En ce temps de Carême, le P. Benoît Willemaers sj partage ce qu’il vit au Liban dans le cadre du Troisième An, « école du cœur » dans la simplicité et le recueillement.

L’entrée en Carême coïncide pour moi avec la reprise du programme ordinaire du Troisième An, à Bikfaya, au Liban, après cinq semaines passées en apostolat à Paray-le-Monial. Avec mes compagnons tertiaires (jésuites en Troisième An), nous reprenons l’examen des Constitutions, des vœux, de l’histoire de la Compagnie, autant de façons de relire et d’approfondir notre manière de vivre comme jésuites.

Qu’est-ce que le « Troisième An » ?

Après plusieurs années de vie religieuse, les jésuites vivent cette « école du cœur » : un an dans la simplicité pour prendre du recul et considérer leur vie à la lumière de leur expérience spirituelle et apostolique en tant que jésuite. Ils sont invités à suivre pour la 2e fois une retraite de 30 jours selon les Exercices spirituels de saint Ignace. > En savoir +

A première vue, rien ne semble vraiment changer dans notre vie quotidienne. Le style de vie de la communauté est simple, l’atmosphère paisible, recueillie ; l’on ne voit guère ce qu’il y aurait à changer ou rajouter de significatif pour « faire Carême ».

Ce manque de changement est révélateur d’une dynamique finalement assez similaire entre l’expérience du Troisième An et le Carême. Il m’est fait cadeau d’un an de rupture pour relire ma vie et mes expériences, dégagé d’énormément de distractions et tentations, soutenus par une communauté de partage, en vue de purifier et revitaliser ma relation au Seigneur, d’entendre à nouveau l’appel qu’Il m’adresse. N’est-ce finalement pas là le cœur de l’appel du Carême ? Et comment ne pas se sentir privilégié de pouvoir vivre cette expérience de conversion dans un cadre aussi dégagé de tout souci ?

Et, en même temps, cette gratitude est teintée de tristesse, voire d’une certaine culpabilité. Notre vie « simple », à laquelle je ne voudrais rien retirer, s’inscrit au sein d’une société libanaise victime d’une crise économique et politique profonde. Pour la majorité de la population, ces évidences que sont pour nous une alimentation variée, la possibilité de se chauffer, de prendre une douche chaude, d’avoir de l’eau potable en suffisance ou encore de l’électricité la plupart de la journée… sont devenues un luxe inaccessible.

Bousculé par ces sentiments contrastés, il m’est rappelé chaque jour qu’il serait vain de ne chercher que dans la prière et le silence la figure du Christ. Pas de Carême véritable, pas de conversion véritable qui ne nous tourne vers les autres, vers nos frères et sœurs qui souffrent. Si le Troisième An est une école du cœur, puisse nos cœurs apprendre à se laisser toucher, blesser, émouvoir.

P. Benoît Willemaers sj (Bikfaya, Liban)

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