Quel est le sens de l’ordination presbytérale et comment se déroule-t-elle ? Réponse du P. Jérôme Guingand sj, enseignant en liturgie au Centre Sèvres et Président de « l’International Jungmann Society for Jesuits and Liturgy ». 

Quand on parle d’ordination dans l’Église catholique, on pense aux évêques, aux prêtres et aux diacres. Si le diacre est appelé à rendre présent la figure de Jésus Christ en tant que Serviteur, le prêtre, lui est aussi appelé à rendre présent celle du Christ en tant que Pasteur. Le Christ reste le grand prêtre du peuple qu’est l’Église : tous participent à son unique sacerdoce ; parmi ceux qui ont déjà été ordonnés diacres, certains sont choisis pour avoir part au ministère du Christ. Une prière, située au début de la liturgie eucharistique, précise ce ministère : « Par la charité, les prêtres montrent la voie au peuple saint ; par la parole, ils le nourrissent ; par les sacrements, ils le fortifient ».

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La célébration de l’ordination d’un prêtre se déroule au cours d’une messe dont le déroulement est spécifique. Cette messe est présidée par un évêque, celui du diocèse mais parfois un autre. Dans la Compagnie de Jésus, le supérieur provincial comme le supérieur général ne sont pas évêques, et il est symboliquement bon de se rapporter à l’Église hiérarchique à l’occasion d’une ordination.

Présentation des candidats

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Après le chant d’entrée entonné par toute l’assemblée, la procession avec le futur prêtre et tous ceux qui sont déjà ordonnés, puis les salutations d’usage, le début de la messe offre une variante par rapport à une messe habituelle du dimanche. Celui qui va être ordonné est d’abord appelé par son nom ; il répond : « Me voici » en s’avançant. Il manifeste déjà le fait qu’en devenant prêtre, il répond à un appel du Seigneur et de l’Église. Après un dialogue entre l’évêque et le supérieur provincial, puis une présentation rapide du jésuite qui va être ordonné, l’évêque acquiesce le choix d’ordonner ce nouveau prêtre. Puis la célébration se poursuit normalement, avec le chant du « Gloire à Dieu ».

Liturgie de la Parole et invocation à l’Esprit Saint

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Comme à la messe du dimanche, différentes lectures de la Parole de Dieu sont proclamées puis l’évêque prononce une homélie. C’est ensuite que se déroule la liturgie de l’ordination presbytérale proprement dite.

Elle commence par un chant d’invocation à l’Esprit Saint : c’est toute l’assemblée qui implore le don de l’Esprit Saint pour l’Église mais aussi plus particulièrement pour celui qui sera ordonné.

L’évêque interroge ensuite le futur prêtre pour qu’il continue d’exprimer, devant tous, son désir d’être ordonné, et son engagement à vivre ce presbytérat selon l’Évangile et la tradition de l’Église. Ces questions expriment la nature du ministère presbytéral : « devenir collaborateur des évêques dans le sacerdoce, pour servir et guider sans relâche le peuple de Dieu sous la conduite de l’Esprit Saint » ; « accomplir avec sagesse et dignement le ministère de la Parole, en annonçant l’Évangile et en exposant la foi catholique » ; « célébrer avec foi les mystères du Christ, tout spécialement dans le sacrifice eucharistique et le sacrement de la réconciliation » ; « implorer avec l’évêque la miséricorde de Dieu pour le peuple qui sera confié, en étant toujours assidus à la charge de la prière » ; « s’unir davantage au souverain prêtre Jésus Christ qui s’est offert pour nous à son Père en victime sans tache, et se consacrer à Dieu avec lui pour le salut du genre humain ».

Par cinq fois, le futur prêtre répond : « Oui, je le veux », concluant la dernière réponse par la formule : « Avec la grâce de Dieu ».

Promesse d’obéissance

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Ensuite, dans un geste qui tient son origine au Moyen-Âge, l’ordinand s’agenouille devant l’évêque, les mains dans les siennes, promettant « de vivre en communion avec l’évêque de son diocèse et avec son supérieur légitime, dans le respect et l’obéissance ». Être prêtre est un ministère reçu en Église : il ne peut se vivre que dans la communion avec l’Église, l’évêque du lieu où l’on habite et, pour un jésuite, en communion avec ses supérieurs religieux.

