De mi-septembre à mi-décembre, l’ensemble des jésuites de notre Province ont participé à un temps d’information et de formation à la prévention contre les abus. Retour sur ces trois journées :

Trois journées de formation étaient initialement programmées fin mars à Lyon, Bruxelles et Paris. En raison du confinement, leur format a dû être adapté et décentralisé : chaque communauté a organisé une journée ou deux soirées de formation au cours du dernier trimestre 2020. Tous les jésuites – étudiants, frères et prêtres – ont ainsi suivi ce temps de formation, les questions d’abus (pédocriminalité, abus sexuel, abus de pouvoir, emprise) ne concernant pas seulement ceux qui seraient en contact avec des enfants ou adolescents.

« L’objectif de ces journées est de rappeler la gravité des conséquences de tels actes, de passer en revue les procédures et protocoles mis en place et de former aux attitudes justes dans les relations pastorales. Chacun doit aussi pouvoir répondre aux questions des élèves, des parents, des retraitants sur ce que nous faisons pour garantir un cadre sécurisé pour tous et spécifiquement pour les plus fragiles », souligne le P. Thierry Dobbelstein, assistant du Provincial.

Cette formation est la 2e édition : en avril 2017, trois journées avaient permis de sensibiliser l’ensemble des jésuites de la Province à la question des abus. En mai 2019, ce sont tous les directeurs d’établissements sous tutelle jésuite qui ont suivi une formation spécifique.

Cette 2e édition s’est donc vécue en communauté en s’appuyant sur une trame commune proposée par la Province : trois témoignages de victimes de jésuites ouvraient la formation. « Entendre la parole des personnes victimes est essentiel. Nous nous devons de les écouter, même si cela provoque en nous honte et colère. Leurs témoignages nous permettent d’avancer. », souligne le P. Thierry Dobbelstein.

Suivait un point d’étape : au début du mois de juillet 2019, les jésuites avaient appelé les victimes à témoigner, spécialement en France, en écho à l’appel lancé par la CIASE, et communiqué sur l’existence de leur Cellule d’accueil et d’écoute, sur le nombre de victimes et le nombre de jésuites abuseurs. Depuis cette date, de nouvelles victimes se sont manifestées. Ce temps de formation permettait de faire le point sur l’accueil des victimes de jésuites, les plaintes reçues et le traitement qui en est fait.

Enfin, des regards extérieurs, via des interventions en vidéo, permettaient de mieux comprendre ce qui est en jeu : le P. Stéphane Joulain, Missionnaire d’Afrique, formé à la victimologie systémique et au suivi des auteurs d’abus sexuel, évoquait la pédocriminalité, en décrivant le mécanisme du point de vue de l’abuseur. Mme Isabelle Chartier-Siben, médecin et victimologue, abordait la question des abus sexuels, spirituels et de pouvoir sur adultes, en prenant le point de vue des victimes.

Des temps en petits groupes étaient ensuite prévus pour que chacun puisse réagir. Aborder ces sujets en communauté participe à briser le silence qui entoure les abus. C’est là aussi que se joue la prévention.

« Nous avons avancé grâce aux victimes, qui nous ont poussés à prendre la parole. Nous témoignons que ces rencontres nous ont mis en chemin et transformés. C’est important aussi pour elles de se rendre compte que nous les entendons et que nous sommes profondément affectés par ce qu’elles ont vécu. C’est notre histoire, il nous faut la regarder en face. Et nous sommes déterminés à faire ce travail de mise en lumière. » P. François Boëdec, la Croix, 3 juillet 2019

Témoignages de participants

« Ce parcours ne nous a pas uniquement fourni des informations objectives, précisé le vocabulaire ou la législation, il a mis à nu l’effroyable mécanique des pathologies. Il a aidé la parole à circuler. À brasser confidences et considérations théoriques. À la fin de la journée, chacun est reparti à son pas, la conscience éclairée sûrement, meurtrie aussi peut-être. Les souvenirs ravivés. Plus jamais ça ! Y veiller ensemble. Amour et vérité, comment ? »

Lutte contre les abus, où en sommes-nous ?

CIASE abus sexuels église Au début du mois de juillet 2019, les jésuites avaient appelé les victimes à témoigner, en écho à l’appel à témoins lancé par la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE) et communiqué sur l’existence de la Cellule d’accueil et d’écoute. À cette occasion ils avaient publié de premiers chiffres : nombre de victimes qui avaient pris contact et nombre de jésuites abuseurs identifiés. Depuis cette date de nouvelles victimes se sont manifestées.

>> En France, 41 jésuites ont été identifiés pour s’être rendus coupables d’abus, commis entre 1949 et aujourd’hui : 38 pour abus sexuels – 20 sur mineurs et 20 sur majeurs (pour 2 jésuites, il y a eu victimes mineures et majeures), 3 pour abus d’autres natures. 31 de ces 41 jésuites sont décédés. Ces jésuites ont été identifiés grâce aux témoignages de 60 victimes.

>> En Belgique, la sortie du silence a été vécue dès le début des années 2010, suite à l’affaire de l’évêque de Bruges. Un commission d’enquête parlementaire a fait des recommandations, et institué notamment une commission d’arbitrage ainsi qu’une instance – la fondation DIGNITY – destinée à payer des indemnisations. 21 jésuites ont été identifiés en Belgique francophone pour des abus commis entre 1948 et aujourd’hui : 18 pour abus sexuels – 14 sur mineurs et 6 sur majeurs (pour un jésuite, il y a eu victimes mineures et majeures), 2 pour abus d’autres natures (harcèlement dans confessionnal et emprise spirituelle). 17 de ces 20 jésuites sont décédés. Ces jésuites ont été identifiés grâce aux témoignages de 23 victimes.

Chaque témoignage est traité en pleine conformité et en totale collaboration avec la justice civile et ecclésiastique. En cas de témoignages impliquant un jésuite vivant, des mesures conservatoires sont prises le temps de l’enquête. L’expérience a démontré l’importance des archives et une attention particulière y est désormais tout particulièrement apportée afin de faciliter le travail d’enquête et l’information des victimes.

La remontée de témoignages est primordiale pour pouvoir établir et prendre toute la mesure de la réalité des faits. Cet appel répond également à des demandes exprimées par des victimes de jésuites : que tout ancien élève ou toute autre personne qui aurait été blessé(e) et éprouverait le besoin de parler, puisse sortir du silence. La Compagnie de Jésus est consciente de la nécessité pour les victimes de pouvoir être entendues et reconnues. »
Communiqué du 3 juillet 2019.

Pour en savoir plus sur les actions concernant la lutte contre les abus dans notre Province