Ignace de Loyola découvrait il y a 500 ans une relation toute personnelle à Dieu. Le P. Charles Delhez sj explique pour La Libre Belgique comment le futur fondateur de de la Compagnie de Jésus peut, en ces temps de transition, nous aider personnellement mais aussi collectivement à repérer les mouvements intérieurs qui nous agitent et à apprendre à discerner pour opérer les bons choix.

Voici 500 ans pentecôte mosaïque 2 , un lundi de Pentecôte, le 20 mai 1521, un boulet de canon brisa la vie d’un homme en deux. Il y aurait un avant et un après. Cet homme, c’est Inigo Lopez, né en 1491, à Loyola. Il commandait la résistance de la citadelle de Pampelune assiégée par les troupes de François Ier. Jusqu’à ce jour, il avait mené une vie de gentilhomme de cour, rêvant de côtoyer les grands de ce monde.

À la lueur d’une luciole

Admirant son courage, les Français ramenèrent Inigo au château familial. Durant sa convalescence, il n’eut d’autre possibilité, pour tuer le temps, que de lire La Vie de Jésus et La légende dorée des saints ! Il n’y avait rien d’autre dans la bibliothèque. Ce fut pour lui une expérience intérieure inattendue. Ces lectures lui permirent en effet de mener une longue observation de ce qui se passait à l’intime de lui-même. Le futur fondateur des jésuites y découvrit d’autres désirs que ceux d’un retour à la vie mondaine et en éprouvait une joie bien plus profonde et durable que lorsqu’il se laissait aller à ses rêveries mondaines. Il apprit à « discerner les esprits ».

Un cheminement personnel

Nous sommes au début des temps modernes. Si le christianisme, au Moyen-Âge, était la culture commune qui a fait naître une civilisation plus brillante qu’on ne le dit, la Renaissance, elle, est d’abord l’avènement du « sujet ». Et c’est bien là qu’Ignace est particulièrement moderne. Par ses Exercices spirituels, traduction de son expérience en une pédagogie spirituelle, il rejoint aujourd’hui encore le croyant qui veut découvrir son propre chemin : quels sont les désirs que Dieu a mis en moi et que je peux mettre en œuvre dans mon existence ? La religion devient davantage une relation personnelle à Dieu. Il ne s’agit plus de régenter la société, mais de décider de sa vie en toute liberté intérieure.

Il y a en effet au plus profond de nous quelque chose qui touche au divin et à l’éternel (que l’on nommera comme on veut) et qui fait de chacun une personne unique. Cette « transcendance » se donne à rencontrer au cœur même de l’immanence, dans notre propre intimité. Mais ce n’est pas si simple, car il y a en nous comme deux voix. Celle qui nous conduit au meilleur de nous-mêmes, dans l’humilité et la vérité, et celle qui « tourne autour du moi, de ses pulsions, du tout et tout de suite« , dirait le pape François.

Un discernement sociétal

Il y a un peu plus d’un an, la pandémie nous est tombée dessus comme un boulet de canon. Elle est révélatrice de ce temps de mutation que nous traversons. Sans doute le ralentissement du confinement a-t-il été l’occasion pour certains de réfléchir sur le sens qu’ils donnaient à leur vie et de revenir à l’essentiel. Mais, en ces temps de transition, n’est-ce pas toute notre société, hantée par ses rêves de toute-puissance, qui se trouve face à son avenir ?

Pour Ignace de Loyola, les critères du discernement sont la paix et la joie éprouvées lorsque je me sens appelé à ceci ou à cela, en contraste avec le plaisir immédiat et fugace de mes rêvasseries. Les Exercices spirituels, qui connaissent un renouveau, sont de plus en plus adaptés au discernement communautaire de groupes. Le pape François essaie de les transposer au niveau de l’Église universelle, en mettant en place une démarche « synodale », c’est-à-dire dialogale. Au niveau sociétal, ne nous faut-il pas aussi apprendre à repérer les mouvements intérieurs qui agitent l’humanité, les tensions qui la traversent ?

Beaucoup aspirent au changement. Notre société a besoin d’un « supplément d’âme », disait Bergson. La transition ne peut négliger la dimension spirituelle. Les questions ne peuvent être seulement technico-économiques, mais également éthiques. Serons-nous sensibles au chant des sirènes ou bien, par-delà les effondrements qui s’annoncent, bâtirons-nous une civilisation durable ? Qui donc nous apprendra à discerner pour opérer les bons choix ?

A Delhez Charles Cathobel P. Charles Delhez sj, curé de la Paroisse Saints-Marie-et-Joseph, Blocry, en Belgique

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