Dans sa « lettre au Peuple de Dieu » publiée cet été, le pape François s’est attaqué à la culture cléricale du silence qui a longtemps couvert les abus. Il a appelé, par la pénitence, à un renouveau spirituel de l’Église catholique. C’est l’occasion de faire le point sur les dispositifs de formation, de prévention et d’écoute mis en œuvre dans notre Province jésuite.

 

Voici deux ans, la question des abus sexuels dans l’Église occupait déjà le devant de la scène, que l’on songe au film Spotlight, à l’affaire Preynat ou aux abus commis dans les années 60 dans l’un de nos collèges en France. Ces affaires remuaient les cœurs et les consciences et nous invitaient à expliquer, dans la revue Jésuites de la Province de France (automne 2016), le point où nous en étions sur cette question et les démarches entreprises. Une cellule d’écoute avait été mise en œuvre deux ans plus tôt – cellule que l’on peut contacter à tout moment – et un protocole « Face aux situations d’abus sexuels – Prévention et action » avait été publié pour la France. En Belgique et au Luxembourg, un point de contact a été établi et un protocole intitulé « Politique de traitement et de prévention des abus sexuels » a été mis en œuvre par les jésuites en mars 2016.

Depuis, la question des abus n’a cessé d’occuper l’actualité. La recherche légitime de la vérité a dévoilé au grand jour la profondeur du fléau, et ce sur tous les continents. Le 20 août dernier, le pape a envoyé une « lettre au Peuple de Dieu » demandant à tous les chrétiens leur contribution pour éradiquer ce mal. Dans un tel contexte, et sans attendre la révision du protocole annoncée pour 2021, nous sommes invités à répondre à ces questions légitimes : qu’est-ce qui a été fait dans notre Province ? Que reste-t-il à faire ?

Comme promis, des formations ont été mises en place. Ainsi les jésuites étudiant à Paris, qu’ils soient de la Province ou provenant de cultures et lieux différents, ont suivi en 2017 deux jours de sensibilisation à toutes ces questions. La même année, une autre journée de formation a eu lieu en trois villes différentes (Lyon, Paris, Bruxelles) : elle s’adressait à tous les jésuites quels que soient leur âge et leur apostolat. Le P. Benoît Malvaux sj, Procureur de la Compagnie en charge des questions d’abus auprès du Père Général, était un des principaux intervenants. Cette formation a permis à la plupart des compagnons de l’actuelle Province d’EOF de progresser en matière de prévention, d’attitudes à avoir et de mesurer la gravité des conséquences de tels actes. L’aide de psychanalystes et de juristes a été précieuse pendant ces jours.

Lors de l’assemblée générale de l’Association Ignace de Loyola Education en 2016, une information a été faite aux responsables de nos établissements scolaires en France pour les inviter à prendre connaissance du Protocole, à le diffuser et à adapter les règlements intérieurs pour une prévention plus efficace et pour faciliter la parole des élèves.

Nos lieux de réflexion intellectuelle n’ont pas été en reste : le 2 octobre 2018 se tenait au Centre Sèvres une conférence des mardis d’éthique sur le thème « Église, du scandale à la réforme ». La revue Études a publié plusieurs articles de fond sur le sujet. On peut citer parmi les derniers : « Prévenir la pédophilie » (juin 2017), « Chili – une Église en crise » (septembre 2018).

Pendant toute cette période, le Provincial a choisi de répondre aux sollicitations de la presse écrite ou télévisée pour reconnaître des manquements du passé, expliquer les mesures prises et réaffirmer notre volonté de lutter contre ces abus.

Est-ce à dire que nous faisons bien et assez ?

Certes non. Certains nous reprochent de ne pas être suffisamment proactifs pour mener des enquêtes, aller au-devant des anciennes victimes pour les aider à témoigner. Les contacts pris avec des associations de victimes nous ont invités à la fois à rendre visibles les lieux d’écoute pour en faciliter l’accès, mais aussi à une prudence concernant la prise de contact directe avec les victimes, laquelle pourrait être perçue comme intrusive. Mais les choses évoluent avec notamment, En France, la mise en place d’une commission indépendante pour faire la lumière sur les abus sexuels sur mineurs dans l’Église catholique depuis 1950, pour comprendre les raisons qui ont favorisé la manière dont ont été traitées ces affaires et pour faire des préconisations.

Depuis la création de la nouvelle Province, il nous faut aussi davantage coordonner nos manières de faire, sachant que les réalités politiques et l’histoire récente sur cette question restent spécifiques à chacun de nos pays. Enfin, reconnaissons-le, la tâche est énorme et toujours à refaire : informer, sensibiliser, éduquer à des attitudes justes de respect, faire circuler la parole. Des questions de fond liées à ces abus sont aussi à traiter, comme par exemple le cléricalisme dénoncé par le pape.

Il s’agit donc de ne pas baisser la garde et de renforcer notre vigilance. Il en va de la crédibilité du message de l’Église. Suivant la recommandation du pape relayée par notre Père Général et notre Provincial, n’hésitons pas à nous engager dans la prière et le jeûne pour demander à Dieu son aide dans ce combat !

Publication : 15 décembre 2018

Pour aller plus loin

Deux équipes aident le Provincial pour l’accueil et l’écoute des victimes : l’une reçoit les plaintes et les témoignages venant de France (mais aussi de Grèce et Maurice), l’autre ceux qui viennent de Belgique et du Luxembourg. Dans les deux équipes on retrouve un jésuite, des psychologues et des juristes.

> En savoir + sur l’accueil et l’écoute des victimes

> Contact : victime-abus.accueil[at]esuites.com