Xavier de Bénazé sj a été envoyé en régence pour soutenir le lancement du projet de campus universitaire sur la transition écologique et sociale. Retour sur la première année de ce projet un peu hors norme : le Campus de la Transition.

L’aventure du Campus de la Transition démarre il y a trois ans par la naissance d’un collectif constitué d’étudiants, d’enseignants-chercheurs et de personnes issues du monde de l’entreprise. Pour celles et ceux qui viennent du monde universitaire, le constat est clair : une bonne partie de l’enseignement délivré dans les grandes institutions de formation supérieure ne correspond pas aux besoins du monde aujourd’hui et ne permet pas d’entendre – et encore moins d’analyser et de répondre à – «la clameur de la terre et la clameur des pauvres» (LS 49). Pour celles et ceux qui viennent du monde de l’entreprise et occupent des postes à responsabilité, le constat est tout aussi net : il est de plus en plus difficile de concilier les discours d’affichage des entreprises et leurs objectifs court-termistes quotidiens avec les défis du respect de notre environnement ; les désirs personnels de cohérence sont bien éloignés des réalités managériales et opérationnelles.

Un mode de vie et de travail en cohérence

Rassemblé autour de Cécile Renouard, religieuse de l’Assomption et professeure d’éthique et philosophie, le collectif veut lancer un projet permettant de former étudiants et professionnels à un mode de vie et de travail en cohérence avec la sobriété heureuse dont nos sociétés et notre planète ont besoin. En 2018, le projet s’incarne dans un lieu, mis à disposition par les religieuses de l’Assomption : le domaine de Forges, au sud-est de Paris, avec son château du 18e siècle et son parc de 12 ha.

Le projet de Campus peut démarrer. L’objectif est double : mettre le domaine de Forges en transition, en y faisant émerger un éco-lieu, et développer sur place des formations à destination du monde universitaire et professionnel. La demande est forte, comme en témoigne le Manifeste étudiant pour un réveil écologique, signé par 30 000 étudiants du Supérieur en 2018. Le Campus veut y répondre sans tarder : durant sa première année, il a déjà accueilli un module de cours de Centrale-Supelec et de l’ESSEC et permis la mise en place d’une formation de deux mois, baptisée T-Camp et co-construite avec le mouvement ‘Colibris’. Durant cette même année, différents projets – potager, poulailler, isolation des brisis, compost – ont fait émerger un éco-lieu où vit une communauté de huit résidents, composée de sept bénévoles et d’un réfugié.

Une régence au Campus

Après deux années de noviciat à Lyon et cinq années d’études au Centre Sèvres (dont une à Toronto), vient le temps de la régence dans la Province EOF. Cette période de deux ans vise à permettre une intégration plus profonde au corps de la Compagnie de Jésus par l’exercice d’une vie apostolique, en général avec d’autres jésuites.

Le Campus n’étant pas une oeuvre de la Compagnie et n’ayant pas de jésuite impliqué sur place, mon envoi en régence dans ce lieu fut une belle surprise. Ou plutôt un beau fruit de l’écoute du souffle de l’Esprit et du discernement, en dialogue avec le Provincial. De façon particulière depuis la parution de Laudato si’, la Compagnie cherche comment œuvrer à la sauvegarde de la ‘Maison Commune’ avec les hommes et femmes de bonne volonté. Personnellement, après des études d’ingénieur agronome et deux années de conseil en développement durable, j’avais continué à creuser le sillon écolo et social pendant mes études, soit par des travaux académiques soit par des apostolats (JRS, lancement d’un parcours Écologie & Foi pour des jeunes à Paris). Je sentais le désir de continuer à œuvrer dans ce champ apostolique, qui est devenu en 2019 une des quatre priorités ou ‘Préférences apostoliques’ de la Compagnie universelle. Mais il n’y avait pas, dans notre Province, d’institution jésuite où explorer ces questions.

Chercher et trouver Dieu… par la mise en place de toilettes sèches !

Le lancement du Campus au moment de ma régence et la proximité de ce projet avec mon discernement pour ces deux ans ont permis mon envoi dans cette nouvelle aventure. J’y exerce de multiples tâches, de la mise en place de toilettes sèches à la gestion globale du site, de l’accompagnement de jeunes en recherche de sens au développement de partenariats avec les agriculteurs locaux. Cet aspect « couteau suisse » est une bonne occasion de « chercher et trouver Dieu en toute chose ». De plus, partager un mode de vie réellement écologique avec l’extraordinaire communauté qui vit sur place est un vrai cadeau. C’est un cadeau que je suis heureux de partager avec les nombreux visiteurs qui viennent découvrir le Campus, dont un bon nombre de compagnons jésuites que j’ai toujours un immense plaisir à accueillir. La deuxième année de régence qui débute est donc remplie d’heureuses perspectives. En avant !

Qu’est-ce que la régence dans la formation d’un jésuite ? 

La régence : Les scolastiques interrompent leur études durant deux années pour travailler à plein temps. Par exemple dans les établissements scolaires jésuites, avec une œuvre sociale de la Compagnie (JRS), dans un Centre spirituel, dans la pastorale des jeunes… Cette période est un moment clé pour découvrir davantage la Compagnie à travers ses missions concrètes. En savoir + sur la formation des jésuites

 

Pour aller + loin

> Sur le site jesuites.com
> Site du Campus de la Transition
> Xavier de Bénazé sj, Vivre ensemble la conversion écologique, revue Christus, n°262 (2019).

Cet article est tiré dÉchos jésuites (automne 2019), la revue trimestrielle de la Province d’Europe occidentale francophone. L’abonnement, numérique ou papier, est gratuit. Pour vous abonner, merci d’envoyer votre mail et/ou votre adresse postale à communicationbxl [at] jesuites.com.