Nicodème et Joseph d’Arimathie, de la réticence au courage de la foi : méditation du P. Josy Birsens sj

Cette méditation du P. Josy Birsens sj a été donnée lors d’une des conférences de Carême en l’église Saint-Ignace, à Paris. Le P. Josy Birsens sj invite à contempler la sculpture d’une mise au tombeau du XVIe siècle, à travers les figures de Joseph d’Arimathie et de Nicodème.

La mise au tombeau de Jésus, que les quatre Évangiles rapportent de manière presque identique, a été illustrée de nombreuses fois dans l’art occidental. Nous voyons ici la représentation d’un sculpteur lorrain du 16e siècle, Ligier Richier, dans le sépulcre de l’église de Saint-Mihiel, dans la Meuse.

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Mise au tombeau dans l’église de Saint-Mihiel, dans la Meuse, sculptée par Ligier Richier, © Vassil, via Wikipedia

Alors que les personnages du second plan sont groupés autour de la Vierge Marie pour la soutenir dans sa douleur, les trois personnes du 1er plan sont toutes centrées sur le corps de Jésus qu’elles viennent de descendre de la Croix après sa mort. Le visage du Christ exprime une grande sérénité, son corps pourrait aussi bien être celui d’un homme endormi, à mille lieues des souffrances et déchirements de la Passion et de la croix. A gauche du cadavre, une femme est agenouillée en face de Jésus : de sa main droite, elle touche son pied, et ses lèvres semblent se rapprocher du corps mort de son Seigneur, comme si elle voulait le vénérer par un baiser. Tout dans son attitude respire un profond respect et amour – nous pouvons y reconnaître Marie Madeleine.

Deux hommes supportent le corps de Jésus : celui de droite, debout, tient le haut de son corps tandis que celui de gauche, à genoux, le soutient au niveau des jambes et des pieds. Leurs vêtements (turbans) donnent à penser qu’il s’agit plutôt de gens aisés, mais le plus marquant, c’est que leurs visages et leurs regards sont tournés vers le visage de Jésus et comme attirés par lui – comme si ce n’était pas leur tâche qui avait de l’importance, mais cet homme dont ils tiennent le corps inerte dans leurs bras. Tous les mouvements du groupe sculpté orientent, d’ailleurs, nos regards vers la figure sans vie de Jésus, et tout particulièrement son visage, beau et serein. « Se peut-il vraiment qu’il soit mort ? semble nous dire le regard du personnage de gauche, ceci serait-il vraiment le fin mot de l’histoire ? » Alors que le porteur à droite paraît plus marqué par le chagrin et une vénération profonde pour le défunt.

Tout en contemplant cette mise au tombeau, écoutons le récit qu’en donne saint Jean au chapitre 19 de son Évangile :

38. Après cela, Joseph d’Arimathie, qui était disciple de Jésus, mais en secret par crainte des Juifs, demanda à Pilate de pouvoir enlever le corps de Jésus. Et Pilate le permit. Joseph vint donc enlever le corps de Jésus.
39. Nicodème – celui qui, au début, était venu trouver Jésus pendant la nuit – vint lui aussi ; il apportait un mélange de myrrhe et d’aloès pesant environ cent livres.
40. Ils prirent donc le corps de Jésus, qu’ils lièrent de linges, en employant les aromates selon la coutume juive d’ensevelir les morts.
41. À l’endroit où Jésus avait été crucifié, il y avait un jardin et, dans ce jardin, un tombeau neuf dans lequel on n’avait encore déposé personne.
42. À cause de la Préparation de la Pâque juive, et comme ce tombeau était proche, c’est là qu’ils déposèrent Jésus. (Jean 19,38-42)

Nous comprenons que les deux hommes représentés par le sculpteur lorrain sont Joseph d’Arimathie (le personnage debout à droite) et Nicodème (le personnage à genoux au milieu de la scène). Qui donc étaient ces deux hommes ? Que nous en disent les évangiles et que peuvent-ils nous enseigner pour notre propre cheminement dans la foi ?

