saint-Ignace. Alberto, très sensible au drame du quart-monde, voudrait entrer tout de suite au noviciat des jésuites pour devenir prêtre des pauvres. Mais sa mère et son petit frère ont besoin d’un salaire pour survivre…

Sensible au drame du quart-monde

alberto hurtado Après sa rhétorique, Alberto prend un travail à mi-temps et consacre l’autre moitié de sa journée à étudier le droit à l’université. Dans le quartier le plus misérable de Santiago, il fonde un patronage puis un secrétariat social et une école du soir. Docteur en droit, en 1922, passionné de problèmes sociaux, il n’oublie pas pourtant sa vocation et aspire à rejoindre le noviciat des jésuites.

Grâce à Dieu, sa mère, après dix-huit ans de veuvage, vient de gagner le procès intenté aux personnes malveillantes qui avaient abusés de son inexpérience. Désormais, elle peut vivre à l’aise. Alberto entre au noviciat des jésuites le 14 Août 1923. Il fait des études de Littérature en Argentine, puis de Philosophie en Espagne et finalement de la Théologie et une licence en pédagogie à l’université de Louvain en Belgique. Quand il revient à Santiago, en 1936, il n’a plus que seize ans à vivre…

Seize années qui vont marquer l’Église du Chili

hurtado2D’abord affecté à la formation de l’Action catholique, il dépense toutes ses forces à faire connaître la doctrine sociale des Papes, à conscientiser les classes dirigeantes, à réveiller la foi et l’espérance des classes laborieuses. Il est à la fois l’homme des syndicats chrétiens, l’aumônier des universitaires et l’apôtre du quart-monde. Son zèle fougueux mais plein de respect pour les personnes se déploie dans des publications, dans des sermons, des retraites, une action multiforme d’éveilleur des consciences et d’apôtre des petits. Un matin, d’octobre 1944, au cours d’une retraite qu’il dirige pour un groupe de dames, il leur fait part d’un événement qui l’a bouleversé : la veille, très tard dans la soirée, un homme sans logis, grelottant de fièvre, à peine vêtu, lui a demandé l’aumône pour passer ne fusse qu’une nuit à l’hôtel et soigner son angine … « Et cet homme, c’est notre frère, un enfant de Dieu comme nous ! Que fait l’Église pour ses enfants de la rue qui dorment à la belle étoile et se réveillent frigorifiés ? »

Touchées au cœur, les dames se concertent et agissent immédiatement : argent, chèques, bijoux sont donnés au Père. Un quotidien lance un appel à la générosité de ses lecteurs. La réponse du public dépasse toutes les espérances. Le 21 décembre, la première pierre du « Foyer du Christ » est bénie par l’évêque. Le miracle quotidien a commencé. Actuellement, cette œuvre a besoin de dix millions de dollars par an. L’État chilien lui en donne huit cent mille, le reste est fourni par la providence, moyennant la charité des chrétiens.

Le Père Hurtado, une figure populaire

alberto hurtado Il intervient à la radio, écrit des journaux, donne des conférences. On parle partout de ses missions de « commando », au volant de sa camionnette verte, pour recueillir en pleine nuit d’hiver les va-nu-pieds, les clochards, et leur offrir un toit, un lit, un repas chaud, une amitié surtout. Pour mieux conscientiser son pays, il trouve encore le temps de fonder une revue, El Mensajero, qui diffuse la pensées sociale des papes et éveille les consciences. Il multiplie aussi ses visites aux ouvriers des mines, des usines et des ports pour les aider à créer un syndicalisme chrétien. Un prêtre ouvrier français, invité à se ménager, disait : »Je préfère mourir jeune, usé, que vieux, moisi… » Alberto Hurtado, atteint d’un cancer au pancréas, meurt à l’hôpital, entouré de la vénération et de l’amour de tout un peuple, le 18 août 1952.

Sa prière préférée était : « Contento, senor, contento ! », son dernier mot à son Supérieur fut : « Croyez bien, Père, que je suis heureux, profondément heureux. »

Le pape Jean-Paul II a béatifié Alberto Hurtado le 16 octobre 1994. Le miracle a eu lieu en 1996 quand une jeune fille, condamnée par les médecins, a été guérie de manière inexpliquée. Sa canonisation a lieu le 23 octobre 2005. Par trois fois, le Chili émet des timbres en l’honneur d’Alberto Hurtado : en 1994 lors de sa béatification, en 2001 pour le centenaire de sa naissance et en 2005 lors de sa canonisation à Rome.

Au Chili, le 18 août (jour de son décès) est déclaré Journée de la Solidarité. En diverses occasions, le parlement chilien lui rend hommage, notamment le jour de sa canonisation où le président du Chili le décrit comme « nouveau Père de la Nation ». La station du métro de Santiago située à proximité de son sanctuaire et du siège du Hogar de Cristo est baptisée San Alberto Hurtado.

