Perrin Lefebvre sj est chercheur à l’Université de Namur et y a été enseignant en économie de 2021-2023. En tant que jésuite, il témoigne de son expérience auprès des étudiants et de l’équipe universitaire.

perrin lefevbre 2 Que veut dire « tradition jésuite » en matière d’enseignement ? Après deux années à l’Université de Namur (UNamur), et malgré la lecture d’un excellent livre du même nom[1], je ne suis pas sûr de savoir répondre. D’autant qu’ici aussi la causalité doit être abordée avec prudence : il serait injuste d’attribuer à l’héritage jésuite tout ce qui se vit de beau à Namur ! Reste que ces deux années m’auront souvent donné la joie de voir la forme que peut prendre, consciemment ou non, une telle tradition. Elles auront surtout confirmé une des grandes intuitions ignatiennes : Dieu nous précède, et il s’agit avant tout de reconnaître et d’aimer le bien qui est déjà là, pour tenter d’y contribuer à notre manière.

Relier savoir théorique et réalisation de projets

Ainsi de l’enseignement, que ce soit dans l’attention portée aux étudiants par les enseignants, ou dans la réforme de la pédagogie pour lier davantage savoir théorique et réalisation de projets. Je me suis régulièrement demandé ce qu’avait d’ »ignatien » mon propre enseignement : sans doute l’est-il moins que celui de plusieurs de mes collègues ! Les années au Centre Sèvres-Facultés jésuites de Paris m’ont néanmoins appris la valeur de la lecture directe des auteurs, et de l’expression d’une synthèse personnelle : c’est ce que j’ai tenté autant que possible d’appliquer dans mes cours, avec parfois de beaux fruits.

Ainsi aussi de la recherche. La vie intellectuelle est le lieu d’un combat spirituel plus caché que d’autres, mais aussi redoutable. Course à la publication aidant, la violence et le narcissisme y sont une tentation permanente. D’où le bonheur, à l’inverse, d’expérimenter à quoi peut ressembler un département qui conjugue exigence dans la recherche, simplicité des rapports et sens du commun. Et de voir des économistes de passage sentir cette atmosphère et s’en réjouir à leur tour.

Des ouvertures sur une autre profondeur

Une autre source de joie, enfin, furent les discussions plus personnelles sur le sens, sur le choix, sur l’image de Dieu, voire sur la légitimité de la théologie comme discipline académique… Ces ouvertures, souvent impromptues, sur une autre profondeur, n’en restaient pas moins colorées par la soif de compréhension et l’exigence de rigueur qui anime la vie universitaire. Le P. Teilhard de Chardin sj a raison : « Rien n’est profane à qui sait voir ».

[1] E. Ganty sj, M. Hermans sj et P. Sauvage sj (Ed.), Tradition jésuite. Enseignement, spiritualité, mission, Presses Universitaires de Namur, Namur, et Lessius, Bruxelles, 2002. L’ouvrage est un recueil d’un cycle de conférences ayant eu lieu à l’Université de Namur.

Perrin Lefebvre sj,
enseignant en économie (2021-2023) et chercheur à l’Université de Namur

Dossier : les universités jésuites
La Compagnie de Jésus a toujours prêté une attention particulière à l’éducation en général et à l’enseignement supérieur en particulier. Au nombre de centre quatre-vingts, les universités et facultés d’enseignement supérieur jésuites sont présentes dans plus de cinquante pays, avec près de huit cent mille étudiants inscrits en 2022. > En savoir +


Cet article est paru dans la revue Échos jésuites (hiver 2023), la revue trimestrielle de la Province d’Europe Occidentale Francophone. L’abonnement numérique et papier est gratuit. Pour vous abonner, cliquez sur ce lien.


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