Joseph d’Arimathie

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Joseph d’Arimathie. © Vassil, via Wikipedia

Joseph d’Arimathie est le moins connu des deux personnages. Son nom n’apparaît que lors de la descente de la Croix et de l’inhumation de Jésus. Mais les quatre Évangiles le citent chacun à la fin de leur récit de la Passion. D’après saint Marc (ch. 15, v. 43), Joseph « était un homme influent, membre du Conseil, et il attendait lui aussi le règne de Dieu. » Comme d’autres notables juifs, prêtres, scribes ou pharisiens, Joseph a donc été touché par le message de Jésus et il apparaît plutôt comme un sympathisant que comme disciple direct de Jésus. Saint Marc souligne tout de même son courage pour se rendre auprès de Pilate et demander le corps de Jésus pour l’ensevelir, comme cela est exigé par la Loi juive, avant la tombée de la nuit qui marque le début du sabbat.

Saint Luc qualifie Joseph « d’homme bon et juste » et insiste qu’il « n’avait donné son accord ni à leur délibération, ni à leurs actes » (Luc, ch. 23, v. 50-51). Membre du Sanhédrin, le grand conseil juif à Jérusalem, il avait donc pris ses distances avec ses collègues et marqué son désaccord, au moins intérieurement, avec leur décision de condamner Jésus à mort et de le livrer aux Romains pour le faire mourir sur la Croix. Luc parle lui aussi de Joseph comme sympathisant plutôt que disciple, au contraire de Matthieu et Jean qui le qualifient de disciple. Jean est le seul à apporter la précision : « mais en secret, par crainte des Juifs » (Jn 19,38), comme nous venons de l’entendre.

Matthieu précise qu’il s’agit d’ »un homme riche, originaire d’Arimathie », une petite ville de Judée au nord-ouest de Jérusalem. Il précise que Joseph enveloppe le corps de Jésus « dans un linceul immaculé et le déposa dans le tombeau neuf qu’il s’était fait creuser dans le roc. » (Matthieu, ch. 27, v. 60) Joseph apparaît donc comme un homme en vue qui met sa richesse et son influence au service de Jésus, lui assurant un enterrement digne, mais son degré d’appartenance au cercle des disciples ne semble pas établi avec certitude. Le linceul immaculé et le tombeau neuf nous renseignent que Jésus n’a pas été enterré dans la fosse commune, comme un vulgaire malfaiteur, mais ils peuvent aussi être des signes que quelque chose de neuf va se jouer ici. Nous y reviendrons !

Nicodème

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Nicodème. © Vassil, via Wikipedia

Nicodème, quant à lui, nous est un peu mieux connu par les textes du nouveau Testament, en particulier l’Évangile selon saint Jean. Il apparaît dès le 3e chapitre, quand il va voir Jésus de nuit, comme notre extrait le rappelle, pour s’entretenir avec lui. Nous le retrouvons à la fin du chapitre 7,50-52 où les chefs du peuple et les pharisiens envoient des gardes pour arrêter Jésus qui prêche dans le Temple. Face aux responsables juifs qui ne croient pas en Jésus et méprisent la foule qui se demande s’il n’est pas le Messie, Nicodème prend implicitement sa défense en leur demandant : « Notre Loi permet-elle de juger un homme sans l’entendre d’abord pour savoir ce qu’il a fait ? » A quoi ils lui répondent : « Serais-tu, toi aussi, de Galilée ? Cherche bien et tu verras qu’aucun prophète ne surgit de Galilée ! » (Jean ch.7, v. 51-52) Nicodème a donc fait preuve de courage pour s’opposer à ses collègues ou, du moins, les faire réfléchir sur le bien-fondé de leur rejet de Jésus, mais il se fait remettre sèchement à sa place.

Il est bon de revenir au chapitre 3, quand Nicodème vient voir Jésus de nuit à l’approche de la Pâque juive, peut-être la nuit de Pâques même. On le présente comme un pharisien et un notable parmi les Juifs. Sa démarche révèle son intérêt et sa curiosité, mais qu’il vienne de nuit semble un mauvais présage : a-t-il peur d’être vu avec Jésus ? N’est-il pas prêt à témoigner de sa foi ? Ou n’en est-il tout simplement pas encore à croire en Jésus ? Pour saint Jean, la nuit est synonyme d’absence de foi, alors que Jésus est la lumière du monde ; venir à lui de nuit n’est donc pas dénué d’ambiguïté. Comme si Nicodème s’avançait vers Jésus à reculons… D’ailleurs, l’entretien commence mal : certes, Nicodème reconnaît en Jésus un prophète accrédité par Dieu, comme Moïse, mais sa foi en Jésus repose sur les signes que Jésus a opérés : les miracles et guérisons – comme pour beaucoup de témoins à Jérusalem à ce moment de la mission de Jésus dans Jean. Toutefois, juste avant l’épisode avec Nicodème, l’évangéliste nous avertit que Jésus se méfie de ce type de foi basé sur des signes extérieurs, visibles et tangibles (Jean 2,23-25). Peu après, la foule, en Jean 6, reconnaît Jésus comme prophète après la multiplication des pains et sa marche sur les eaux, mais elles se méprend fondamentalement sur sa mission, voulant le proclamer roi.

