Le Père Victor Dillard sj, martyr, aumônier de jeunes du STO

Le père jésuite Victor Dillard a été promulgué martyr le 20 juin 2025 par le Pape Léon XIV avec 49 autres Français résistants et catholiques, partis en Allemagne en 1943 pour le STO (Service du Travail Obligatoire). Ces « 50 du STO » seront bientôt béatifiés à Paris. 

Le 20 juin 2025, le Pape Léon XIV a demandé la promulgation du martyre de 50 Français, partis en Allemagne en 1943 pour le STO (Service du Travail Obligatoire), arrêtés ensuite pour avoir animé des aumôneries catholiques clandestines, puis déportés en camp de concentration où il trouvèrent la mort en 1944-1945. Ces « 50 du STO » seront bientôt béatifiés à Paris. Ils sont les témoins d’une page mémorielle complexe de l’histoire de France ; ils font partie de la Résistance chrétienne devant le nazisme, mais aussi d’une persécution religieuse délibérée et méconnue. Beaucoup sont morts des suites de leur incarcération. Parmi eux, 33 jeunes laïcs, souvent membres de la JOC ou des Scouts de France, des séminaristes et jeunes religieux, et quelques prêtres, dont un jésuite, le P. Victor Dillard.

Une vocation jésuite

La vie du Père Dillard est une véritable épopée en soi. Il a connu activement les deux Guerres mondiales, avec un total de sept « citations », montrant toujours son courage devant l’ennemi. Durant la Seconde Guerre, il a choisi, au risque de sa vie et par fidélité au Christ, de prendre soin spirituellement des jeunes envoyés, contre leur gré, au STO. Il est reconnu comme Résistant. Mais c’était aussi un religieux jésuite, épris d’éducation de la jeunesse, tourné vers le monde contemporain et avec une analyse très fine des rapports socio-politiques. C’était d’abord un homme de Dieu, un homme pour le Christ et pour ses frères.

Né à Blois en 1897 dans une famille bourgeoise nombreuse, où l’on aime la musique et le théâtre en famille, Victor Dillard y passe toutes ses années de jeunesse. Sa mémoire reste encore vive dans sa ville natale, avec une rue, un bâtiment scolaire et une fondation à son nom, et même un timbre à son effigie.

Au service des jeunes

Après la Première Guerre mondiale, il hésite encore sur son avenir et choisit la vocation religieuse jésuite plutôt que la mondanité militaire. Il entre au noviciat en 1919. Avant, pendant ou après ses études de philosophie ou de théologie, il est envoyé comme enseignant ou préfet dans divers collèges de la Compagnie de Jésus, et par deux fois au lycée Sainte-Geneviève à Versailles. Partout, il déploie une pédagogie innovante pour impliquer les élèves par l’expérience et non par la fidélité à des traditions, au risque d’être incompris par ses supérieurs. Il restera toute sa vie en contact avec les jeunes, d’abord de la JEC (Jeunesse étudiante chrétienne), puis de la JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne), deux grands mouvements de l’Action catholique. Il a fait une partie de sa théologie en Autriche. Il est ordonné prêtre en 1931 à Blois. C’est un jésuite curieux de tout, qui se forme aussi par des voyages d’études l’été, tant en Angleterre qu’en Allemagne, en étant sensible aux problèmes sociaux. Il fait des études complémentaires de droit et d’économie politique, qui lui permettront de soutenir, en 1942, une thèse sur « l’évolution de la monnaie en France ».

Dès 1937, il est envoyé pour travailler avec les jésuites de « l’Action populaire », pour promouvoir la Doctrine sociale de l’Église. Il publie de nombreux articles, continue ses voyages, cette fois en Irlande et aux Etats-Unis, rencontre le Président Roosevelt et sa famille.
Capitaine durant la Seconde Guerre mondiale, il est fait prisonnier en juin 1940, organisant diverses retraites spirituelles dans le camp et une «semaine sociale », mais réussit à s’évader lors d’un transfert en Allemagne. Il passe ensuite trois ans à Vichy, avec d’autres jésuites, pour s’occuper de la vie spirituelle et intellectuelle des fonctionnaires et des réfugiés qui y sont arrivés, mais aussi des jeunes de la JEC, la JOC et des Scouts.

À cause de sa liberté de parole, des frictions avec le Gouvernement et de la surveillance de la Gestapo, il quitte Vichy en août 1943.

« J’offre ma vie pour l’Eglise et pour la classe ouvrière »

Par fidélité avec les jeunes de la JOC, ne voulant pas « abandonner les jeunes de STO » réquisitionnés dès février 1943, et à la suite de l’encouragement de l’archevêque de Paris, il décide de rejoindre ces jeunes, pour servir comme aumônier, en se faisant passer pour un électricien, père de famille. Il est envoyé dans la Ruhr, à Wuppertal en octobre 1943. Deux mois après, une directive nazie interdit toute activité d’aumônerie parmi les ouvriers français : la JOC, comme les scouts, sont particulièrement visés. On veut imposer la croix gammée contre celle du Christ. Arrêté en avril 1944, le P. Dillard reste en prison, puis est envoyé au camp de concentration de Dachau, fin novembre. Là, il est accueilli et soutenu par le jeune jésuite Jacques Sommet, puis par le P. Michel Riquet sj ou encore par Edmond Michelet qui l’assistera avant sa mort. Il meurt des suites d’une septicémie le 12 janvier 1944, à 47 ans. Il n’est resté que 6 semaines à Dachau, lieu de déshumanisation pour tous les prisonniers, mais il aura fait l’admiration de tous ceux qui l’ont rencontré par son humilité et son abnégation. Quelques jours avant de mourir, il disait : « J’offre ma vie pour l’Église et pour la classe ouvrière », le choix d’épouser totalement la cause de ceux vers qui il était envoyé et qu’il aimait au nom du Christ.

P. Jérôme Guingand, sj

Article publié le 2 juillet 2025

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