Le P. Arturo Sosa sj, Supérieur Général de la Compagnie de Jésus et assistant mondial de la Communauté de Vie Chrétienne (CVX) était présent à Amiens les 6 et 7 août 2023 pour la 18e assemblée mondiale de ce mouvement de spiritualité ignatienne. Lors d’une journée ouverte à tous les membres de la CVX, il a présidée et prononcé l’homélie de la messe de la Transfiguration du Seigneur, le 6 août, en la cathédrale d’Amiens.

Chers frères et sœurs de la Communauté de vie chrétienne,

J’adresse mes salutations fraternelles aux délégués de chaque Communauté nationale, au Conseil mondial et aux assistants ecclésiastiques qui partagent cette fête de la Transfiguration du Seigneur dans la magnifique cathédrale Notre-Dame d’Amiens qui, étant la plus haute cathédrale gothique de France, nous rappelle que nous sommes des temples de Dieu, pour sa plus grande gloire et sa louange. Dans le cadre de la 18e Assemblée mondiale de la CVX, la fête de la Transfiguration du Seigneur nous invite à nous arrêter à mi-chemin entre la Galilée et Jérusalem pour rencontrer le Seigneur d’une manière nouvelle et lumineuse. Cette rencontre sur le Mont Thabor nous adresse une triple invitation : une invitation à remercier pour les moments de clarté que nous avons vécus au sein de la communauté, une invitation à se mettre en route et une invitation à écouter le Seigneur.

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Le P. Arturo Sosa sj, Supérieur Général des jésuites, préside la messe en la cathédrale d’Amiens, en présence (à sa droite) du nouveau Provincial d’EOF, le P. Thierry Dobbelstein sj,

La Transfiguration nous rappelle que, dans le parcours chrétien, il y a aussi des moments de clarté, de consolation, de consolidation de nos discernements et de confirmation. Ce sont des moments où nous sentons Dieu plus proche de nous et où nous percevons clairement la présence lumineuse de Dieu dans notre vie. Précisément,  dans le récit évangélique, ceux qui apparaissent à côté de Jésus sont Moïse et Élie, les deux personnages de l’Ancien Testament qui ont vu Dieu de près sur deux montagnes, le Sinaï et l’Horeb.

Les disciples, Pierre, Jacques et Jean, nous représentent tous également. Ils ont marché aux côtés de Jésus dans les succès et les échecs de l’époque galiléenne, mais sur le Thabor, ils ont pu regarder au-delà du quotidien pour voir en Jésus le Fils de Dieu. Dans ces moments de proximité avec Dieu, la foi est plus simple et plus naturelle pour la personne, il nous est plus facile de voir Dieu dans les autres, dans la création et dans la bonté du monde qui nous entoure. C’est un moment de confirmation des choix que nous avons faits.

En conséquence, la première invitation de la Transfiguration est de vous souvenir et de rendre grâce pour les moments de clarté dans votre vie personnelle (votre appel à vivre votre foi, votre vocation chrétienne, votre vie familiale, votre vie professionnelle, vos engagements…) et aussi en tant que Communauté locale, nationale et mondiale.

Tout au long de l’histoire, depuis les débuts des Congrégations mariales jusqu’à la Communauté mondiale de Vie Chrétienne, des hommes et des femmes de spiritualité ignatienne ont ressenti un appel à vivre dans l’Église en tant que Communauté laïque ignatienne apostolique. Depuis l’approbation des Principes Généraux en 1990, vous avez vécu de nombreux moments de lumière dans votre vocation, comme vous l’avez démontré lors des Assemblées Mondiales. Une lumière qui se manifeste au cœur du défi de répondre aux besoins de justice et de réconciliation dans le monde.

Dans tous les continents, la CVX a ressenti l’appel à vivre une Mission Commune pour faire partie de l’Église du Christ dans le monde, affirmée sur trois piliers : la
spiritualité ignatienne, la vie communautaire et la mission apostolique. Il est temps de se souvenir avec paix et gratitude des moments de lumière, de grâce et de consolation, et de demander au Seigneur de nous confirmer dans cette vocation.

La deuxième invitation de l’Évangile est de nous mettre en route. Les moments de lumière sont un don de Dieu pendant que nous marchons. La tentation de « faire trois tentes » dans un joli petit coin du chemin est une tentation à surmonter. Les moments de clarté nous confirment dans la direction à prendre, nous aident à regarder vers Jérusalem et, avec confiance, à reprendre notre route.

