Jésuite belge, le P. Jean-Marie Faux sj est décédé le 2 mai 2022. Son engagement entier et franc pour une société plus juste l’a amené à s’engager en bien des lieux et dans bien des milieux. Le lundi 9 mai 2022, une messe de funérailles était célébrée en son honneur en l’église Saint-Jean-Berchmans, à Bruxelles. Voici l’homélie que prononça le P. Pierre Piret sj.

Voici les textes des Ecritures lus au cours de la célébration : 2 Co 4, 14-5,1. Jn 13, 1-15. Ps 40, 7-11.

pere jean marie faux Jean-Marie exprima de temps à autre sa prédilection pour le récit de Jésus lavant les pieds de ses disciples, et même, un jour, le souhait que ce texte de saint Jean soit proclamé lors de la célébration de ses funérailles…

Ce soir-là, à l’approche de la Pâque juive, Jésus a réuni ses disciples. Il sait que « l’heure lui est venue de passer de ce monde au Père ». Ayant ainsi annoncé la passion prochaine de Jésus, l’évangéliste ajoute : « lui qui avait aimé les siens qui sont dans le monde, les aima jusqu’au bout ».

Et voici, au cours du repas, qu’il entreprend de laver les pieds de ses disciples. Geste sans paroles avant l’intervention, indignée, de Pierre. Jésus lui répond : ne voudrais-tu pas « prendre part avec moi ? ». Le geste répété pour chacun étant achevé, Jésus s’adresse à tous : « Vous m’appelez Maître et Seigneur, et vous dites bien, car je le suis » – dès lors, « ce que j’ai fait pour vous, faites-le vous aussi ».

Le lavement des pieds, au soir de la Passion. Ce geste d’humble service et d’amour résume, illustre le comportement inlassable de Jésus durant sa vie, jusqu’à la fin. « Ce que j’ai fait », dit-il. Puis, immédiatement, « faites-le ». Or n’est-ce pas, de façon multiple et selon les besoins, un tel engagement de service et de solidarité que tant de personnes de par le monde – et nous pouvons les rejoindre – exercent en faveur de leurs frères et sœurs en humanité ?

« Ce que j’ai fait, faites-le vous aussi ». Les deux choses se conjoignent, formant un seul appel : être seul à seul avec lui, le Maître et Seigneur ; être tout à tous avec eux, nos frères et sœurs humains (Fratelli tutti).

Cette seule et même vie, Jean-Marie l’a aimée ; elle fut sienne, demeurant ferme et se déployant progressivement. Il put déclarer, au cours d’une entrevue publiée par la revue En question (124-2018) : « J’ai toujours eu ce désir d’être au cœur du monde ».

Le papa de Jean-Marie et de sa sœur aînée, Anne-Marie, est décédé alors que tous deux étaient de jeunes enfants. Leur maman, elle, demeurera longtemps parmi nous.

Entré au noviciat de la Compagnie de Jésus en 1941 (c’était la guerre), ordonné prêtre en 1954, Jean-Marie enseigne la théologie, à partir de 1958, à la Faculté jésuite Saint-Albert à Egenhoven. Il est responsable du cours sur la foi. Cette période qui commence est celle aussi de l’accompagnement spirituel et, au fil des années, de retraites données, notamment, à des religieuses qui en garderont entre elles mémoire et reconnaissance.

Relayant cette Faculté, l’Institut d’Etudes Théologiques (I.E.T.) voit le jour en 1968 ; Jean-Marie est l’un de ses fondateurs. La pédagogie mise en œuvre lui permet, par exemple, de collaborer à des séminaires d’Écriture Sainte ; un livre magistral en sera le fruit : La foi du Nouveau Testament. Jean-Marie inaugure aussi un séminaire intitulé « L’amour des pauvres » – qui ne cessera, après lui, d’être inscrit au programme.

L’I.E.T. s’établit à Bruxelles en 1972, dans ce quadrilatère de Saint-Michel. Ainsi que d’autres professeurs, Jean-Marie habite avec des étudiants jésuites une maison avoisinante. La sienne réunit des jeunes confrères originaires de la République Dominicaine.

En 1975, la 32ème Congrégation générale de la Compagnie de Jésus stipule que « le service de la foi » et « la promotion de la justice » vont de pair. Jean-Marie se trouve stimulé par la convocation ; il y répondra résolument.

Le voici à la fondation d’une nouvelle communauté de compagnons, au nom suggestif : « la Communauté Avec ». La maison trouvera sa place dans la commune de Schaerbeek et son rôle contre les discriminations de l’époque. Jean-Marie quitte (sans le renier) son engagement à l’I.E.T. Il devient le secrétaire du « Mouvement contre le racisme, l’anti-sémitisme et la xénophobie » (MRAX). De la communauté surgit « le Centre Avec », Centre social qui se développera jusqu’à acquérir cette stature que nous lui connaissons aujourd’hui.

La maison Saint-Claude La Colombière réunit, avec d’autres plus valides parmi eux, les compagnons jésuites âgés ou de santé éprouvée. Le rez-de-chaussée du bâtiment est occupé par divers services ; en 2009, le Centre Avec y aménage ses bureaux. Selon son souhait, Jean-Marie devient alors membre de la communauté. Et c’est pour lui le va-et-vient quotidien entre sa chambre du 4ème étage et les bureaux du Centre – lieu d’échange, lieu témoin de ses travaux de publication, d’analyse, de traduction.

Jean-Marie s’est dit heureux de la communauté Saint-Claude. Il sut apprécier les supérieurs successifs qu’il y a connus, ainsi que les membres du personnel pour leur gentillesse et leur compétence, dont il a bénéficié. Tant qu’il en fut capable, il assura quelques services – aussi bien le retrait matinal des pains livrés, que… la rédaction des notices nécrologiques de confrères décédés.

Dans sa chambre, plusieurs souvenirs attirent l’attention, parmi lesquels des souvenirs familiaux. Sa sœur fut notre maman. Et nous voyons un ensemble varié de photographies de ses neveux et nièces, des enfants et des petits-enfants. C’est qu’il y eut beaucoup de joie et d’affection, dans les réunions de famille avec « l’oncle Jean ».

Ces derniers temps, lorsque j’allais le saluer, Jean-Marie me demandait (et il répétait la question, car sa mémoire l’abandonnait) : « As-tu des nouvelles de la famille ? ». Il lui arrivait d’entrevoir son centenaire de l’an 2023 : « Nous pourrons faire une grande fête de famille ! » Cela étant, le lundi de Pâques de cette année, lorsque Chantal et Georges, Paul et Colette et moi-même lui rendîmes visite, alité après sa chute, il nous confessa plutôt, non sans humour, sa précarité.

C’est durant le temps pascal que Jean-Marie a suivi son Maître et Seigneur Jésus allant à son Père. Sa thèse de doctorat en théologie avait pour sujet Le chrétien face à la mort et à la résurrection selon saint Paul. D’où le choix de la première lecture entendue aujourd’hui. « Même si notre corps, cette tente qui est notre demeure sur la terre, est détruit, nous avons un édifice construit par Dieu, une demeure éternelle dans les cieux… » (2Co 5, 1).

P. Pierre Piret sj, de la communauté Saint-Michel à Bruxelles

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