Le P. Josse van der Rest est décédé ce 24 juillet 2020, à Santiago (Chili), des suites du Covid-19. Né à Bruxelles, le 9 mars 1924, il était entré dans la Compagnie de Jésus, à Arlon, le 3 octobre 1944. Il a été ordonné prêtre le 9 juillet 1955. Après sa formation, il a été envoyé au Chili, où il a vécu plus de 60 ans. La biographie de ce jésuite « haut en couleur » est peu banale et parsemée d’anecdotes touchantes.

Josse van der Rest est né dans une riche famille industrielle belge qui avait des usines dans le monde entier. Aîné de quatre enfants, il a été adopté par un oncle qui prend la relève de son père, à son décès. Durant son enfance, Josse refusait d’aller à la messe, se déclarant « anti-prêtre ». De son adolescence, il se souvient de l’époque où il était chef scout et où il s’est même fait prendre en photo à 16 ans avec le roi Baudouin de Belgique. S’il refusait toujours d’aller à la messe, il allait toutefois en abbaye pour Pâques ; il y pleurait « comme une Madeleine », chaque fois qu’il entendait les hymnes entonnés par les moines.

Sa vocation sacerdotale est née pendant la seconde guerre mondiale. Engagé comme résistant puis comme soldat, tireur d’élite et responsable d’un char, il se souvenait du jour où il était arrivé en Bavière ; il y a vu, dans les décombres d’un bombardement, une statue du Sacré-Cœur de Jésus mutilée. Un soldat américain avait écrit sur cette statue « Je n’ai pas d’autres mains que les tiennes ». Josse racontait à ce sujet : « C’est là que j’ai senti l’appel. Cette phrase est restée comme un poignard dans mon cœur. »

Josse a fait sa formation jésuite en Belgique puis à Rome à l’Université Grégorienne. À la fin des années 50, il est envoyé au Chili. Quelques années auparavant l’association « Hogar de Christo » avait été fondée, par le jésuite Alberto Hurtado (canonisé en 2005). Josse était un admirateur de ce dernier. Il voulait donc s’occuper des plus pauvres. C’est dans les bidonvilles de Zanjon de la Aguada (banlieue de Santiago), avec les enfants et les jeunes marginaux, qu’il apprit le dialecte chilien, alors qu’il ne maîtrisait pas encore très bien l’espagnol. Bien des années plus tard, il confessait ne pas toujours (vouloir) distinguer les nuances de son vocabulaire ; beaucoup l’appelaient d’ailleurs « le prêtre aux gros mots ».

Il aimait souligner, en s’en étonnant, que Jésus préférait s’entourer de personnes vulnérables, de gens qui abandonnent leur famille, de soulards, de ceux qui ne deviendront jamais président de la République. « C’est un mystère pour moi qui est très difficile à comprendre. La religion est un mystère. »

Avec un esprit d’entrepreneur étonnant, il s’est consacré à lutter contre les problèmes d’habitat des personnes vivant dans la pauvreté. Il était touché par les dommages causés par la décomposition des familles urbaines indigentes, sans toit fixe ou entassées dans une promiscuité chez des parents ; tout cela était destructeur des valeurs humaines. Sa priorité était donc d’offrir des logements au plus grand nombre. Pour y parvenir, il occupait des terrains (appartenant à l’Etat ou à l’Eglise) et y faisait construire rapidement des petites maisons. Certains voyaient en lui un « Robin des Bois des temps modernes ». Le projet s’est institutionnalisé et étendu à d’autres pays d’Amérique latine puis de l’Asie. Ce sont ainsi plus de trois millions d’habitations qui ont été bâties par la fondation créée par Josse.

Par ailleurs, il était toujours prêt à partager son témoignage de vie. Il a voyagé dans des centaines de pays et est intervenu dans de nombreuses universités en Europe. Son attachement à la Compagnie de Jésus était évident : il l’admirait pour son style progressiste et son énorme présence internationale. Il aimait rappeler la confiance qui lui était faite et la liberté qu’on lui laissait de travailler avec tous, chrétiens, musulmans, bouddhistes ou non-croyants. Il aimait provoquer par ses propos parfois peu châtiés et sans mettre toujours beaucoup de nuance dans ses propose. Mais son cœur brûlait pour provoquer croyants et non-croyants à défendre la cause de ceux qui étaient démunis et sans défense.

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