P. Denis MAUGENEST (27.11.2019)
Durant ses années à la Faculté de Sciences économiques et sociales de la Catho de Paris, il accueille des étudiants africains, de plus en plus nombreux. Lui vient dès lors l’idée de suggérer à la Compagnie de créer un enseignement supérieur analogue en Afrique noire, au motif que l’avenir de l’Afrique n’est pas en Europe, et qu’il faut assurer un enseignement supérieur de qualité en Afrique même. En 1985, comme il aimait le raconter, il reçoit du P. Général, la mission d’avancer dans cette voie.
S’ouvre alors pour lui une nouvelle page de sa vie, qui va le conduire de 1989 à 2011 en Afrique. D’abord à Yaoundé, jusqu’en 2002, où il créé avec les évêques de la région l’UCAC, l’Université catholique d’Afrique centrale. Sa Faculté de sciences sociales et de gestion, confiée aux jésuites, son école de sciences infirmières et son Institut de sciences et techniques d’Afrique centrale (à Pointe-Noire et Douala) en font aujourd’hui une référence universitaire en Afrique. Puis, après le Cameroun, c’est la Côte d’Ivoire jusqu’en 2009. Denis se voit confier la refondation de l’Institut africain pour le développement économique et social (INADES) créé en 1962 par les jésuites. Dans les circonstances de crise que connaît le pays, cet institut est rebaptisé en 2003 CERAP (Centre de recherche et d’action pour la paix) qui deviendra un centre reconnu de formations et de publications. Malgré les difficultés, Denis se donne avec énergie à cette entreprise. En 2011, vient le retour en France, notamment pour des raisons de santé. Mais, il n’oublie pas l’Afrique. Homme de relations et de réseaux, il créé en octobre 2013 avec des amis l’Institut Afrique-monde, une sorte de think tank, qui se donne pour mission d’être un laboratoire d’idées indépendant et apolitique pour le développement d’une Afrique en paix, ouverte sur le monde. Jusqu’au bout, Denis garde un attachement fidèle pour l’Afrique et ses amis africains.
Avec ce ton et ce sourire qui n’appartenaient qu’à lui, Denis aimait provoquer pour faire réagir ses interlocuteurs, pour les inviter à aller plus loin dans la réflexion, la recherche, mais aussi la prise de responsabilité. Rien n’était définitivement acquis pour lui. Il n’aimait pas ce qui était figé, cloisonné, les conceptions étriquées et refermées sur elles-mêmes, préférant les horizons et les perspectives larges, tant en matière de réflexion politique que religieuse. Il était convaincu de la fécondité de la rencontre inter-religieuse, de ce que chaque chemin spirituel pouvait dire de ce mystère de Dieu.
François BOËDEC sj
Article publié le 8 septembre 2020