P. Yves Simoens (8.9.2024)

Yves-Simoens Une première étape familiale et scolaire, déjà dans un climat imprégné de l’esprit d’éducation jésuite. Ses parents légueront leur propriété de Kinshasa à l’ACE. Et Yves redira souvent l’influence du P. Jacques BLAFFART sj, son professeur de seconde, qui l’ouvrit à l’Écriture et à la culture. Après le noviciat à Arlon, il revient au Congo pour la philosophie, les Lettres romanes à Lovanium et la régence. Ensuite, master en Lettres à Aix-en-Provence et théologie à Fourvière. Là, son désir d’approfondir l’Écriture se précise : il entreprend une thèse sur Jn 13, au Biblique à Rome, et enfin une carrière d’enseignant – IET, Centre Sèvres et Biblique à Rome -, accompagnée de très nombreuses sessions, retraites à des milieux divers, en France, en Afrique et à Haïti.

Chez Yves, le dialogue avec Israël est une préoccupation majeure. Pendant plusieurs années, avec un rabbin, il anime des rencontres sur des textes bibliques. « Beaucoup de malentendus risquent de s’entretenir si l’on ne se met pas à une même table pour parler de ce qui nous tient à cœur et nous fait vivre. La rencontre de l’autre personne a un effet de réel encore plus puissant que le passage sur la Terre d’Israël. » Et il publie avec un rabbin et un imam Les versets douloureux (Lessius, 2008), livre d’actualité qui s’attaque avec persévérance aux clichés, ancrés dans l’inconscient, et aux préjugés, par définition tenaces.

En 2021, il est particulièrement heureux de travailler à un dernier ouvrage qui exprimerait au mieux ses travaux sur l’Écriture : Servir l’Écriture sainte comme Parole de Dieu (Cerf, 2023). C’est un parcours à la fois rigoureux et accessible pour aider à approfondir le sens de la « Parole de Dieu » et à plonger en profondeur dans la lecture de l’Écriture. « Ces études témoignent, chacune à sa manière, de la nécessaire unité de l’un et l’autre Testament en exégèse biblique, si celle-ci ne renonce pas à vouloir être théologique. J’entends par théologique une exégèse soucieuse de donner la parole en priorité à Dieu puisque c’est de Lui que procèdent et à qui renvoient les Écritures saintes. » Mais c’est bien l’amour des Écritures, non pas seulement spéculatif, mais contemplatif, qui soutient avec une remarquable continuité toute la recherche poursuivie : « Ma vie s’est passée, et se passe encore, à essayer d’en rendre compte du moins mal possible. »

Yves a beaucoup lu et relu. Mais n’a rien publié en littérature. Pourtant, il nous reste une note. On lui avait demandé de dire quel était pour lui le livre « inépuisable » … Il choisit Missa sine nomine d’Ernst Wiechert (1950) « pour le mélange étonnant de genres littéraires qui s’y mêlent comme dans la Bible. S’y croisent l’essai sur la conduite humaine, centrée sur la peur et ce qui l’exorcise : la paix du cœur ; le cantique pour enfants, le poème, l’intrigue policière, le roman d’amour, le conte de Noël, comme s’il fallait toute cette palette pour arriver à cette tonalité d’écritures qui tient de la confidence, du journal personnel, du livre de spiritualité à lire par longues plages de temps dans le silence intérieur comme extérieur pour en savourer les nuances subtiles. »

« Compagnon de Jésus », cela se traduisait d’abord par l’enracinement de sa vie en Dieu, dans la Trinité, et par une immense « disponibilité ». La Storta fut de plus en plus source de vie spirituelle : « le Père le mettant avec son Fils… » se nourrissait de la Parole johannique intériorisée. Ce fut sans doute ce qui l’habitait, l’intériorisait le plus au cours des derniers mois.

Enfin, il n’a cessé, jusqu’aux derniers moments, de remercier corps médical et jésuites qui l’avaient accompagné. Nous nous souviendrons toujours du lumineux sourire qu’il nous adressait malgré l’épuisement et qui, pour nous, était une consolation.

Jean-Louis PREAT sj (Paris – Grenelle)

NB : L’homélie de la messe de funérailles du 13 septembre éclaira remarquablement Servir l’Écriture sainte…

Article publié le 8 septembre 2024

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