Le P. Pierre de Charentenay sj est le directeur adjoint de l’Institut catholique de la Méditerranée, à Marseille. Il décrypte dans une tribune de La Vie du 11 octobre 2023 les enjeux de la méthode spirituelle déployée par le pape François pour le Synode sur la synodalité.

Le synode qui s’est ouvert le 4 octobre 2023 à Rome, sur la question de la synodalité, emprunte une méthodologie particulière issue de la spiritualité ignatienne. Après des expériences spirituelles fondamentales, saint Ignace de Loyola (1491-1556), fondateur des jésuites, a développé des méthodes de discernement fondées sur l’exercice de la raison dans un contexte d’écoute des mouvements de l’Esprit. Elles sont le plus souvent appliquées lors de retraites individuelles. Mais elles peuvent être utilisées dans le cadre d’un travail collectif pour aboutir à des décisions.

Accueillir les mouvements de l’Esprit

Quatre thèmes sont proposés à la réflexion des membres durant ce synode : la synodalité, la communion, la coresponsabilité dans la mission, enfin la gouvernance. Le début des travaux commence par une retraite de trois jours, car il faut que les participants se mettent dans cette attitude d’accueillir les mouvements de l’Esprit.

Chacune des quatre thématiques est alors étudiée pendant trois ou quatre jours par des groupes de 11 participants dans le cadre de ce que l’on appelle des « conversations spirituelles ». Il s’agit d’un processus particulier où se mêlent la réflexion intellectuelle et l’accueil de l’Esprit Saint. Les échanges sont organisés de telle manière que chacun, tour à tour, s’exprime librement durant quelques minutes pendant que les autres écoutent, sans commentaire. Dans un deuxième tour de table, les membres du groupe peuvent réagir, poser des questions, poursuivre une réflexion.

Dans un troisième tour, le groupe recueille ce qui lui semble le plus significatif dans cet échange. L’important ici réside dans la manière dont chacun écoute l’autre pour comprendre ce qu’il a voulu dire, dans une réelle confiance que l’Esprit parle à chacun. Il ne s’agit pas d’argumenter pour convaincre, mais de partager ce que l’on comprend intérieurement soi-même, dans la prière, sur le sujet débattu.

Se forge une pensée commune

Après chacune des quatre séries de « conversations spirituelles », l’assemblée plénière se réunit pour entendre les comptes rendus des travaux de groupe et permettre des interventions personnelles libres. Ainsi se forge progressivement une pensée commune, inspirée par l’Esprit Saint et forte de la volonté de tous d’aboutir sur des questions qui peuvent être délicates.

Le thème de ce synode touche les questions cruciales de gouvernance de l’Église : le pouvoir de la hiérarchie doit être revisité. Il est parfois proche d’une monarchie où les pouvoirs de l’évêque dominent l’exécutif, le législatif et le judiciaire dans un diocèse. Il n’est pas question de transformer l’Église en une démocratie politique, mais de donner une vraie place aux laïcs et notamment aux femmes, afin qu’ils puissent exercer leurs responsabilités de baptisés, comme l’a fortement demandé le concile Vatican II.

La méthode spirituelle employée pour ce synode permet de décanter les volontés de pouvoir, les peurs des uns ou des autres. Elle ne fonctionne que si tous les participants partagent le même désir d’écouter les voix de l’Esprit, de se libérer de leur attachement à telle ou telle idéologie et de faire la volonté de Dieu. Ils ne sont pas a priori d’accord entre eux.

Car ces 364 personnes, dont 62 cardinaux, des religieux et des laïcs, dont 54 femmes, sont réunies à Rome pendant quatre semaines en provenance du monde entier. Ils appartiennent à des cultures différentes et doivent pourtant aboutir à des affirmations communes. La « conversation spirituelle » est là pour les aider à trouver un solide terrain où établir l’Église de demain.

Cette tribune du P. Pierre de Charentenay sj a été publié par La Vie le 11 octobre 2023.

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