Vidéo : la crise économique, la crise sanitaire… et saint Alberto Hurtado

Alberto Hurtado est reconnu par tous comme celui qui a vu la situation de pauvreté, une situation souvent occultée, de tant de ses concitoyens. Et il a fait beaucoup pour eux. Il a créé plusieurs œuvres dont la plus connue, pour les sans-abris, est Hogar de Cristo (La Demeure du Christ). À une époque de l’histoire où tant de gens, dans le monde, souffrent des aléas dus à la pandémie de Covid-19, Alberto Hurtado est une inspiration pour ceux qui se dévouent aux service des plus malheureux. Pour mieux connaître ce saint des temps actuels, rencontre avec un jésuite chilien, le P. Marcelo Gidi sj, qui enseigne actuellement le droit canon à la Pontificia Università Gregoriana.

« Ô Père Hurtado, apôtre du Christ » : prière au P. Alberto Hurtado

Serviteur des pauvres, ami des enfants, guide des jeunes,

nous bénissons notre Dieu d’avoir permis que tu vives parmi nous ; comme le Christ, tu es celui qui a su aimer et servir les autres.

C’est toi aussi qui a été prophète de la justice et refuge des plus pauvres et des abandonnés.

C’est enfin toi qui as construit – avec quel amour! – un foyer pour abriter le Christ.

Comme un père affectueux, tu nous incites à vivre notre foi comme une foi active, qui s’exprime par la justice, fidèle à ses implications et toujours solidaire.

Tu nous engages avec enthousiasme à suivre les pas de Jésus. Tu nous conduis à ce Sauveur dont notre monde a besoin.

Donne-nous de vivre toujours heureux en dépit des difficultés de la vie, donne-nous d’apprendre à vaincre notre égoïsme et à savoir offrir notre vie à nos frères et sœurs les plus abandonnés.

Fils de Marie et de l’Eglise ! Ami de Dieu et des hommes, prie pour nous. Amen.

Alberto  Hurtado, Un toit pour le Christ, un livre à découvrir

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Depuis plus de cinquante ans, cette œuvre gigantesque a logé, nourri, éduqué, relevé des centaines de milliers de pauvres, jeunes et vieux. Chaque année, elle a besoin de quarante-six millions de dollars pour survivre. L’État lui en donne huit cents mille. Le reste est fourni par la Providence, moyennant la charité des chrétiens… et l’intercession, du haut du ciel, du fondateur : le père Alberto Hurtado.

Du nord au sud du Chili, on se souvient de ce jésuite, mort en 1952 à l’âge de 50 ans, et dont la personnalité rayonne comme celle d’un abbé Pierre, d’un saint jean Bosco ou d’un joseph Cardijn.

Passionnée, passionnante, l’histoire du père Hurtado apporte un souffle du large, un sourire d’espérance.

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> Découvrir un autre livre : Comme un feu sur la terre, pages choisies d’Alberto Hurtado

Extrait de la lettre du Supérieur général de la Compagnie de Jésus à l’occasion de la canonisation du P. Alberto Hurtado, le 21 juin 2005

Ce qui prédomine [chez le Père Hurtado] est sa capacité d’aimer: un don accordé par Dieu, mais qu’il sut développer en établissant, à la lumière de l’Évangile, une amitié toujours plus intense et personnelle avec Notre Seigneur. Cette familiarité acquise par Alberto Hurtado par la contemplation des mystères de la vie de Jésus Christ conformément à la pensée de Saint Ignace, est ce qui est à l’origine des attitudes qui lui sont caractéristiques. Justement parce qu’il était un véritable amoureux du Christ, il fixa son regard sur le Seigneur Jésus et sur la façon dont Il avait vécu lorsqu’Il était ici sur terre; il passa de longues heures à contempler la manière dont Il s’était comporté dans les différentes situations dans lesquelles Il s’était trouvé; avec les yeux du cœur, le Père Hurtado admira surtout comment Jésus avait prêté attention aux personnes, et comment Il avait fait siennes les souffrances de celui qui peine; il se laissa fasciner par Jésus et c’est pourquoi Sa façon de penser et de vivre firent toujours plus partie de son être : il se conforma au Christ et fut ainsi un disciple authentique.

Le rapport d’Alberto Hurtado avec le Seigneur n’avait donc rien à voir avec un spiritualisme intimiste loin de la réalité : ce fut un partage réel et effectif de Sa façon de vivre et de se comporter avec les personnes, vues et aimées dans le contexte social dans lequel elles se trouvaient, vues et aimées de manière effective et réelle en tant que personnes ayant besoin de véritable chaleur humaine, d’intérêt, de formation et de justice…

Rome, le 21 juin 2005

Lettre du Père Provincial des jésuites du Chili, à l’occasion de la canonisation du P. Alberto Hurtado

Chers amis, chères amies,

Nous vous invitons à partager la joie profonde que nous ressentons à l’approche de la canonisation de notre confrère, le père Alberto Hurtado, s.j. (1901-1952), qui aura lieu le 23 octobre prochain. Ce jésuite a beaucoup marqué la vie spirituelle et l’apostolat de notre Province. Par sa contribution à la vie religieuse et à la vie de l’Église universelle, il fut, à nos yeux, un précurseur de Vatican II.