La foi de Nicodème semble donc encore bien immature, tout comme celle de Joseph d’Arimathie, disciple en cachette par peur des Juifs. Aussi tout le discours de Jésus en Jean (ch.3) consiste-t-il à enseigner le pharisien sur la naissance d’en haut, c’est-à-dire une conversion fondamentale pour entrer dans le royaume des cieux, et sur la Pâque définitive qu’accomplira son exaltation sur la Croix et à laquelle le baptême associera tous ceux qui croiront en lui. Après la crucifixion et la mort de Jésus, cependant, les choses ont changé pour Nicodème. L’évangéliste rappelle, certes, que le pharisien était venu trouver Jésus de nuit, mais sa démarche, cette fois-ci est bien publique, elle a lieu en plein jour.

Celui qui est entré dans la nuit maintenant, c’est Judas au début du récit de la Passion, tandis que Joseph d’Arimathie et Nicodème s’empressent d’enterrer Jésus avant la tombée de la nuit, donc de jour. Ils agissent tous les deux comme des disciples qui font le deuil de leur maître et viennent rendre à son corps les honneurs qui lui sont dus. On est frappé par la quantité énorme d’aromates que Nicodème a apportée : environ 30 kilos ! Il veut ainsi exprimer sa profonde vénération pour Jésus, à l’exemple de Marie, la sœur de Marthe et Lazare, à Béthanie : elle avait oint les pieds de Jésus avec du parfum très pur et de très grande valeur. Mais la grande quantité utilisée par Nicodème fait aussi penser à des obsèques d’un personnage important, un roi par exemple. Le geste de Nicodème peut alors être compris comme la reconnaissance de la royauté de Jésus : il apporte la réponse croyante à la question de Pilate : « Alors tu es roi ? » (Jean, ch. 18, v. 37), à laquelle Jésus n’avait pas donné de réponse. Le parfum, pour Jean, est encore le signe de la victoire sur la mort – l’évangéliste parsème son récit de petites indications qui annoncent déjà la résurrection de Jésus !

Il en va ainsi du tombeau neuf qui pourrait augurer une nouvelle naissance, à laquelle Jésus avait invité Nicodème ; d’ailleurs, un tombeau neuf est tout, sauf la sépulture d’un condamné ! Le fait qu’il se situe dans un jardin rappelle le jardin des Oliviers, où toute la Passion de Jésus avait commencé, mais aussi le 1er jardin du paradis que l’homme avait perdu par sa faute originelle. Ce jardin pourrait donc symboliser le paradis retrouvé, de même que la Croix symbolise avec certitude l’arbre de vie authentique, dont Jésus avait déjà parlé à Nicodème à propos du serpent d’airain dressé sur un bâton dans le désert par Moïse. Tous ces signes convergent pour affirmer haut et fort que la mort de Jésus n’est pas une malédiction, mais qu’au contraire, elle sera source de vie « jaillissant pour la vie éternelle » (Jean ch. 4, v.14).

En comparant la scène de la mise au tombeau à la crucifixion, on pourrait dire aussi que Joseph d’Arimathie et Nicodème forment un diptyque avec Marie, la mère de Jésus, et Jean, le disciple bien aimé, au pied de la croix. La foi des deux disciples vient donc, enfin au grand jour et se fait plus audacieuse : les deux hommes sont devenus adultes dans la foi. Cela se marque encore dans le fait que les deux disciples « prirent le corps de Jésus », nous pouvons penser : avec douceur et dévotion, et lui donnèrent tous les soins que la tradition juive de l’époque connaissait. Or, l’auditeur du récit de la Passion a encore dans l’oreille la manière rude dont la cohorte de soldats avait pris Jésus pour le ligoter et le conduire chez les grands-prêtres au début de la Passion (Jean, ch. 18, v. 12). Et il se souvient de la manière indifférente, voire hautaine de Pilate qui avait pris Jésus pour le faire flageller et maltraiter par ses soldats (Jean ch. 19, v. 1). Dans le texte grec, on retrouve chaque fois le même verbe ‘élabon/en’ = ils prirent/il prit, et c’est ce verbe qui est utilisé aussi pour l’accueil de Jésus dans la foi : « Moi, je suis venu au nom de mon Père, et vous ne me recevez [prenez] pas » dit Jésus aux Juifs en Jean, ch. 5, v. 43, et « si quelqu’un reçoit celui que j’envoie, il me reçoit [prend] moi-même ; et celui qui me reçoit [prend], reçoit [prend] celui qui m’a envoyé » en Jean ch.13, v. 20.

