Ignace de Loyola et le mystère de l’Ascension : éclairage du P. Vincent Klein sj

Dans cet éclairage, le P. Vincent Klein sj explique en quoi l’Ascension est un mystère qui tient une place très importante dans la vie de saint Ignace de Loyola et dans les Exercices spirituels.

Ascension (2) Le Récit du pèlerin [1] nous apprend qu’Ignace de Loyola, au sortir de l’expérience fondatrice de Manrèse (19-34), embarque à Barcelone et se rend à Jérusalem via Rome et Venise. « Son ferme propos était de rester à Jérusalem pour y visiter constamment ces Lieux Saints. Il avait aussi l’intention, outre cette dévotion, d’aider les âmes et, à cet effet, il apportait des lettres de recommandation pour le gardien » (45). Le Provincial des franciscains le reçut cordialement, mais pour lui signifier qu’il ne pouvait pas accéder à sa demande, parce que les dangers de se faire capturer ou tuer étaient trop importants. La détermination du pèlerin reste cependant entière : « Aucune crainte ne lui ferait abandonner sa résolution à moins d’y être tenu sous peine de péché » (46). Et ce n’est que sous la menace d’une excommunication qu’il cèdera (47). Obéissant, il quittera Jérusalem avec les autres pèlerins le lendemain. Néanmoins, « il lui vint un vif désir avant son départ d’aller visiter une fois encore avant son départ le mont des Oliviers (où) il est une pierre de laquelle Notre-Seigneur monta aux cieux, et on y voit aujourd’hui encore les empreintes de ses pieds. C’était cela qu’il voulait revoir » (47). Pour ce faire, il prendra des risques et ira jusqu’à soudoyer un garde pour rentrer au Mont des Oliviers. Il y retournera même, car « il n’avait pas bien regardé de quel côté était le pied droit et de quel côté le gauche » (47). Il sera ramené sans ménagement par un chrétien de la ceinture.

Cet épisode truculent peut prêter à sourire. Il nous dit pourtant deux choses essentielles. Jérusalem tient une place centrale pour Ignace de Loyola. Nous savons en effet qu’il restera un an à Venise avec ses compagnons pour tenter en vain d’y retourner avant de se résoudre à suivre le plan B : aller à Rome pour s’offrir au pape afin qu’il les envoie en mission. L’importance de Jérusalem pour Ignace de Loyola révèle en lui une spiritualité essentiellement christique, incarnée dans des lieux précis, dans une époque et une histoire précises.

Par ailleurs, son insistance pour voir et revoir les empreintes des pieds du Christ et leur orientation, nous montrent combien Ignace de Loyola est perdu à ce moment-là de son histoire. Son rêve, pourtant discerné dans la prière, s’écroule : rester à Jérusalem et aider les âmes. Le voilà comme les apôtres à l’ascension qui « fixent le ciel ». Bien-sûr il fera confiance à la Providence, mais cela ne doit rien enlever au poids du désarroi qui est le sien à Jérusalem et qui explique ce désir presque obsessionnel, de voir et revoir les empreintes des pieds du Christ, comme on s’accroche à un cercueil avant qu’il ne soit mis en terre. « Depuis que le Pèlerin avait compris que la volonté de Dieu était qu’il ne restât pas à Jérusalem, il rentrait continuellement en lui-même pour se demander quid agendum » (50).

Le mystère de l’Ascension tient une place particulière dans les Exercices spirituels, puisqu’il s’agit ni plus ni moins que la dernière méditation de la quatrième semaine où l’on contemple « les mystères de la Résurrection à l’ascension inclusivement » (ES 226). Et dans le détail de la méditation, Ignace de Loyola termine littéralement les Exercices spirituels par la parole des anges aux apôtres : « Homme de Galilée, pourquoi restez-vous à regarder le ciel ? Ce même Jésus qui a été enlevé de votre regard, vers le ciel, viendra comme cela, de la même manière dont vous l’avez vu partir vers le ciel » (312).

Entre « le boulet de canon » qu’a représenté l’échec de sa tentative de demeurer à Jérusalem et l’autre « boulet de canon » que représentera l’impossibilité d’y retourner avec ses compagnons (96), Ignace de Loyola a mûri, il a appris à vivre la présence de l’Absent, en se laissant guider par l’Esprit Saint.

L’Ascension est un mystère qui tient donc une place cruciale dans la vie de saint Ignace de Loyola comme dans les Exercices spirituels. Ce mystère se situe chez Luc à la jonction de l’Évangile et des Actes des Apôtres. Le Christ se retire et le croyant se sent désemparé : « A qui irions-nous, Tu as les paroles de la Vie Éternelle » (Jn 6, 68). Mais « il est préférable pour vous que je m’en aille » (Jn 16, 7), nous répond Jésus dans son discours d’adieu. « Celui qui croit en moi fera les œuvres que je fais. Il en fera même de plus grandes, parce que je pars vers le Père » (Jn 14, 12). L’Ascension nous met en face de nos responsabilités comme chrétiens de bâtir l’Église du Christ, humblement mais résolument, afin qu’Il en soit toujours le cœur vivant qui bat à travers nous.

[1] Le Récit du Pèlerin est l’autobiographie d’Ignace de Loyola. Il est divisé en numéros que je cite.

P. Vincent Kleinj sj,
Communauté jésuite Notre Dame des Missions à Marseille

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