Chef d’établissement de Saint-Joseph de Tivoli, Bordeaux (établissement scolaire jésuite de Bordeaux), Louis Lourme est aussi chercheur associé en philosophie politique à l’université Bordeaux Montaigne. Il retrace son parcours de formation et son lien à la spiritualité ignatienne.

De nombreuses rencontres, lectures et expériences me lient aux jésuites depuis mes années d’écolier, et tout cela a largement contribué à élaborer en moi une certaine façon de voir le monde ou de m’y sentir engagé. Et, à mesure que je travaille avec la Compagnie de Jésus, je crois pouvoir dire que je suis marqué d’une part par la grande simplicité et la joie qu’on y trouve, et d’autre part par la grande liberté intellectuelle qui s’y déploie, et par son souci d’être de ce temps – ce qui aura été déterminant dans mon cursus.

Dans mes études supérieures, je me suis orienté vers la philosophie politique contemporaine jusqu’à rédiger ma thèse sur l’actualité de la notion de citoyenneté mondiale, en 2012. Cette formation m’a permis d’assurer des cours à Sciences Po Bordeaux et à l’université de Bordeaux Montaigne, mais aussi en lycée. Je suis ensuite revenu avec beaucoup de plaisir à Saint-Joseph de Tivoli, l’établissement où j’avais été élève, pour y enseigner la philosophie. J’y ai pris la responsabilité du lycée, puis la direction de l’établissement au moment du décès de Bonita Dubreuil, qui était alors chef d’établissement.

Contribuer à une mission d’éducation

Aujourd’hui dans ma cinquième année d’exercice, cette responsabilité m’apporte évidemment de grandes joies (prendre part à un réseau vivant d’établissements, contribuer à une mission d’éducation, porter des projets ambitieux, recevoir un accompagnement spirituel, accompagner des équipes, servir la croissance des jeunes, etc.). Mais ce poste m’a aussi rapidement placé face à mes propres faiblesses, en particulier pour ce qui concerne la dimension humaine de la structure et la manière dont je me découvre très affecté par les souffrances dont on peut si facilement être la cause chez les uns ou les autres, malgré tout ce que l’on peut faire pour essayer d’y répondre par avance. Oh, je n’ignore pas qu’il s’agit là d’un constat très ordinaire, mais c’est pourtant cela qui me semble le plus dur dans cette fonction.

Comment avancer et progresser ? À titre très personnel, un de mes objets réguliers de méditation dans mon travail est la célèbre devise Ad Majorem Dei Gloriam. Je me suis beaucoup demandé ce qui expliquait son omniprésence et s’il ne s’agissait pas, finalement, d’un simple « label » agissant presque comme un signe de reconnaissance. J’ai tardé à comprendre qu’elle pouvait être vue comme une boussole : ce que je suis en train de faire concourt-il réellement à une gloire plus grande de Dieu ? Et quel aspect de la gloire de Dieu cela sert-il ? Or, comme tout semble échapper sans arrêt à ce cap (tant de choses de ma vie semblent perdre de vue cet horizon), son rappel perpétuel permet probablement de changer de perspective : il n’y a pas des œuvres réservées au service de cette gloire (des œuvres qui auraient une plus grande dignité, une plus grande valeur, ou plus de noblesse), mais ce service passe par les œuvres ordinaires de mon existence, rapportées à cette fin. Rien de bien révolutionnaire ici, mais c’est en tout cas ces réflexions qui me portent souvent dans les tâches ordinaires qui pourraient sembler bien anodines ou écrasantes sans cette perspective métaphysique.

Louis Lourme

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Cet article est paru dans la revue Échos jésuites (printemps 2021), la revue trimestrielle de la Province d’Europe Occidentale Francophone. L’abonnement, numérique et papier, est gratuit. Pour vous abonner, cliquez sur ce lien ou envoyez vos coordonnées (adresse électronique/postale) à communicationbxl[at]jesuites.com.

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