Lors du 1er entretien, Nicodème avait été de ceux qui ne reçoivent [prennent] pas le témoignage de Jésus – à présent, il reçoit le corps du Christ. Nul doute qu’il fait partie du petit nombre de ceux qui ont reçu le Verbe de Dieu dans la foi ! Faut-il y voir une allusion à l’Eucharistie ? La question reste ouverte, mais c’est très probable. En effet, nous lisons en Jean, ch. 6, v. 53 : « Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme – certains mss portent : ‘si vous ne prenez pas la chair’ ! -, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous. » En Jean, ch. 19, Nicodème et Joseph d’Arimathie reçoivent le corps du Christ en croyants adultes. On peut croire qu’ils sont les deux premiers Juifs que Jésus a attirés à lui « une fois élevé de terre » (Jean ch. 3, v. 14-15), et si leurs hésitations et leur pusillanimité sont encore rappelées, ce n’est pas pour leur en faire le reproche, mais plutôt pour souligner le chemin qu’ils ont parcouru dans la foi.

Quelques enseignements

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Détail de la mise au tombeau © Vassil, via Wikipedia

Que peuvent donc nous enseigner les deux personnages de Joseph d’Arimathie et de Nicodème pour notre propre cheminement de foi ?

1. Le rappel des doutes de Nicodème et du manque de courage de Joseph à la fin du récit de la Passion nous invitent, d’abord, à approcher avec beaucoup d’humilité et de componction le mystère de la Croix de Jésus. Si le publicain de la parabole nous est déjà donné comme modèle, lui qui ose à peine lever les yeux vers le haut pour prier Dieu (Luc ch. 18, v. 9-14), combien plus devons-nous faire preuve de retenue et de modestie en voyant à quoi la malice et le péché de l’humanité ont conduit notre Sauveur. Ici, tout questionnement sur les causes et l’origine du mal se révèlent futiles, il y a à accueillir celui qui s’est dépouillé de lui-même pour briser le cercle du mal et nous apporter la vie. Il y a à se souvenir de ses propres imperfections et péchés, de la solidarité de chacun avec l’humanité pécheresse. Et à s’étonner, dans l’admiration et la reconnaissance, que l’amour infini de Dieu pour nous a bien voulu aller jusqu’à cette extrémité. C’est bien ce que Jésus avait déjà dit à Nicodème :  » Dieu a tellement aimé le monde qu’il lui a donné son Fils unique » (Jean ch. 3, v. 16).

2. Nous pouvons ensuite admirer le courage de Joseph d’Arimathie et la générosité, de Nicodème : l’un ne craint pas d’aller voir le gouverneur romain pour réclamer le corps de Jésus et lui assurer une sépulture digne, l’autre puise profondément dans ses richesses pour embaumer le corps de Jésus, l’envelopper d’un linge immaculé et le mettre dans un/son tombeau neuf. Et tous deux agissent en plein jour, sans se préoccuper des conséquences négatives éventuelles de leur engagement. Cela dit assez bien la force de leur conversion et de la grâce qui les a touchés ! Nous pouvons en être rassurés aujourd’hui, si notre propre foi nous apparaît bien faible, hésitante et pleine de doutes.  » Des pierres que voici, Dieu peut susciter des enfants à Abraham » (Luc ch. 3, v. 8) avait lancé Jean le Baptiste à ses contemporains – combien plus le Seigneur s’emploie-t-il à prémunir de son amour tous ceux qui le cherchent sincèrement pour les faire progresser en sainteté ?

