P. Maurice FOURNIER (29.01.2021)
Dans une famille de fervents chrétiens lyonnais naissent Maurice et son frère jumeau, Paul, derniers d’une fratrie de six garçons et une fille. Maurice fait sa scolarité à l’externat de la Trinité et au Lycée du Parc et il est heureux dans les mouvements apostoliques d’enfants.
Maurice entre au noviciat en 1953, troisième jésuite de la fratrie, après François et André ! Il aime l’organisation et le travail bien fait. Maurice est ordonné en 1967 à Lyon par Mgr Véniat, évêque de Sarh. Après son 3ème An à Yaoundé, il prononce ses derniers vœux le 15 août 1974 à Bedaya, au Tchad.
A Fourvière, il laisse le souvenir d’un passionné à l’activité débordante : au-delà du foot, il crée avec la collaboration du P. Jacques Fédry « l’Association Afrique et langage », qui publie la première revue de linguistique africaine en France. Son siège est bientôt déplacé à Paris avec le Dr Maurice Houis et le linguiste Emilio Bonvini ; la revue Linguistique africaine prend plus tard le relais d’Afrique et langage. Sessions d’initiation aux langues africaines, précieuses pour les missionnaires, collaboration à la publication Aperçu sur les structures grammaticales négro-africaines de Maurice Houis sont les tâches de Maurice.
A Sarh, il crée le « Centre d’études linguistiques du collège Charles Lwanga ». Il étudie la langue à Bedaya, village du Mbang, roi des Sar, entrant ainsi dans la culture, l’histoire et l’organisation sociale… Il collabore avec le P. Pierre Palayer, auteur d’une excellente grammaire sar. Il assure un travail de recherche et d’alphabétisation en langue sar à l’école primaire de Goundi : cette école vise un développement global avec une formation pour les agriculteurs. Maurice organise la formation, crée les outils : syllabaires et manuels ; ses compagnons se souviennent de lui : « passionné et passionnant, fragilisé même, quand on n’arrivait pas à le suivre, lui, plus sur le terrain qu’assis à son bureau d’étude », « Un homme fraternel et de relation, interrogatif, jamais blasé », « Pour moi un ami inoubliable à l’esprit inquiet et toujours en mouvement » témoigne un linguiste universitaire. « Maurice était un volcan », conclut un autre.
Envoyé à N’Djaména pour travailler au CEFOD (Centre de formation pour le développement) dirigé par le P. Philippe Dubin, Maurice prend en charge le mensuel Tchad et culture qu’il renouvelle et développe. Bientôt la guerre éclate. Le bureau de la revue est brûlé ! Beaucoup se réfugient au Cameroun voisin, de l’autre côté du fleuve. Quelques jésuites s’installent provisoirement à Maroua. Maurice reprend ensuite son travail au CEFOD ; mais en 1989 un AVC vient le secouer fortement.
Après le versant de vitalité et de dynamisme joyeux, c’est le versant d’un long déclin de ses facultés motrices et mentales : il vit cela avec courage, paisiblement, tout en continuant le travail d’alphabétisation des enfants en langues du sud. Il revient en France en 2003. Les Communautés de Marseille, puis de Montpellier l’accueillent avant son arrivée à Pau 2007, peu avant un deuxième AVC.
Le déclin le prive de la parole, lui qui a tant fait pour elle ! Malgré le confinement, nous étions une quinzaine à participer à la célébration des obsèques à l’église paroissiale : un 2 février, date importante pour un jésuite car c’est la journée mondiale de la vie consacrée!
Que le Verbe de Dieu accueille dans sa gloire, celui qui, pour ses frères et sœurs souvent si démunis, a tant fait, jusqu’à se laisser dépouiller lui-même si radicalement de sa parole.
P. Pierre Iratzoquy sj,
jésuite de la communauté à Pau
Article publié le 13 septembre 2021