Le P. Nicolas Rousselot sj, aumônier à Polytechnique depuis 2015, explique le rôle des jésuites dans les aumôneries, notamment sur le plateau de Saclay, et ce que peut apporter un projet comme le Centre Teilhard de Chardin pour les étudiants.
Quelle est la place des jésuites auprès des étudiants à travers les aumôneries ?
Depuis le siècle dernier, les jésuites accompagnent les élèves des écoles d’ingénieur : c’est une grande tradition historique ! Initialement, il s’agissait principalement des élèves de l’école Ste Geneviève à Versailles où les jésuites enseignaient : ils ont continué à accompagner les étudiants une fois qu’ils avaient intégré Centrale, Supélec et Polytechnique. C’était un peu comme un service après-vente ! Peu à peu les jésuites sont devenus des aumôniers à part entière dans ces écoles. A Polytechnique, l’aumônerie jésuite existe depuis 1913 !
Aujourd’hui, ces écoles se retrouvent – par un heureux concours de circonstances – sur le plateau de Saclay. Nous y sommes deux aumôniers jésuites à plein temps : le P. Dominique Degoul sj à HEC et Centrale Supélec, moi-même à Polytechnique.
Quel est votre rôle en tant qu’aumônier à Polytechnique ?
J’essaie d’être présent aux étudiants chrétiens pour les aider à organiser une communauté vivante autour de cinq dimensions :
- La foi : la messe est célébrée quasiment tous les jours, et le jeudi sont organisés en plus une conférence et un repas pour inciter à la convivialité
- La fraternité dans ce qu’ils vivent entre eux au quotidien
- Le service, auprès des plus pauvres ou des autres élèves : soutien scolaire, samedi en prison à Fleury-Merogis, présence auprès des Roms…
- La formation: nous organisons des groupes bibliques, des temps où les élèves enseignent eux-mêmes leurs pairs sur un sujet de leur choix, enfin notre « vaisseau amiral » est « alpha campus », un parcours alpha intra Polytechnique. C’est clairement l’initiative la plus engageante car l’enjeu est d’aller à la rencontre d’étudiants de différentes sensibilités
- L’évangélisation: il s’agit pour les étudiants d’apprendre à rendre compte de leur espérance avec des mots qui parlent le plus à leurs amis, qui sont souvent à mille lieux du credo chrétien. Nous essayons d’aborder des thématiques de société sans braquer ni fâcher l’autre, mais en trouvant une valeur commune dans la conversation (par exemple, la place inadmissible de la souffrance pour les questions d’euthanasie) afin d’établir ensuite une plateforme de valeurs.
En tant qu’aumônier jésuite, j’accompagne individuellement un assez grand nombre d’étudiants (sur les 1200 élèves, on estime qu’on en rejoint environ 200), et j’assure une présence dans les grands rassemblements d’élèves afin de rencontrer aussi ceux qui ne sont pas chrétiens.
Qu’est-ce que le projet du Centre Teilhard de Chardin va changer pour vous ?
J’ai la chance de me trouver à Polytechnique avec 3 autres aumôniers représentant les religions israélite, musulmane et protestante. Dans ce centre, nous aurons l’occasion de prendre la parole à quatre voix sur les grandes questions liées à la bioéthique, au nucléaire, aux migrants… Les étudiants sont particulièrement friands de ces possibilités de conférences à plusieurs voix et de débats contradictoires afin de se forger leur propre opinion. Je crois que cela mobilisera les élèves car ce type d’initiatives reste très rare aujourd’hui.
Plus globalement, le Centre Teilhard de Chardin pourra devenir un point de convergences pour tous ces élèves des grandes écoles qui souhaitent réfléchir à la manière d’agir ensemble pour des causes qui les fédèrent, comme la justice climatique.