Affaire Marko Rupnik : interview du P. François Boëdec sj, Provincial

Dans une interview parue dans La Vie le 3 janvier 2023, le P. François Boëdec sj, Provincial, répond aux questions concernant le jésuite Marko Rupnik et rappelle l’importance des dispositifs de prévention et de formation face aux risques d’emprise et d’abus dans les situations d’accompagnement spirituel.

Beaucoup d’observateurs accusent la Compagnie de Jésus d’avoir mal géré les affaires Rupnik et d’avoir pris des sanctions trop légères. Qu’en pensez-vous ? Et comment les jésuites de votre province reçoivent-ils la révélation de ce nouveau scandale d’abus ?

Les faits d’emprise et d’agressions sexuelles subis par les personnes victimes du jésuite Marko Rupnik nous choquent profondément. Les traumatismes et les dégâts occasionnés dans toutes les dimensions de leur vie sont accablants. Les justifications mystiques et spirituelles délirantes sont à l’opposé du message de saint Ignace qui insiste tant sur le respect et la liberté.

Même s’il n’est pas membre de notre province, nous nous sentons trahis parce qu’un jésuite engage toute la Compagnie de Jésus. Nous relayons de nouveau l’appel lancé par la Curie générale des jésuites à Rome, qui invite toute personne, témoin ou victime, à se manifester (teamreferente.dir@gmail.com).

Sur les enseignements à en tirer, il est certain que les réponses apportées face aux abus commis sur des femmes adultes doivent évoluer, comme cela a été le cas pour les abus sur mineurs. Les paroles de ces femmes doivent être entendues et crues. Le droit canonique doit protéger toute personne et apporter des sanctions à la hauteur des agressions commises.

Les agressions sexuelles de Marko Rupnik ont été commises dans le cadre de la confession mais aussi de l’accompagnement spirituel, un des « domaines de spécialité » de la Compagnie de Jésus. L’ordre jésuite doit-il en tirer des enseignements particuliers ?

Toute personne qui entre dans une démarche d’accompagnement spirituel confie des éléments intimes de sa vie et fait confiance à son accompagnateur. C’est une relation dissymétrique dans laquelle l’accompagnateur doit veiller en permanence à rester à la bonne place et la bonne distance pour prévenir toute forme d’emprise.

Il est essentiel, pour cela, que tout accompagnateur soit formé et lui-même accompagné. Nos centres spirituels assurent ce type de formation. Nous avons formalisé des repères pour la prévention des abus, qui sont destinés à celles et ceux qui accompagnent spirituellement, qu’ils soient religieux, prêtres ou laïcs.

Dans le média catholique américain National Catholic Reporter, l’historien Massimo Faggioli commente : « Cette affaire va libérer les jésuites de l’illusion qu’ils avaient d’être magiquement exempts de la crise des abus sexuels. » Quelle est votre opinion sur cette affirmation ?

Jamais nous n’avons pensé que nous étions exempts de la crise des abus, comme l’affirme la personne que vous citez. Depuis plusieurs années, les différentes provinces jésuites dans le monde ont pris la mesure de la triste réalité des abus en leur sein. Un travail de clarification, de recherche de la vérité et de prévention s’est engagé. Depuis 2014 en France, notre cellule d’écoute et prévention rencontre les personnes victimes de jésuites. En 2019, nous avons lancé un appel pour les inviter à prendre contact avec nous ou avec la Ciase.

Leur parole nous aide à avancer et à faire la vérité. Nous faisons part de la situation régulièrement sur notre site internet. Enfin, nous travaillons depuis plusieurs mois avec la Commission Reconnaissance et réparation (CRR), créée à la suite du rapport de la Ciase. Concernant les jésuites, tous ont suivi les journées de prévention et de sensibilisation organisées depuis 2017 dans notre Province, avec des interventions d’experts et des témoignages de victimes.

Propos du P. François Boëdec sj,
Provincial de l’EOF,
recueillis par Henrik Lindell pour La Vie le 03/01/23

Appel à témoins lancé par la Curie générale

« Appel à témoin et information concernant le P. Marko Rupnik »
Un appel à témoin a été lancé par le P. Johan Verschueren, Délégué du P. Arturo Sosa et Supérieur majeur pour les Maisons Internationales des jésuites à Rome. Les jésuites relayent cet appel et invitent toute personne qui a été victime ou témoin d’abus commis par le P. Marko Rupnik à contacter cette cellule via l’adresse teamreferente.dir@gmail.com.

Cellule Prévention et écoute de la Province EOF

Contact en France et en Belgique en cas de situation d’abus sur les personnes

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