Portrait : P. François Battez sj

Le P. François Battez sj a été curé de brousse à Madagascar pendant vingt ans. Il a rejoint la communauté jésuite de Lille et témoigne ici de sa mission et de la solidarité et du dynamisme de la communauté chrétienne de ce pays.

Je suis né au Portel, une petite ville de la côte d’Opale, non loin de Boulogne-sur-Mer, port d’attache de mon père, patron de pêche. La vie de famille s’écoulait au rythme de ses départs et de ses retours, après des « marées » de dix jours en moyenne. Entre les deux, c’était, pour ma mère, ma sœur et moi,  l’attente, avec l’inquiétude les jours de tempête. Pendant la guerre, s’y ajoutait l’angoisse des mines marines. Après le bac, je suis entré au noviciat de la Compagnie de Jésus et j’ai suivi la formation classique : un an de juvénat à Laval, trois ans de philo à Vals-près-le-Puy. Je suis parti ensuite pour la première fois à Madagascar où, mon service militaire accompli, j’ai enseigné deux ans au collège de Fianarantsoa.

Après la théologie à Lyon Fourvière, je suis reparti pour Madagascar où j’ai appris la langue, avant de commencer une carrière de vingt ans comme curé de brousse. D’abord six ans dans un district de dix-huit clochers puis quatorze ans dans un autre district de trente-deux clochers. Je ne pouvais atteindre que cinq d’entre eux en voiture, et encore seulement s’il faisait sec. C’est à pied ou à moto que j’atteignais les autres. Dans chaque lieu, un catéchiste assurait l’animation spirituelle. Le dimanche, il prêchait et dirigeait le culte, assisté de l’instituteur et du comité paroissial. Parfois, le catéchiste avait suivi une formation d’un an ou deux, mais, le plus souvent, il était formé sur place par le curé, au cours de journées de réunion autour d’un partage d’évangile portant sur les quatre évangiles du mois à venir. Petit à petit, se créait entre nous une communauté d’une profondeur que je n’ai retrouvée nulle part ailleurs.

Outre l’apostolat, il me fallait aussi assurer le ravitaillement en médicaments, soutenir les agents du développement rural que les paysans ne voulaient pas recevoir, leur reprochant d’être des militants politiques, faire l’ambulancier pour transporter les malades graves, les femmes enceintes et les blessés à l’hôpital de Fianarantsoa.

« Petit à petit, se créait entre nous une communauté d’une profondeur
que je n’ai retrouvée nulle part ailleurs. »

J’ai eu la chance de vivre à Madagascar dans une Église où, grâce au manque de prêtres, les chrétiens laïcs pouvaient donner toute leur mesure et créer des communautés dynamiques. Rentré en France depuis 2013, après douze années passées aux Îles Seychelles, je suis profondément scandalisé de voir notre Église figée dans les structures d’autrefois.

Alors qu‘en France aujourd’hui, avec le manque de prêtres, on se trouve dans une situation analogue à celle des pays de mission, pourquoi ne pas s’inspirer de ce qui se fait là-bas ? Notre pape s’évertue à le répéter : l’Église, ce n’est pas seulement le fruit de l’Esprit descendant de l’archevêché sur les laïcs mais aussi le fruit de l’Esprit montant des laïcs. Mais qui le croit ?

François Battez P. François Battez sj
communauté Saint-Pierre Favre (Lille)

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Cet article est paru dans la revue Échos jésuites (été 2023), la revue trimestrielle de la Province d’Europe Occidentale Francophone. L’abonnement numérique et papier est gratuit. Pour vous abonner, cliquez sur ce lien.

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