Mon nom de famille vient de ces plateaux calcaires qui s’étendent à l’ouest et au sud du Massif Central où j’ai grandi. Aîné de cinq enfants, je garde le souvenir d’une enfance heureuse, sans argent mais avec abondance de livres et d’activités : le ski – je deviendrai moniteur de ski, agréable manière de payer les études –, l’accordéon – Auvergne oblige –, le scoutisme… Après des études supérieures à Lille, je suis parti en coopération à Madagascar, où j’ai rencontré la Compagnie. Un an de travail à EDF plus tard, en 1999, je suis entré au noviciat.

Quant au prénom – prononcer « Gui-yème », c’est de l’occitan –, il vient du fondateur de l’abbaye de Gellone, aujourd’hui à Saint Guilhem-le-Désert, près de Montpellier. Petit-fils de Charles Martel, il était vice-roi d’Aquitaine, tenant la frontière sud du Royaume de son cousin Charlemagne. Sa dernière campagne se solda par la prise de Barcelone : à l’apogée de sa gloire, il portait bien son nom, forme romane du nom franc Whilhelm, composé de Whil (volonté) et de helm (tête casquée). C’est pourtant à ce moment-là qu’il choisit de se retirer dans la solitude : on raconte qu’il déposa son épée à Brioude, devant le tombeau du saint martyr Julien, avant de se rendre au val de Gellone, près du monastère de saint Benoît d’Aniane. Ceux qui connaissent l’histoire d’Ignace de Loyola auront noté les étonnants points communs. Me voilà bien entouré !

Ma formation de jésuite achevée – j’ai prononcé mes derniers vœux en mai dernier –, la mission qui m’est confiée est la formation intellectuelle des jeunes jésuites, par l’enseignement en philosophie au Centre Sèvres, et l’accompagnement des enseignants de la faculté de philosophie, dont je viens d’être nommé Doyen.

Si j’ai investi la philosophie, c’est d’abord pour une question, le pardon. Dans Le geste du pardon, où je dialogue avec Paul Ricœur, j’ai découvert qu’avant d’être ce que le coupable demande et ce que la victime éventuellement donne, le pardon est un geste : celui par lequel la victime est relevée. Je poursuis cette recherche en creusant ce geste : une ressource inattendue m’est venue de la philosophie chinoise et de son cœur, la calligraphie, que je pratique depuis dix ans. Cette recherche remet le corps au centre, révélant un manque dans la conception contemporaine de l’homme occidental. Les disputes sur le genre ou sur les début et fin de vie en témoignent.

Trois joies enfin, pour terminer ce portrait : la célébration eucharistique avec les détenus de Fleury-Mérogis, l’accompagnement des Exercices spirituels et l’écriture romanesque, trois manières d’ »annoncer aux captifs leur libération », trois manières de laisser résonner l’appel qui m’a conduit dans la Compagnie : « Aimez vos ennemis ». Appel et promesse…

P. Guilhem Causse sj
Source : Échos jésuites • no 2018-4, p.18

Guilhem Causse sj est Docteur en philosophie, Professeur en philosophie, Doyen de la Faculté de Philosophie du Centre Sèvres. Il est notamment l’auteur de Le geste du pardon. Parcours philosophique en débat avec Paul Ricoeur aux Editions Kimé et du roman L’arbre du pèlerin aux Editions Salvator.

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