La longueur du chemin et la distance encore à parcourir pour arriver à une foi adulte importent peu, finalement. Car l’Évangile de saint Jean nous donne l’assurance, avec la figure hésitante et lente à croire de Nicodème, que la foi éveillée et stimulée par les paroles de Jésus continue de faire son chemin. Dieu sait bien gérer nos peurs, nos compromissions, nos engagements à demi-mots et il n’en est pas gêné. Jésus ressuscité a donné sa chance à Thomas, comme il a pris patience pour Nicodème et Joseph d’Arimathie. Sa Parole est « vivante, énergique et plus coupante qu’une épée à deux tranchants », elle se fraie un chemin et finit par porter du fruit !

En voyant le courage de Joseph et la générosité de Nicodème, nous pouvons aussi nous demander chacun(e) quels sont ces biens et qualités dont nous disposons et que nous pouvons donner à Jésus. Imaginant le Christ en Croix, note saint Ignace dans une méditation de la 1ère semaine des Exercices spirituels, le retraitant peut se demander : « ce que j’ai fait pour le Christ, ce que je fais pour le Christ, ce que je dois faire pour le Christ » [Ex. 53]. Ai-je vraiment mis tous mes talents et ressources à la disposition du Seigneur ou bien est-ce que je m’en réserve une part importante ? En quoi le courage de Joseph et la générosité de Nicodème m’interpellent-ils ?

3. Les petits signes dont saint Jean a émaillé son récit de la Passion pour soutenir la foi de ses lecteurs nous invitent encore à ne jamais désespérer de la marche du monde et à affûter notre capacité de discernement pour bien reconnaître ces signes. Dieu reste présent et agissant dans l’histoire, nous semble souffler saint Jean, il en est même le maître – mais il n’agit pas selon nos vues humaines. Il s’agit donc de porter un regard croyant sur les événements en se mettant sous la mouvance du Saint-Esprit, de les réfléchir et creuser pour en reconnaître le sens caché, pour y voir à l’œuvre le Dieu d’amour et Son Serviteur souffrant.

Ces derniers mois et semaines, l’actualité nous a bouleversés, en particulier le retour de la guerre à nos portes et la contestation de la rue face à la réforme des retraites. De manière générale, les médias nous abreuvent de faits négatifs, de scandales et de catastrophes à répétition qui peuvent nous laisser sans espoir. Se situer en chrétien dans notre monde, c’est ne pas oublier que Jésus continue de souffrir et de vivre sa Passion dans les événements qui nous touchent. « Nous le savons en effet, écrit saint Paul aux Romains, la création tout entière gémit, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore. » (Lettres aux Romains, ch. 8, v. 22) Toutes les tribulations que traverse l’humanité et le monde aujourd’hui encore, nous pouvons les comprendre à la lumière de la foi comme des épreuves en vue du royaume à venir, des souffrances que nécessite la victoire de la paix et de la justice.

Ou encore, comme saint Ignace y invite à la fin des Exercices spirituels, dans la contemplation pour obtenir l’amour : « considérer comment Dieu travaille et œuvre pour moi dans toutes les choses créées sur la face de la terre » [Ex. 236] Dieu, en effet, n’est pas absent au devenir de l’humanité, mais il y poursuit son œuvre de création et de rédemption pour le bien de tous les hommes. Nos angoisses face à l’avenir, nos souffrances face au mal qui se déchaîne, nous pouvons les vivre en union avec le Seigneur crucifié, les regarder comme Nicodème qui semble interroger son Seigneur :  » Comment est-ce possible, Seigneur ? Le mal et la violence ont-ils vraiment le dernier mot ? Que puis-je faire pour en atténuer les effets ? » Puissions-nous nous laisser gagner pas à pas par la foi et l’espérance de saint Paul : « J’estime qu’il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire qui va être révélée pour nous. » (Rm 8,18) Les petits signes de vie, de solidarité et d’engagement généreux sont là pour nous encourager.

Au terme de notre méditation autour du groupe du sépulcre de Saint-Mihiel, gardons en mémoire le témoignage de Joseph d’Arimathie et de Nicodème. Ils ont été touchés par la parole et l’exemple de Jésus et ils n’ont pas étouffé, mais laissé son message se creuser un chemin en eux jusqu’à se faire tout proches de lui, au grand jour, pour recevoir son corps et lui rendre hommage. Que leur courage et leur générosité nous fassent avancer sur notre propre chemin de foi, d’espérance et de charité, en route vers la lumière de Pâques !

P. Josy Birsens sj,
communauté Saint-François-Xavier à Paris (Grenelle)

> Source : église Saint-Ignace à Paris (6è)

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