Le Liban est durement éprouvé par la crise financière et politique, la pandémie mondiale et la terrible explosion qui a ravagé sa capitale, cet été. Ancien recteur de l’Université de Namur, actuellement en poste à l’Université jésuite Saint-Joseph, le P. Michel Scheuer sj vit à Beyrouth depuis 2010. Il livre un témoignage de l’intérieur.

En 2020, une succession d’événements dramatiques pour le Liban

Au Liban vivent une cinquantaine de compagnons jésuites répartis en six communautés, dont trois à Beyrouth (lire « En savoir plus » à la fin de l’article).

Cette année, alors que se préparait la célébration du 100e anniversaire du « Grand Liban », le pays a connu une succession d’événements dramatiques. L’écroulement du système bancaire et financier a plongé la population dans une grande insécurité : chute vertigineuse du cours de la monnaie libanaise par rapport au dollar, suivie d’une perte du pouvoir d’achat, restrictions des retraits bancaires, faillites d’entreprises et pertes d’emploi… En octobre 2019, un mouvement de contestation du pouvoir, considéré comme corrompu et responsable de cette situation catastrophique, a vu le jour ; actuellement, face à la complexité de la situation politico-économique, il semble s’essouffler. On estime, aujourd’hui, que plus de la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.

La résidence des jésuites après explosion liban

La Résidence des jésuites après la violente déflagration du 4 août 2020

À Beyrouth, plusieurs initiatives se sont mises en place : des distributions de repas et de nourriture sont assurées par les étudiants de la Pastorale universitaire animée par le P. Jad Chebly sj, mais aussi par les fidèles qui fréquentent notre église, avec le P. Gabriel Khairallah sj. Elles sont soutenues par de nombreux volontaires et de très généreux donateurs. Notre objectif est de fournir un repas chaud par jour aux personnes et aux familles dans le plus grand dénuement. Ces distributions sont assurées sur place ou à domicile pour les personnes ayant de la peine à se déplacer.

Ensuite la pandémie du Covid-19 est venue frapper le pays. Dès les premiers jours, douze jésuites de notre communauté de Beyrouth étaient atteints. Toute la Résidence a été mise en quarantaine stricte ; mais le P. Alex Bassili sj, déjà affaibli, n’y a pas résisté. Il nous a quittés paisiblement, entouré de soins attentifs.

L’espérance malgré tout

Et puis, le 4 août, à 18h07, est survenue cette double explosion d’un dépôt de nitrate d’ammonium. On aurait dit un tremblement de terre et un bombardement en même temps. Le pays a déploré 200 morts et plus de 6500 blessés ; les dégâts dans les quartiers proches de l’explosion sont très lourds. Trois hôpitaux ont été complètement dévastés… au moment où on en avait le plus besoin. Endommagé lui aussi, l’Hôtel-Dieu de France, CHU de la Faculté de Médecine de l’Université Saint-Joseph, a tout de même pu accueillir plusieurs centaines de blessés, cette nuit-là. Sous la coordination du directeur médical, le Dr Georges Dabar, les médecins, les infirmières et les résidents ont fait des miracles pour soigner, accueillir et consoler.

Dès le lendemain, palliant l’absence totale des pouvoirs publics, des équipes de bénévoles se sont mises spontanément au travail pour venir en aide aux victimes : sécurisation des immeubles, distribution d’eau potable, de repas, de médicaments, accueil des enfants… Elles ont été rejointes par des ONG internationales (Croix-Rouge, Caritas et MSF) et de nombreuses ONG locales. Beaucoup d’étudiants de l’Université et de fidèles de notre église se sont engagés durant de longues journées pour apporter secours et réconfort.

liban destruction La communauté jésuite et le Collège Saint-Grégoire, assez proches du port, ont beaucoup souffert de l’explosion. De même, la « Résidence des jésuites », qui se trouve à 1400 mètres du port, ainsi que l’église ont été très atteints. Nous avons vécu, pendant un mois, sans fenêtre et, parfois, sans porte. Les travaux de restauration sont en cours et nous espérons pouvoir les terminer avant l’hiver. Les cinq campus de l’Université ont été, eux aussi, fortement sinistrés et sont en plein chantier de réparation. Très heureusement, aucun compagnon jésuite n’a été blessé lourdement.

Toujours sans gouvernement, le Liban tente de se reconstruire. Les jésuites veulent être là pour que l’espérance des Libanais ne meure pas.

P. Michel Scheuer sj

Directeur du Centre d’éthique de l’Université Saint-Joseph, communauté Saint-Joseph, Beyrouth

Michel Scheuer sj

En savoir plus sur les jésuites au Liban

> Trois communautés à Beyrouth : Saint-Joseph (20 membres, 10 nationalités, dont plusieurs engagés à l’Université) et Saint-Ignace (jeunes en formation) sont réunis à la « Résidence des jésuites », qui héberge aussi la Curie provinciale, une maison d’édition et un Centre d’étude du patrimoine arabe chrétien (CEDRAC) ; Saint-Grégoire, située à côté du Collège du même nom.

> Dans le pays : la communauté du Collège ND à Jamhour ; Bikfaya, première maison de la « nouvelle Compagnie au Liban » (1831), avec son Centre spirituel et une église, très visitée ; Tanaïl, dans la plaine de la Bekaa, qui réunit une exploitation agricole, un complexe scolaire, une école d’agronomie de l’USJ et un Centre spirituel.

Avec l’Algérie, l’Égypte, la Terre sainte, la Jordanie, le Maroc et la Syrie, le Liban fait partie de la Province jésuite du Proche-Orient et du Maghreb. Celle-ci appartient à l’assistance d’Europe occidentale… au même titre que notre Province EOF !

> Cet article est paru dans la revue Échos jésuites (hiver 2020), la revue trimestrielle de la Province d’Europe Occidentale Francophone. L’abonnement, numérique et papier, est gratuit. Pour vous abonner, cliquez sur ce lien ou envoyez vos coordonnées (adresse électronique/postale) à communicationbxl[at]jesuites.com.