Le bienheureux Jacques Berthieu, jésuite et martyr, est devenu le 21 octobre 2012  le premier saint de Madagascar et de l’océan Indien. Il est fêté le 8 juin dans la Province (et le 4 février dans les autres Provinces).

Jacques Berthieu est né en 1838 près de Polminhac dans le Cantal. Ordonné en 1863, il exerce dix ans avant de répondre à l’appel à la vie missionnaire jésuite.

Après le noviciat et une courte théologie, il part pour l’île Sainte-Marie où il reste jusqu’à son expulsion en 1880, en application du décret visant les jésuites. Il est alors nommé près de Fianarantsoa. Il en est expulsé en 1883 avec tous les Français en représailles d’une intervention de la marine française. Fin 1885, la paix signée, il part à Ambositra puis Anjozorofady, au nord de la capitale.

La guerre reprenant, il s’en va pour ne revenir qu’en 1895. La paix est fragile et les Menalamba, une tribu des environs, se soulèvent. Le 6 juin 1896, le Colonel Combes décide le repli sur Tananarive. Il part en tête avec ses hommes, laissant la colonne s’étirer dangereusement. Le Père chemine avec les derniers. Soudain les Menalamba attaquent. Les militaires sont trop loin. Le groupe, réfugié dans un village fortifié, a le temps de célébrer une messe. Le Père renvoie ensuite les Malgaches qui sont avec lui : aucun ne sera pris.

Il est alors capturé, insulté, frappé. Sur le chemin, on le fait trébucher, on lui retire ses habits, on le frappe encore. A la tombée du jour, il s’écroule : Ils décident de le fusiller. On rapporte alors ce dernier dialogue :

– Veux-tu nous suivre et renoncer à ta prière ?
– Je ne pourrai jamais ne pas prier, tant qu’il me restera 
un souffle de vie. (…)
– Renonce à ta vilaine religion ; n’égare plus le peuple, 
nous te prendrons pour faire de toi notre chef 
et notre conseiller et nous ne te tuerons pas.
– Je ne puis absolument pas consentir à cela, mon enfant ; 
je préfère mourir.

Source : Mgr Victor Sartre sj, Le bienheureux Jacques Berthieu sj, Martyr à Madagascar, Chine-Maduré-Magascar Publications, 1996, p. 161-163.

Ils le tuent et jettent son corps dans la Mananara. Il va dériver sur 17 km avant d’être repêché et enterré dans un îlot. Au premier anniversaire de son martyr, une foule considérable s’assemble. Les pèlerinages ne vont cesser de croître et de nombreuses grâces de guérison et de réconciliation lui sont attribuées. Martyr de la foi et de la chasteté, il est béatifié par Paul VI le 17 octobre 1965, pendant le concile Vatican II, et est canonisé par Benoît XVI  le 21 octobre 2012.

P. Guilhem Causse sj

Extrait d’une lettre de Jacques Berthieu à un prêtre de ses amis.

[Il ne peut accepter l’invitation d’un voyage en France.]

… Je ne puis vous le cacher, il y a eu quelques changements que la grâce de Notre Seigneur, en m’appelant à la vocation religieuse, a dû opérer en moi. Il a fallu consommer en réalité et pour toujours et non in voto et ad tempus (en désir et pour un temps seulement) certains sacrifices que Notre Seigneur demande à ceux qu’il a daigné appeler à sa suite de plus près et speciali modo (d’une manière particulière). C’est mon cas. il n’est pas d’usage chez nous, quand on est en mission à l’étranger, qu’on rentre jamais en France pour simple visite, alors même qu’on vous payerait les gros frais de voyage, comme l’aurait désiré ma mère pendant la guerre franco-malgache, alors que nous étions expulsés.

Donc, cher ami, un bon au revoir au ciel, si Dieu m’en fait la grâce ; c’est tout ce que je puis vous promettre à vous comme à ma chère, nombreuse et bien-aimée famille qui en a fait son sacrifice comme moi, dès le premier jour.

Dieu sait si j’aimais et si j’aime encore et patriae fines et dulcis Alverniae arva (le sol de la patrie et la terre chérie de l’Auvergne). Et cependant Dieu me fait la grâce d’aimer bien plus encore ces champs incultes de Madagascar, où je ne puis que pêcher (et bien péniblement) à la ligne quelques âmes pour Notre Seigneur. Je conserve de Roanne un excellent souvenir. Mais je sais d’autre part, et pour sûr, que c’est ici que Dieu m’a appelé : y rester jusqu’à ma dernière heure n’est plus pour moi un sacrifice ; revenir en France en serait un que je ne pourrais faire que pour Dieu, comme je fis le premier. Je vous parle franchement et sans figure. C’est là un des secrets très communs, mais peu connus, de la vie missionnaire.

… Je suis maintenant depuis dix-huit mois à une grosse journée Nord de Tananarive, sans compagnon (confrère) pour la première fois de ma vie, ayant dix-huit postes à desservir sur une très vaste étendue… Me voilà donc depuis lors missionnaire pour tout de bon et je m’y suis fait. Mes forces baissent, mais je puis bien encore monter à cheval… Une fois le mois, à la réunion des Pères, je vais à la capitale, pour toutes les affaires… Je n’y manque guère. Voilà en partie ma vie. Pour résumer, c’est ici que le Royaume des cieux souffre violence de la part de nombreux, méchants et puissants ennemis.

Quant à vous donner quelque conseil d’ami, je ne l’ose guère. Je me bornerai à celui de saint Paul, qui me regarde moi autant et plus que vous : Attende tibi et gregi in quo te posuit Deus… regere ecclesiam (veille sur toi-même et sur le troupeau où Dieu t’a placé… pour être pasteur de l’Eglise) ( cf. Act 20, 28).

(Ed. A. Boudou, Le P. Jacques Berthieu ,
Beauchesne, 1935, pp. 342, 344-345).

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