Quand Hubert DAUBECHIES arriva au Chili au milieu des années 1950, jamais il n’avait pensé qu’il pourrait tomber amoureux à ce point d’un pays et de ses habitants. « Daubi », comme l’appelaient ses amis, avait été ordonné une année auparavant à Barcelone, en Espagne ; et quand il lui fut demandé de venir au bout du monde, il ne savait absolument pas à quoi il devait s’attendre.

À Santiago, il commença à travailler comme professeur au Collège San Ignacio, où il resta jusqu’en 1958. Il démontra rapidement son goût pour l’écriture et les communications, et il devint secrétaire de rédaction de la prestigieuse revue d’analyse sociale et politique Mensaje, poste qu’il occupa pendant 20 ans. Dès 1970, il travailla comme vicaire de la paroisse Jesús de Nazareth, à Santiago, jusqu’à ce que huit ans plus tard, il soit envoyé là où son cœur lui fut définitivement dérobé : Chuquicamata.

Daubi vivait dans un campement, avec les gens qui arrivaient au village pour travailler dans les mines. Il n’avait pas besoin de luxe ; il avait seulement le juste nécessaire pour vivre. Sa simplicité sauta immédiatement aux yeux des villageois. Hubert restait toujours à discuter durant de longues heures après chaque messe dominicale qu’il célébrait à la paroisse d’El Salvador. Il aimait connaître les gens, leur demander comment ils allaient, quels étaient leurs problèmes et comment il pouvait les aider. Pour lui, avoir des amis et une vie sociale était un don précieux dont il fallait rendre grâce chaque jour.

Hubert fut assez critique de la dictature militaire. Dans les eucharisties qu’il célébrait, il disait toujours ce qu’il pensait – « il n’avait pas de filtre » comme disent ses amis – et il faisait de même dans les événements officiels auxquels il était invité, en présence de hauts représentants du gouvernement. La présence des tanks et des militaires qui étaient à Chuquicamata le dérangeait. Il sentait la peur des gens : les libertés se réduisaient, les souffrances faisaient partie du quotidien. Il utilisa la paroisse d’El Salvador comme espace de réunion et de débat sur l’état politique du pays. Il reçut de nombreuses menaces mais cela n’alla jamais plus loin.

Ce fut à Chuquicamata qu’il connut ses plus grands amis, qui se souviennent de lui comme quelqu’un d’extrêmement drôle : racontant tout le temps des blagues, plaisantant et cherchant à faire rire les gens ensemble. Pour lui, tout le village était comme la famille qu’il avait laissée derrière lui en Belgique.

En 1983, il revint à Santiago, où il officia comme vicaire paroissial de Jesús Obrero, à Estación Central. Ici encore, il ne tarda pas à se faire des amitiés, et il parcourait les rues de la capitale à bicyclette pour leur rendre visite. Il se fit aussi des amis au Hogar de Cristo, se plongeant dans de vastes conversations durant lesquelles, de nombreuses fois, ses interlocuteurs se retrouvaient confus à cause de son très fort accent belge.

Cinq ans après, en 1988, il fut transféré à Antofagasta où il exerça comme conseiller diocésain à la pastorale familiale et comme ministre de la communauté San Pedro Canisio. En 1998, il devint vicaire paroissial du Buen Pastor y Jesús Crucificado. Il travailla aussi comme Promoteur de Justice au Tribunal ecclésiastique de l’archidiocèse, entre 1994 et 2006. Il parcourait la ville à bicyclette et visitait les nouvelles amitiés qu’il était en train de se faire. Daubi ne vouvoyait jamais personne, et ne laissait personne l’appeler « Père » : il était Daubi, l’ami de tous.

Les constants changements climatiques commencèrent à affecter sa santé. De même que son arthrite avancée, qui lui causait beaucoup de douleurs pour se déplacer. En 2007, il revint à Santiago, à la résidence San Ignacio, où il se consacra à traduire les œuvres du Père Hurtado en français. Daubi regretta toujours le campement, l’atmosphère qui l’entourait là-bas, et il désira de toutes ses forces pouvoir y retourner un jour. Il le disait donc aux amis qui venaient lui rendre visite à la résidence. Pour lui, la simplicité de « Chuqui » était la vie ; sa vie familiale, la famille qu’il aimait.

Roberto Saldías SJ