Les disciples ont fait l’expérience, sur la montagne, de la grâce de la conversation spirituelle, depuis ses racines les plus profondes dans la tradition de Moïse et d’Elie,
jusqu’à la parole du Père au milieu de la clarté du nuage. Cette « assemblée » des disciples avec Jésus ne doit pas être laissée dans le passé ou dans le présent, mais elle devient une source d’inspiration et d’audace pour regarder en avant et continuer le voyage vers l’avenir promis comme plein d’espérance.

Gravir la montagne, c’est marcher à la rencontre de Dieu, là où nous savons qu’il habite. Cependant, le Seigneur Jésus nous invite à ne pas rester sur les sommets, mais à descendre à Jérusalem, où l’avenir est plus incertain, mais où le plan de Dieu culmine.

Dans l’expérience des Exercices spirituels, il s’agit de l’étape entre la deuxième et la troisième semaine. La personne qui fait les exercices a déjà vécu l’expérience de l’appel du Roi éternel, contemplé l’Incarnation et connu les Deux Étendards,… maintenant, c’est le moment de la Dernière Cène, de Gethsémani et de la Passion. Si sur le Thabor il y a eu confirmation et clarté, il y a des moments où la « divinité est cachée ». Il faut alors utiliser les outils ignatiens : les exercices, l’examen, l’accompagnement spirituel, pour que dans la consolation nous puissions puiser des forces et ne pas abandonner le Seigneur dans la désolation.

Se mettre en route, c’est se désinstaller. C’est s’ouvrir à la rencontre et à la réconciliation avec soi-même, avec la communauté et avec Dieu. Se mettre en route, c’est avoir l’audace de faire un pas qui dépasse l’obligation pour entrer sur le terrain de la dévotion et de la vie à la manière de Jésus de Nazareth. Se mettre en route avec Jésus, c’est être prêt à prendre des risques pour surmonter les obstacles : les crises de sens, les peurs de suivre sans certitudes, l’installation dans le confort des résultats obtenus. C’est dans le risque apostolique que nous faisons l’expérience de la vraie rencontre avec Dieu et avec le monde.

Et la troisième invitation est celle faite par la voix de et de la nécessité de « réaliser la rédemption de l’être humain ». La rencontre avec le Seigneur signifie une écoute attentive et vraie. Une écoute qui exige le silence intérieur, en faisant taire mes propres bruits, ceux de ma communauté, pour pouvoir écouter le monde et Dieu dans le monde.

Ce n’est qu’à partir de notre silence intérieur que l’écoute sera possible, ce qui nous ouvrira à un dialogue de cœur à cœur. Non pas à partir de l’autosatisfaction de faire trois tentes dans la consolation du Thabor, ni à partir des craintes de ce qui est à venir à Jérusalem. Dieu continue à nous parler aujourd’hui dans sa parole, dans la célébration des sacrements, dans la communauté qu’est l’Église, et surtout dans le monde en tant que lieu du peuple universel de Dieu qui a besoin de réconciliation et de justice. Dieu nous parle à travers les personnes que nous rencontrons dans la vie et à partir de nous-mêmes.

Dans la prière ignatienne, nous ne pouvons pas passer au dialogue sans d’abord permettre au Seigneur de nous rejoindre ; ce serait notre propre monologue. Car c’est en écoutant le monde, et le monde avec Dieu, que nous trouverons la force de répondre avec tout ce que nous sommes.

Demandons donc aux saints apôtres Pierre, Jacques et Jean, qui ont accompagné Jésus au Thabor, et à la Vierge Marie de Nazareth, de nous apprendre à écouter Dieu
comme eux, de nous aider à découvrir aujourd’hui les raisons que nous avons de reprendre le chant de louange du Magnificat, de garder dans nos cœurs la force de marcher avec le Seigneur Jésus, et surtout à Marie, d’être celle qui nous protège et nous place auprès de son Fils. Amen.

à Amiens, le dimanche 6 août 2023

Qu’est-ce que l’assemblée mondiale de la CVX à Amiens ?

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La 18e édition de l’Assemblée mondiale de la Communauté de Vie Chrétienne (CVX) a lieu jusqu’au 13 août à Amiens, au collège jésuite La Providence, avec 220 participants de 66 pays de tous les continents. Tous les cinq ans, ce rassemblement permet aux délégués de chaque communauté nationale de relire les années écoulées et discerner les orientations futures. Près de 80 jésuites participent à l’assemblée, la plupart étant assistants de communautés nationales, marquant ainsi « la force de la collaboration entre la CVX et la Compagnie de Jésus », selon les mots de P. Hervé Le Houérou sj, assistant national de CVX France.
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