Prostration et litanie des saints

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La célébration se poursuit avec une grande prière litanique où l’on confie à la miséricorde de Dieu celui qui va être ordonné : il est prosterné à terre, allongé sur le sol, en signe de remise totale de lui-même, et l’assemblée invoque pour lui les saints, au moins quelques-uns et particulièrement ceux de la Compagnie de Jésus et ceux qui sont chers à l’ordinand.

Imposition des mains

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L’ordinand se met ensuite à genoux et l’évêque lui impose les mains sur la tête, en silence. Ce geste est un geste biblique, d’appel de la bénédiction de Dieu sur quelqu’un, et d’appel de l’Esprit Saint. Puis, toujours en silence, selon une tradition qui remonte au moins au IIIe siècle, chacun des prêtres présents impose les mains sur la tête de l’ordinand, s’associant ainsi au sacerdoce ministériel de l’évêque.

Prière d’ordination

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L’évêque dit alors la grande prière d’ordination au presbytérat, qui s’adresse au Père, et qui appelle l’Esprit Saint sur l’ordinand, « au plus profond de lui-même ». Cette prière manifeste que le prêtre est là pour seconder l’évêque dans son ministère, notamment sacramentel, dans une vraie collaboration et une communion véritable. Membres d’un ordre religieux, les jésuites ne sont pas directement reliés à un évêque, mais leurs ministères, si divers soient-ils, s’expriment dans ce souci de la communion en Église. L’imposition des mains et la prière d’ordination achevées, le jésuite est alors devenu prêtre.

Remise de l’étole et de la chasuble

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Quatre gestes complètent alors cette ordination. Ils peuvent être ponctués par diverses acclamations ou d’autres chants avec lesquels l’assemblée manifeste sa joie.

Le nouveau prêtre est d’abord revêtu des vêtements liturgiques qui lui sont propres : l’étole et la chasuble, comme pour revêtir le Christ pasteur et manifester son nouveau ministère.

L’onction avec le Saint-Chrême

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L’évêque fait ensuite une onction avec le Saint-Chrême dans la paume des mains du nouvel ordonné. Le Saint-Chrême est une huile parfumée, consacrée par l’évêque à la messe chrismale, durant la Semaine sainte. Cette onction manifeste que le prêtre doit se conformer au Christ,  » celui qui a reçu l’onction », et puisera sa force dans celle donnée par l’Esprit du Christ, lors des sacrements qu’il donnera à son tour.

Remise du calice et de la patène

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En troisième lieu, l’évêque remet entre les mains du nouveau prêtre un calice et une patène, contenant le pain et le vin, et apportés par des laïcs : le prêtre aura à présenter à Dieu l’offrande du peuple saint dans la liturgie de l’eucharistie. La parole dite par l’évêque à ce moment-là montre que, comme tout le peuple de Dieu, le prêtre s’inscrira lui-même dans cette offrande eucharistique à la suite du Christ : « Ayez conscience de ce que vous ferez, imitez dans votre vie ce que vous accomplirez par ces rites et conformez-vous au mystère de la croix du Seigneur. »

Le baiser de paix

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Enfin, l’évêque donne au nouveau prêtre un baiser fraternel, et le nouveau prêtre fera de même avec tous les autres prêtres présents dans l’assemblée : il est accueilli par ces prêtres pour faire partie de ce groupe au service du corps du Christ qu’est l’Église et au service de tous.

Liturgie eucharistique

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La liturgie de l’ordination terminée, c’est la liturgie de l’eucharistie qui continue, comme à une messe ordinaire. Le nouveau prêtre concélèbre alors pour la première fois, aux côtés de l’évêque et des autres prêtres.

Envoi en mission

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Le jésuite nouvellement ordonné – engagé dans la vie religieuse depuis une dizaine d’année environ – continuera alors la mission qui lui avait été confiée par son supérieur provincial. Ces premières années de mission après l’ordination sont considérées comme une vraie formation qui débouchera sur le « Troisième an », quelques années plus tard.

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