Nous avons tous entendu parler de Lord Baden-Powell, chapeau pointu et moustaches blanches, qui a fondé le scoutisme en 1907. Mais qui est à l’origine du scoutisme catholique en France ? Découvrez la figure du Père Jacques Sevin, jésuite.

En 1913, le mouvement scout connaît un prodigieux développement auprès des adolescents et suscite déjà des critiques redoutables, par exemple du jésuite Henri Caye dans la revue Etudes, février-mars 1913. Encore étudiant jésuite, Jacques Sevin fait pendant l’été un voyage d’étude en Angleterre pour se rendre compte par lui-même. Sur place, il partage la vie de camp des boy-scouts, rencontre la hiérarchie catholique et se lie d’amitié avec Baden-Powell autour d’une tasse de thé. Dans sa pensée et dans son cœur, il forme la résolution de fonder les scouts catholiques en France.

Entre 1917 et 1919, il rédige son maître livre Le scoutisme, étude documentaire et applications et, par des essais de scoutisme à Mouscron, il fait prendre corps à l’intuition que cette pédagogie, si décriée dans les milieux ecclésiastiques de l’époque, correspondait en profondeur à une vision chrétienne de l’homme. Il conçoit alors le dessein, non seulement de proposer la vie scoute à des jeunes pour en faire des adultes chrétiens, mais de développer leur foi et de les intégrer profondément à l’Église catholique par cette même vie scoute : combien de vocations sacerdotales, religieuses, laïques, prendront naissance dans un tel terreau de vigueur spirituelle et de générosité éducative !

Repenser le scoutisme à la lumière et dans l’esprit de l’Évangile

Par la fondation de l’Association des Scouts de France en juillet 1920, il fait mieux que fédérer les expériences de scoutisme catholique qui existent en France depuis 1911 ; il repense entièrement le scoutisme de Baden-Powell dans la lumière et l’esprit de l’Évangile.

« La rencontre entre la méthode scoute et les intuitions du Père Jacques Sevin a permis d’élaborer une pédagogie basée sur les valeurs évangéliques, où chaque jeune est conduit à s’épanouir et à développer sa personnalité en faisant fructifier les talents qu’il porte en lui« , déclare saint Jean-Paul II, dans sa Lettre apostolique aux responsables de la Conférence Internationale Catholique du Scoutisme (CICS), en septembre 1998.

Préoccupé de la rénovation des méthodes pédagogiques des collèges jésuites, il ressent un certain décalage entre l’esprit missionnaire des origines et la vie concrète des collèges. Le scoutisme de Baden-Powell lui paraît à même de fournir des instruments nécessaires à un retour aux sources pour retrouver l’intuition proprement ignatienne d’une éducation active, généreuse et missionnaire, où les finalités inspirent les méthodes.

Le Père Jacques Sevin à gauche, et le Chanoine Cornette

Le Père Jacques Sevin à gauche, et le Chanoine Cornette

Chercher la « joie scoute » au quotidien

Pédagogue, le Père Jacques Sevin est aussi un spirituel, un contemplatif et dans une certaine mesure un mystique. Fils de saint Ignace de Loyola, il est familier de sainte Thérèse d’Avila et lit beaucoup sainte Thérèse de Lisieux, chez qui il puisera ce qu’il appelle « la joie scoute », cherchée et trouvée au creux du quotidien. Son intuition spirituelle fut centrée sur la croix glorieuse de Jésus, la croix de Jérusalem dont il entoura, sur l’insigne des scouts de France, la fleur de lys de Baden-Powell. Il réécrit la loi scoute, la promesse et tous les textes fondamentaux. Il enrichit la pratique scoute d’une approche spirituelle du camp et de la route, contribuant ainsi de manière décisive à enraciner en profondeur les contours de ce qu’on peut appeler l’esprit scout, esprit qu’il est le premier à vivre et mettre en œuvre dans les stages de formation de responsables à Chamarande. Proche du courant de « l’Action Populaire » du P. Desbuquois, il tient que l’œuvre scoute doit être « sociale », au sens fort de l’époque.

« Les enfants que nous revendiquons comme plus spécialement nôtres, ce sont ceux dont les œuvres existantes ne veulent pas ou ne veulent plus. » (Le scoutisme, p 206) Son style – il véhicule toute une esthétique et une symbolique par ses dons de poète, de musicien et de dessinateur -, sa pensée, ses écrits et les structures mêmes des Scouts de France font école sur toute la planète. En 1922, il fonde et dirige la Conférence Internationale Catholique du Scoutisme au sein du Mouvement Scout Mondial. Et tout cela, sans trahir Baden-Powell qui déclarera que le travail du Père Jacques Sevin représente « la meilleure réalisation de sa propre pensée ».

La fondation des soeurs de la Sainte Croix de Jérusalem

Le Père Jacques Sevin, jésuite

Le Père Jacques Sevin, jésuite © Scouts et Guides de France

Le Père Jacques Sevin porta en lui un autre projet qui vit le jour en 1944 : la fondation d’une congrégation religieuse contemplative et missionnaire, la Sainte Croix de Jérusalem, dont la spiritualité propre a trouvé ses sources principales chez saint Ignace de Loyola, les deux saintes du Carmel et le scoutisme, et qui est tout particulièrement engagée dans l’éducation des jeunes.

L’introduction récente à Rome de sa cause en béatification est l’occasion de redécouvrir l’actualité de l’œuvre de Jacques Sevin, et de prier Celui qu’il a fait appeler « Seigneur Jésus » par tous les scouts catholiques du monde d’être toujours prêt à Le servir.

> En savoir + sur Jacques Sevin et le scoutisme :
– Vénérable Père Jacques Sevin (1882 – 1951), S.J.  sur le site de la Conférence des Évêques de France
– Le site des Scouts et Guides de France
–  Le choral des Adieux est du Père Sevin

– Le site des Sœurs de la Sainte Croix de Jérusalem

Bibliographie du Père Jacques Sevin :
Le scoutisme (Livre fondateur édité en 1922). Presses d’Ile de France, 1999
Méditations scoutes sur l’Evangile. Presses d’Ile de France, 1996
Une flamme d’amour. (Recueil de poèmes et prières) Ed. Parole et Silence, 1999

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