Une pensée par jour

Pierre-Joseph Clorivière,
jésuite

Petit livre de textes
recueillis par Chantal Reynier, fcm
Professeur d’exégèse bilique aux Facultés jésuites de Paris (centre-Sèvres)

Aux éditions Médiaspaul

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Présentation

Pierre Joseph de Clorivière eut une vie au parcours souvent contrarié. Né dans le monde de l’Ancien Régime, il en voit disparaître les assises. Entré dans la Compagnie de Jésus, cel­le-ci est supprimée. Il a prononcé des vœux, et le pouvoir civil les interdit. Il projette de par­tir pour les missions lointaines du Canada, et il est retenu en France. Et pourtant, jamais Clorivière ne se détournera de la suite du Christ. Il a vécu et œuvré dans un temps bien particulier de l’histoire de France, celui de la fin de la royauté, de la Révolution, de l’Em­pire et de la Restauration. Les événements nationaux et internationaux qu’il a traversés ont constitué de véritables défis pour la foi et il les a relevés avec une originalité qui n’a rien perdu de son actualité.

Né à Saint-Malo en 1735 dans une riche famille d’armateurs adonnée au commerce international et très influente dans la ville elle-même, il entre en 1756, à l’âge de 21 ans, dans la Compagnie de Jésus. Cette dernière est alors la cible de contestations de plus en plus vives de la part des États européens. Bientôt, les jésuites sont expulsés de France, ce qui le conduit à poursuivre sa formation en Belgique, puis en Angleterre. Il est ordonné prêtre, et prononce ses grands voeux en 1772. Mais un an plus tard, en 1773, Clément XIV supprime la Compagnie de Jésus.

Privé désormais de l’ordre dans lequel il s’est engagé, le Père de Clorivière regagne sa Bretagne natale où il assume différentes charges pastorales, notamment dans l’éducation et dans l’accompagnement spirituel. Éclate alors la Révolution. En février 1790, les ordres religieux sont supprimés par les révolutionnaires qui rejettent la religion catholique comme religion d’État. Peu après, alors qu’il songe à partir en Amérique du Nord pour les missions, Clorivière a l’inspiration soudaine d’instituts adaptés aux circonstances dans lesquelles l’Église se trouve en France. Il fonde alors deux sociétés hors cadre, qui devront vivre leur consécration sans signe distinctif et sans apostolat spécifique : la Société du Cœur de Jésus pour les hommes — aujourd’hui famille Cor Unum — et, avec Adélaide de Cicé, la Société de Marie pour les femmes, aujourd’hui Société des Filles du Cœur de Marie.

Dans les sombres années de la Terreur, il choisit, non de chercher refuge en province ou à l’étranger, où il a des connaissances mais, au péril de sa vie, de rester à Paris afin d’y organiser ces sociétés et d’y exercer son ministère sacerdotal.

Clorivière réagit en jésuite à l’entreprise de sécularisation de l’Église par l’État. Il refuse d’entrer dans cette perspective qui, en supprimant la vie religieuse, interdit aux personnes de donner leur vie au Christ. S’il a vécu la fidélité intérieure à la Compagnie alors même qu’elle était supprimée, c’est qu’en fait d’autres ordres continuaient à exister dans l’Église. Il ne s’insurge donc pas contre une organisation d’un type nouveau qui lui déplairait, mais, en conscience, contre une atteinte à la liberté de l’être humain dans son rapport à Dieu. En rendant possible la consécration au Christ de plain-pied avec les hommes et les femmes de son temps, Clorivière fait non seulement œuvre de fondateur, mais aussi de novateur.

C’est pourquoi il est considéré comme celui qui a eu, avant la lettre, l’intuition des instituts séculiers qui se sont développés au XX’ siècle. Sous l’Empire, il passe quatre années en prison (1804-1808) car ses relations familiales et les sociétés qu’il a fondées dérangent le pouvoir. Son emprisonnement ne l’empêche pas de rédiger des commentaires bibliques et de veiller au développement de ses sociétés, notamment par une correspondance abondante.

 

 

Les années 1814-1818 voient le rétablissement de la Compagnie de Jésus en France.

