Lorsque la Compagnie de Jésus fut supprimée en 1773, un grand nombre de jésuites continuèrent à exercer leur ministère dans les diocèses sous la conduite des évêques. Nous fêtons le bienheureux Jacques Bonnaud le 2 septembre.

Vingt-trois d’entre eux qui avaient refusé la Constitution civile du clergé, furent mis à mort en 1792 parmi les cent quatre-vingt onze prêtres et laïcs victimes des massacres de septembre. Trois jésuites nous sont particulièrement connus : Jacques Bonnaud, vicaire général de Lyon, Guillaume Delfaud, archiprêtre de Daglan, et Alexandre Lanfant, prédicateur de la Cour.

Abandonnant son intention originale de redresser les torts que le peuple avait soufferts de la part des autorités aristocratiques, la révolution française se transforma en une persécution rabique anticatholique. En 1789 l’Assemblée Constituante Nationale décida de mettre à la disposition de la nation les propriétés de l’Eglise, et l’année suivante elle supprima les vœux religieux et interdit aux ordres religieux d’accepter de nouveaux membres. Ensuite l’Assemblée vota la Constitution Civile du clergé, qui exigeait des prêtres de prêter serment de fidélité à la constitution qui créait une église nationale indépendante du pape. S’ils refusaient de prêter serment ils étaient exposés à des poursuites comme trublions de la paix.

La tension qui régnait empira encore quand la Prusse et l’Autriche envahirent la France pour se protéger de la révolution. Le 9 Août 1792 des rebelles emprisonnèrent la famille royale et supprimèrent la monarchie. Le 26 Août l’assemblée déclara que les membres du clergé qui refuseraient de prêter serment seraient déportés en Amérique du Sud. Quand la Commune prit le contrôle de Paris, des révolutionnaires parcoururent la cité à la recherche de prêtres, qu’ils emprisonnèrent. Pour finir le Commissaire Stanislas Maillard lança un plan de tuer simplement les prêtres, parce que les envahisseurs prussiens étaient à 150 miles de Paris.

Maillard commença par l’Abbaye de Saint-Germain-des-Prés, où 21 prêtres furent massacrés. Aucun jésuite ne se trouvait parmi eux, mais 14 jésuites étaient emprisonnés à la halte suivante de Maillard, le monastère des Carmélites. Il y avait 14 jésuites parmi les 95 prêtres martyrisés à ce moment. La plupart des prêtres furent enfermés dans la chapelle, et furent conduit dehors deux par deux et invités à signer le serment de fidélité à la Constitution Civile du clergé. Quand ils refusaient ils étaient précipités en bas des escaliers de la chapelle et livrés à une foule qui les attendait et les attaquait avec des sabres, des baïonnettes, des gourdins et des fusils. Les noms des jésuites sont donnés dans cette liste.

Relation de l’abbé Berthelet de Barbot  (l’un des seize qui furent officiellement épargnés)

Plusieurs d’entre nous se firent un refuge d’un petit oratoire placé dans un angle du jardin ; ils s’étaient mis à dire leurs prières de Vêpres, lorsque tout à coup la porte du jardin fut ouverte avec fracas. Nous vîmes alors entrer en furieux sept à huit jeunes gens dont chacun avait une ceinture garnie de pistolets, indépendamment de celui qu’il tenait de la main gauche, en même temps que de la droite il brandissait un sabre. Le premier ecclésiastique qu’ils rencontrèrent et qu’ils frappèrent fut M. de Salins. (…) Ils le massacrèrent à coup de sabre, et tuèrent ensuite ou blessèrent mortellement tous ceux qu’ils abordaient, sans se donner le temps de leur ôter entièrement la vie, tant ils étaient pressés d’arriver au groupe d’ecclésiastiques réfugiés au fond du jardin. Ils en approchèrent en criant : « L’archevêque d’Arles ! L’archevêque d’Arles ! » Ce saint prélat nous disait alors ces mots inspirés par une foi vive :

« Remercions Dieu, Messieurs, de ce qu’il nous appelle à sceller de notre sang la foi que nous professons ; demandons-lui la grâce que nous ne saurions obtenir par nos propres mérites, celle de la persévérance finale. (…) »

Nous nous rendîmes dans le sanctuaire ; et auprès de l’autel où nous nous donnâmes l’absolution les uns aux autres, nous récitâmes la prière des mourants et nous nous recommandâmes à la bonté infinie de Dieu. Peu d’instants après arrivèrent les assassins pour nous saisir et nous entraîner. (…)

Un commissaire de la section, envoyé avec la mission d’empêcher le massacre des prisonniers, vint s’établir avec une table et le registre d’écrou de la prison des Carmes, auprès de la porte par laquelle on descendait dans le jardin. Là, il appelle et fait venir les prêtres devant lui, deux par deux, pour constater l’identité de leurs personnes et s’assurer qu’ils persévèrent dans le refus du serment : il les fait passer ensuite dans le corridor qui aboutit à l’escalier par lequel on descend au jardin ; ils y sont attendus par les assassins qui les égorgent aussitôt qu’ils paraissent, et font entendre à chaque fois des hurlements affreux entremêlés du cri de « Vive la nation ! » (…) Les prêtres qui sont encore dans l’église ne peuvent plus douter du sort qui les attend ; et néanmoins, toujours en prière au pied de l’autel, ils n’en paraissent point troublés. Ceux qui sont appelés à leur tour par le commissaire se lèvent aussitôt, les uns avec la sérénité d’une âme pure et pleine de confiance en Dieu, les autres avec un empressement très marqué d’aller donner leur vie pour Jésus-Christ. L’un vient les yeux baissés, continuant sa prière, qu’il n’interrompt que pour répondre au commissaire ; et il la reprend tranquillement ensuite, en se rendant à l’escalier de la mort. (…) Un autre, son bréviaire, ou l’Écriture sainte à la main, marche avec ces livres de divines promesses, et montre par son visage et sa démarche qu’il s’attend à les voir se réaliser quand il recevra le coup fatal. Quelques-uns, présentant aux assassins un front angélique, les regardent avec une douce charité, dans laquelle on ne peut méconnaître une touchante compassion pour leur frénésie. (…) Plusieurs enfin jettent des regards prédestinés sur la croix de l’autel et répètent ces paroles de Jésus Christ : Mon Dieu, pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font .

Ainsi périrent en vrais martyrs dans cet endroit trois illustres prélats, un très grand nombre de prêtres et un pieux laïc. Le commissaire lui-même fut touché de leur saint héroïsme. Deux jours après, il ne pouvait s’empêcher de dire à ceux des prêtres qu’il avait fait soustraire au massacre et qui étaient encore détenus au comité de la section : « Je m’y perds ; je n’y connais plus rien ; vos prêtres allaient à la mort avec la même joie que s’ils fussent allés à des noces !»

Relation de l’abbé Berthelet de Barbot

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> Photo : © sjweb.info

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