Lors de la célébration de Noël 2011, le P. Stéphane Nicaise sj, de la communauté de l’île de La Réunion se retrouve dans une situation peu ordinaire : un pied dans le plâtre, une assemblée de personnes en situation de précarité et un toit chancelant assiégé par une tempête tropicale. Malgré tout, c’est dans ces conditions de pauvreté et de fragilité que tous ont accueilli avec joie la venue du Sauveur. Récit.

« 24 décembre 2011, île de La Réunion.

Dans le bord de chemin devant les grilles du Conseil départemental, un abri de fortune exposé aux assauts de la pluie tropicale. À la lumière blafarde de quelques torches, un prêtre au pied gauche plâtré célèbre la messe de la Nativité avec quelques salariés de l’action sociale, licenciés depuis deux ans et n’ayant toujours pas reçu leurs indemnités, et la dizaine de soutiens qui chaque jour leur apportent leur réconfort. Six d’entre-eux sont en grève de la faim depuis plusieurs jours.

Cette eucharistie a été vécue comme le véritable mémorial de l’agir de Dieu pour nous révéler tout le sens de notre humanité. De l’insécurité dans laquelle nous étions, il nous sortait par le souffle vivifiant de sa vie. Nous étions cet îlot humain perdu dans la nuit et l’indifférence générale. Nous étions crèche vivante, étonnés comme devaient l’être les bergers au temps de la naissance de Jésus. Tout aurait dû s’écrouler, la bâche gorgée d’eau par la pluie incessante, maintenue en place à la force des poignets et des bras de plusieurs hommes, le reste de l’assemblée confiant au-delà de toute raison dans la détermination commune à poursuivre la célébration.

Une cathédrale humaine

Visages lumineux à la clarté de bougies vacillantes, joie inexprimable partagée dans la précarité et la simplicité de l’installation. Noël dans la pauvreté, riche de la présence du Seigneur. Plus la description se veut précise, plus les phrases se raccourcissent, tellement tout s’est vécu de l’intérieur, d’une intériorité restaurée, redonnée à chacun, croyant ou non, pratiquant ou non, expérience de la racine la plus profonde de l’existence humaine…

Daniel, présent à cette célébration, témoigne : « Je n’ai jamais vécu une messe de Noël de ce genre. On pourrait dire qu’on était dans une cathédrale. Des fois on se demandait si elle allait s’écrouler ou pas mais elle a fini par tenir jusqu’à la fin. La bâche amassait l’eau, à certains moments des gens étaient en train de la soutenir, c’étaient eux les piliers de la cathédrale. C’est une belle image parce que bien souvent on fait toutes sortes de crèches et le message essentiel n’y est pas vraiment. On oublie ce Dieu qui vient, qui se fait homme… et je pense que c’est l’homme le message dans cette crèche. L’homme doit rester notre premier souci ».

P . Stéphane Nicaise sj

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