Ultime paradoxe : Clorivière, qui a été privé de la Compagnie dans sa jeunesse, est chargé dans son grand âge de son rétablissement. Il meurt à Paris en 1820, dans la maison des jésuites, devant le Saint Sacrement.

Pierre-Joseph de Clorivière laisse une œuvre littéraire spirituellement importante. De genres très divers, ces textes sont tous au service de l’approfondissement de la foi et de

la vie chrétienne et révèlent eux aussi un guide spirituel. Son traité reconnu, Prière et Oraison, ses notes spirituelles, ou son abondante correspondance avec les membres de ses sociétés, témoignent de son art de discerner et de nourrir la foi de ceux et celles qui lui sont confiés. Il connaît bien les Écritures où il puise son inspiration. Il rédige d’ailleurs quelques commentaires de textes bibliques, comme celui des épîtres de saint Pierre, du livre de l’Apocalypse ou de l’évangile de saint Jean. En outre, il n’hésite pas à aborder les problèmes culturels et politiques de son temps, que ce soit dans une étude de la société intitulée Vie de M de Sernin, ou dans des textes critiques à l’égard de la Révolution française de 1789.

Aujourd’hui encore, Clorivière demeure capable de nous introduire avec vigueur et rigueur dans une vie authentiquement spirituelle, en prise avec le réel. Si sa langue et son style sont ceux d’un homme du XVIII’ siècle, son approche des problèmes, formée à l’esprit de saint Ignace, et son sens des Écritures qui nourrissent sa pensée et sa prière, sont susceptibles de nourrir notre foi et de l’interroger.

La personne du Christ. — Clorivière a toujours pris en compte l’état de la société, en a dénoncé les dérives et l’a regardée avec compassion pour y rejoindre ceux qui subissaient l’entreprise de déchristianisation. Dans un temps comme le nôtre, où le péril qui se dessine est entre autres celui d’un syncrétisme religieux dans lequel toutes les personnalités sont confondues dans une égale et parfois indistincte admiration, Clorivière nous rappelle combien la personne du Christ, connue dans sa singularité et suivie avec amour, est « la pierre angulaire » de toute vie chrétienne engagée dans le monde.

L’espérance chrétienne. — Les événements du monde n’ont jamais découragé Clorivière qui sait, à la suite de saint Ignace, que la grâce est toujours donnée au moment présent et que le Seigneur ne fait jamais défaut. Dans tout événement, même imprévu, même effrayant, il a eu l’art de découvrir la présence de Dieu pour lui et d’y voir toujours le moment favorable pour connaître le Christ et pour le faire connaître.

Un rapport original au monde. — Ayant perçu que la culture de son temps remettait en question les conditions dans lesquelles le christianisme avait jusqu’alors vécu, Clorivière ouvre un chemin de liberté. La vie consacrée, comme toute vie chrétienne, est appelée à être de plain-pied avec cette humanité que l’Évangile nous demande d’aimer et de servir.

À cet égard, la référence constante que Clorivière fait à l’Église primitive nous invite redéployer cette intuition : à savoir, donner à l’Église son rôle de témoin à même le monde, accueilli tel qu’il est, pour faire connaître le Christ, indispensable à l’humanisation. Le rôle que Clorivière donne à l’éducation des enfants, à l’apprentissage des bases de la foi, l’exhortation qu’il fait d’aimer tout homme en œuvrant dans la société, si déchristianisée ou hostile qu’elle soit, son souci de l’unité de l’Église, l’importance accordée à la prière qui passe au crible jugement et action en ouvrant sur le mystère de Dieu Trinité, font de lui un guide sûr et toujours actuel.

Chantal REYNIER, fcm,
professeur d’exégèse biblique
aux facultés jésuites de Paris
(Centre Sèvres)

Pour en savoir plus :
–  Le Père Pierre-Joseph de Clorivière sur le site de la Société des filles du cœur de Marie
–  Découvrez la Famille Cor Unum
Un Maître spirituel pour aujourd’hui (N°195 revue  Christus)
–  Explication des Epîtres de Saint Pierre par Pierre-Joseph Picot de Clorivière (livre numérique gratuit sur Google)
–  Un livre : Profil spirituel du chrétien Pierre Joseph de Clorivière
–  À Saint-Malo avec le père de Clorivière