Pour nous, Alberto Hurtado est un modèle éminent du jésuite au service de la foi et de la promotion de la justice. “Le pauvre est le Christ”, répétait-il souvent. Et il fut vraiment cette image du Christ pour tant de pauvres. Fidèle à l’esprit des Exercices spirituels, il recommandait de nous demander dans les diverses circonstances de notre vie “Que ferait le Christ à ma place ?” Il se posait la question à lui-même et ses réponses concrètes nous impressionnent toujours profondément. Il avait choisi de répondre à l’appel du Christ en étant jésuite et prêtre, plutôt que comme avocat ou homme politique.

Sa connaissance intime du Seigneur l’amena à regarder le monde et ses défis avec une espérance remarquable et une sensibilité très marquée pour le sort de ceux et celles qui souffrent davantage. Elle le poussa à travailler à la promotion de profondes réformes sociales. Elle l’aida aussi à supporter avec amour et fidélité les contradictions que lui manifestaient parfois l’Église face à son style apostolique et son ardeur à évangéliser la vie culturelle et sociale du Chili.
La misère du peuple chilien et l’indifférence de la majorité des catholiques le poussèrent à intituler un de ses livres “Le Chili est-il un pays catholique?”

Le père Alberto Hurtado rend actuelle l’image du Christ et nous renvoie à Lui. Il nous pousse à nous laisser remettre en question par ce que Dieu nous révèle en sa vie : mettre le Père au centre de notre vie, aimer passionnément le Christ, nous consacrer entièrement à servir l’Église et le monde. Il nous invite à nous abandonner entre les mains du Seigneur pour répondre aux désirs que l’Esprit suscite en nous, que ce soit par des motions intérieures, par la prise de conscience des besoins des autres ou, en général, par les désirs que l’Église nous manifeste dans ses enseignements en matière sociale ou pastorale.

Pour l’Église, le père Alberto Hurtado demeure un vrai modèle de prêtre exigeant, joyeux, accessible, enthousiaste et amoureux du Christ. Il est un témoin du Royaume dans le monde, ne craignant pas d’utiliser les possibilités que celui-ci offre et se mettant au service de ceux et celles qui sont laissés pour compte. Il représente ce type de prêtre qui ne craint pas de proposer le service comme chemin privilégié pour rencontrer Dieu.

Le père Alberto Hurtado exerçait un grand magnétisme. Son intense et émouvant amour pour le Christ le poussait à servir ses frères et sœurs dans la foi avec constance et grande créativité. Ceux et celles qu’ils aidaient se sentaient respectés dans leur dignité personnelle. Il fonda le “Hogar de Cristo” (Foyer du Christ), la ASICH (Action syndicale chilienne) qui permit aux ouvriers de s’organiser et d’acquérir de la formation. En fondant la revue Mensaje, il apporta à la vie culturelle de son pays une profonde réflexion sur le rôle du chrétien dans le monde et la nécessaire réforme structurelle de la société civile. Chez beaucoup de jeunes et d’adultes qui le fréquentaient, il développa la conviction que la mission du chrétien en est une de service généreux et désintéressé. C’était son message comme aumônier d’Action catholique, directeur d’Exercices spirituels, accompagnateur spirituel et professeur. Il fut un grand promoteur de vocations, invitant laïcs, prêtres et religieux à être fidèles à leur mission et à s’y consacrer entièrement. Pour nous, il est une source d’inspiration et d’encouragement dans notre effort de dialogue avec le monde, notre lutte pour la justice, notre option préférentielle pour les pauvres et notre recherche d’une communion et collaboration plus vivante à l’intérieur de l’Église.

Son questionnement et ses préoccupations universelles pour la justice allaient de pair avec ses activités concrètes de solidarité et son service sacerdotal. Dans les différents endroits où il a étudié ou fait sa formation jésuite (Chili, Argentine, Espagne et Belgique), il s’est donné une solide formation comme avocat, prêtre, professeur et docteur en pédagogie. Il a fait profiter les gens de son savoir et de sa sagesse dans son service de tous les jours comme prêtre, professeur et directeur spirituel. Il était un homme attentif aux grandes questions mondiales, en particulier l’évolution de l’apostolat social en France et l’aide concrète aux populations démunies des États Unis d’alors.

La canonisation du père Alberto Hurtado est un cadeau du Seigneur pour faire nôtre et actualiser le message d’Ignace de Loyola, notre fondateur, dans le monde d’aujourd’hui riche en défis sociaux et culturels. Dans la foi, nous pouvons compter sur un nouvel intercesseur qui nous soutiendra dans l’œuvre d’évangélisation qui est la mission de l’Église.

Bien vôtre dans le Christ Jésus,

P. Guillermo Baranda sj
Provincial des jésuites du Chili
30 juin 2005

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