Le diocèse de Gap et d’Embrun ouvre le 16 juillet 2020 un « jubilé pour les 300 ans de la mort de Pierre Jartoux, jésuite embrunais », décidée par Mgr Xavier Malle, évêque du diocèse, afin de rendre hommage à la riche histoire des Hautes-Alpes avec la figure de Pierre Jartoux, originaire d’Embrun (1669-1720) et missionnaire scientifique en Chine.

Pierre Jartoux 2 Pierre Jartoux est né le 7 août 1669 à Embrun et est mort en 1720 à Pékin. Arrivé en 1701 en Chine, il enseigne les mathématiques à la cour de l’empereur Kangxi. Cet empereur « éclairé », conscient du retard pris par la Chine dans le domaine des sciences, avait demandé au roi Louis XIV de lui envoyer une équipe de missionnaires. La mission se passait dans le droit fil de ce qu’avait entrepris Matteo Ricci ; c’est lui qui au début du XVIème siècle avait tenté d’introduire le christianisme en Chine grâce à l’« inculturation » par la science, en particulier l’astronomie. Par cet enseignement il faisait connaître aux Chinois celui qu’il avait appelé « Notre Seigneur du Ciel ».

Pierre Jartoux commença ses études au collège jésuite d’Embrun, dont il subsiste une porte dans la rue qui monte vers la cathédrale. Probablement repéré par ses maîtres, il fut encouragé à poursuivre ses études et entra le 29 septembre 1687 au collège jésuite d’Avignon. À l’époque le collège d’Avignon était réputé comme pôle intellectuel de premier plan, notamment en astronomie depuis que le père Athanase Kircher avait installé au sommet de la tour médiévale un des plus anciens observatoires astronomiques. Nul doute que ce milieu scientifique de haut niveau détermina la vocation du père Jartoux. En 1698, il fut ordonné prêtre pour la Compagnie de Jésus.

En 1697, le père Joachim Bouvet (1656-1730), de retour en France après neuf années de séjour en Chine, fait savoir à Paris que le nouvel empereur Kangxi se montre « particulièrement favorable à l’influence française » et qu’il l’a « chargé d’engager encore d’autres savants, surtout des mathématiciens et des astronomes ». Le père Pierre Jartoux est reconnu parmi ceux-là. En 1701, il embarque sur le vaisseau L’Amphitrite qui emmène l’équipe de jésuites sous la direction du père de Fontaney accompagné de huit autres jésuites dont les pères Contancin, Chavagnac, de Tartre et Jartoux.

Il nous reste de Pierre Jartoux, outre une missive manuscrite, deux lettres transmises par les pères jésuites en mission à l’étranger au procureur général de la Compagnie de Jésus. Ces lettres assemblées, connues sous le nom de Lettres Édifiantes et Curieuses, représentent une somme d’informations sur les sujets que les pères estimaient intéressants pour la connaissance du pays dans lequel ils travaillaient à faire connaître le message du Christ. La première date du 20 août 1704. Elle donne d’abord une description de la nouvelle église dans l’enceinte de la Cité interdite. L’empereur avait accordé en 1690 l’autorisation de construire cet édifice sur un terrain offert aux jésuites. Dans cette lettre également le père Jartoux décrit en détail une « soupe populaire » distribuée par les pères aux Chinois les plus pauvres. La seconde, du 12 avril 1711, est sans doute celle qui a fait le mieux connaître Pierre Jartoux, au moins dans le domaine de la pharmacopée des soins par les plantes. Il s’agit de la description du ginseng. Il relate sa propre découverte de la plante, alors qu’il travaillait à l’établissement de la carte de la Tartarie (nom d’une ancienne province du nord de la Chine) et qu’il a ressenti une fatigue intense à la suite de nombreuses journées à cheval. Sans être botaniste, il en a donné un dessin qui malheureusement ne figure pas avec le texte de la lettre.

Le père Jartoux, avant d’exercer ses compétences de géographe pour dresser des cartes du territoire, relever le tracé de la grande muraille, séjourne à la cour pour apprendre la langue et enseigner les mathématiques. Il initia le personnel et l’empereur aux séries développées peu de temps avant par les mathématiciens européens, notamment Leibniz. Ainsi il leur expliqua comment déterminer le nombre π dont ils ne connaissaient jusqu’alors qu’une valeur approximative. Les missions géographiques confiées aux pères jésuites par l’empereur Kangxi concernent la grande muraille de Chine, la carte du Liao-Tung, de la Mandchourie, de la province de Chi-Li. L’équipe des jésuites géographes comprenait, outre le père Jartoux, les pères Bouvet, Régis, Parennin, Cardoso, Fridelli et Bonjour, ce dernier étant augustinien. Par exemple, les pères Jartoux, Fridelli et Bonjour traversèrent la Mongolie jusqu’au lac Baïkal au nord et jusqu’à l’entrée du Turkestan à l’ouest. Ils se déplaçaient sur plusieurs centaines de kilomètres en chaise à porteurs ou à cheval lorsque le relief de la région l’imposait. Le père Joseph Dehergne dans son livre publié en 1973 Répertoire des Jésuites de Chine de 1552 à 1800 a écrit : « Les pères Jartoux et Jean-Baptiste Régis furent la cheville ouvrière de la Grande Carte de Chine ». « Ils parvinrent ainsi à dresser, pour deux cent cinquante années et plus, dit le père Henri Bernard-Maitre, un travail d’ensemble, bientôt vulgarisé en Europe par les soins du géographe d’Anville, Nouvel Atlas de la Chine, La Haye, 1737… ». Cette carte fut remise à l’empereur en 1718, une sorte de conclusion pour le père Pierre Jartoux qui décédait le 30 novembre 1720 à Pékin.

Cette biographie est publiée avec l’aimable autorisation des archives du diocèse de Gap et a été rédigé par Monsieur Pierre Jartoux, homonyme, contemporain du jésuite missionnaire.

> Source : dossier de presse du tricentenaire de la mort du jésuite Pierre Jartoux à Embrun, du 16 juillet au 30 novembre 2020

> En savoir + sur l’année jubilaire Pierre Jartoux dans le diocèse de Gap et d’Embrun

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