L’Église est secouée en profondeur par les affaires d’abus, notamment de pédophilie. La Province EOF distingue ici les procédures juridiques des pays et les procédures canoniques, après avoir évoqué les dispositifs de formation, de prévention et d’écoute mis en œuvre.

Trop de personnes pensent encore que les prêtres et religieux jouiraient d’un statut qui les ferait échapper à la justice. Il n’en est rien! C’est plutôt l’inverse : ils ont à répondre devant deux instances différentes. Non pas l’une à la place de l’autre, mais bien l’une et l’autre.

Trois actions mises en place par le Provincial

abus église Lorsque le Provincial d’Europe Occidentale Francophone (EOF) reçoit une dénonciation ou des informations crédibles qui portent sur un abus de mineurs par un jésuite, il mène trois actions.

D’abord, il veille à ce que les autorités judiciaires du pays soient informées : s’il n’a pas la certitude qu’un dépôt de plainte a déjà été effectué, il fera lui-même un signalement. Parallèlement, il peut prendre des mesures de restriction du ministère à l’égard du jésuite accusé : il peut lui interdire d’exercer un ministère auprès des jeunes, voire de célébrer publiquement les sacrements ; il peut aussi estimer devoir le déplacer pour éviter le contact entre le jésuite concerné et la victime ou son entourage. Enfin, il envoie le dossier à la Curie générale : ce dossier fera l’objet d’un examen par un comité ad hoc composé de cinq Conseillers et du Procureur général (actuellement le P. Benoît Malvaux, jésuite belge de la Province EOF), et d’une décision par le Père Général. Ce dernier décidera d’informer la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, au Vatican, chaque fois que cela est nécessaire : quand l’accusation est vraisemblable et si les victimes étaient mineures au moment des faits.

En plus du Provincial, deux instances sont donc informées : les autorités judiciaires du pays et les autorités de la Compagnie de Jésus. Une fois que l’action judiciaire est en cours (quand les faits ne sont pas prescrits par la loi du pays), la pratique la plus courante consiste à laisser cette procédure aller jusqu’à son terme avant de prévoir des sanctions canoniques. D’une part, il faut éviter d’interférer, d’autre part, la décision judiciaire viendra enrichir le dossier canonique : il est évident qu’un procès qui aboutit à une condamnation est une manière d’établir avec clarté une culpabilité.

La procédure canonique

Du côté canonique, une collaboration est nécessaire entre la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (CDF) et la Curie générale jésuite. Si la CDF juge qu’il n’est pas nécessaire de renvoyer le jésuite de la Compagnie et de l’état clérical (par exemple parce que les faits sont anciens et le jésuite âgé), elle peut confirmer les mesures prises par le Provincial ou en ajouter d’autres, plus sévères. Si elle estime au contraire que le dossier n’établit pas suffisamment la culpabilité du jésuite, ou si les faits sont d’une gravité telle qu’ils justifient un renvoi de la Compagnie et de l’état clérical, mais qu’il convient de donner au jésuite la possibilité de se défendre, la Congrégation demande au Père Général d’organiser un procès (canonique) administratif pénal, pour établir de manière plus certaine la culpabilité ou l’innocence du compagnon accusé.

Le Père Général nomme alors un délégué et deux assesseurs pour mener à bien ce procès. En général, ce délégué interroge la victime, le jésuite accusé et des témoins. Le jésuite comme la victime peuvent faire appel aux services d’un avocat ecclésiastique. Aux termes de ce procès canonique, le délégué et les assesseurs remettent leur avis au Père Général, qui prend la décision finale, s’il en a reçu mandat de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Cependant, si le Père Général décide le renvoi du jésuite de l’état clérical, il a généralement besoin d’obtenir l’approbation de la Congrégation.

La Curie générale est soucieuse de traiter avec rigueur les dossiers qui lui sont transmis à propos d’éventuels abus de mineurs par des jésuites. Elle est un maillon dans un dispositif plus large. En amont, chaque Province jésuite, par l’intermédiaire de son Provincial et d’une équipe, reçoit les plaintes et instruit les dossiers, pour un renvoi à Rome. En aval, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi décide de la procédure à suivre et des mesures définitives à prendre.

Thierry DOBBELSTEIN P. Thierry Dobbelstein sj, Socius de la Province EOF
avec la collaboration du P. Benoît Malvaux sj, Procureur général de la Curie à Rome

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