Rencontre avec le P. Arnaud de Rolland sj, ancien Socius et ancien directeur de Manrèse. Ce centre spirituel jésuite, situé à Clamart (92) en Île-de-France, propose des retraites ignatiennes dans un cadre paisible en bordure de forêt.

Pouvez-vous nous présenter le Centre Manrèse ?

Le Centre a été fondé en 1876 à la demande de l’archevêque de Paris comme un lieu de retraite pour les prêtres du diocèse. Rapidement, il s’est élargi à d’autres publics. Aujourd’hui, notre communauté de sept jésuites – et la centaine de personnes qui lui vient en aide – accueille environ 3 500 personnes chaque année. Ses activités s’articulent autour de trois axes :  les exercices spirituels, proposés sous diverses formes ; la formation d’accompagnateurs spirituels ; et des activités pour couples, avant et après le mariage.

Que faut-il entendre par « retraite ignatienne » ?

La retraite ignatienne est avant tout une démarche personnelle, effectuée dans le silence et la solitude, avec un accompagnement individuel. Parfois ceci se vit à l’intérieur d’un groupe. Elle se caractérise par une mise en œuvre d’«exercices» proposés par saint Ignace de Loyola.

La manière de faire est simple : recevoir un exercice, par exemple prier à partir d’un texte de l’Écri­ture, le mettre en œuvre puis prêter attention à l’effet produit en soi – c’est la relecture – et en parler à son accompagnateur, qui adaptera l’exercice suivant en conséquence. L’accent est mis ainsi sur une expérience à vivre –   « trouver par soi-même » nous dit saint Ignace -, plutôt que sur un enseignement à recevoir. Pour le fondateur des Jésuites, en effet,  « ce n’est pas d’en savoir beaucoup qui rassasie et satisfait l’âme, mais de sentir et de goûter les choses intérieurement ».

Notre Dame de Monserrat à l'entrée du centre spirituel de Manrèse à Clamart

Notre Dame de Monserrat à l’entrée du centre spirituel de Manrèse

Le dialogue avec l’accompagna­teur est particulièrement impor­tant : il y a un rapport entre notre manière de parler à Dieu et notre manière de parler en vérité à quelqu’un.

Les exercices spirituels sont à la fois une école de prière et une aide à la décision, au discerne­ment. En effet, faire l’expérience de Dieu dans la prière dégage ma liberté de ce qui l’entrave et m’invite à l’engager.

Une retraite ignatienne est-elle toujours une retraite de discernement ?

Si vous parlez de retraite pour un choix de vie ou une décision importante, pas nécessairement. Ce peut être simplement pour le retraitant l’occasion d’apprendre à prier plus personnellement, sans question particulière à résoudre. La retraite ignatienne est ouverte à tous les âges et toutes les situations de vie : célibataires, mariés, divor­cés, religieux, laïcs en mission ecclé­siale, personnes en recherche… Elle propose un cadre structuré qui permet au retraitant de faire l’expé­rience d’une rencontre réelle de Dieu et de se disposer à recevoir la Grâce. À partir de là et à travers des combats spirituels et des grâces reçues, libéré de ses entraves par le Christ, le retraitant peut poser des décisions libres.

Quels conseils donneriez-vous pour choisir une retraite adaptée à son itinéraire ?

Le premier élément de choix d’une retraite est le désir profond de la personne. Pour faire les exercices, il faut en avoir un grand désir, car la méthode proposée par Ignace comporte des exigences, non pas d’ordre intellectuel (les exercices ne sont en aucun cas réservés à une « élite »), mais en terme d’efforts à fournir. Sans une véritable envie de prendre les moyens d’avancer et de grandir, la retraite ne donnera pas grand-chose. « Demandez et vous recevrez ; cherchez et vous trouverez » nous dit le Christ.

Autres critères de choix : l’état intérieur de la personne, son état psychologique actuel, les expé­riences qu’elle a déjà acquises. Une personne qui n’a jamais fait de retraite ne commencera pas par une retraite de trente jours ! Pour une première expérience, par exemple pour apprendre à structurer sa prière, une retraite d’initiation de cinq jours semble raisonnable et cela, avec le double soutien de l’accompagnement individuel et d’un groupe, car le silence et la solitude peuvent être austères pour un début.

Quels fruits peut-on attendre d’une retraite ?

Les résultats d’une retraite s’apprécient au regard du désir initial et sont toujours propres à la personne du retraitant. Il me vient à l’esprit l’exemple très particulier d’une femme qui, après un véritable combat spirituel au cours de sa retraite, avait pris la décision d’acheter une carte d’abonnement à la piscine : elle avait en effet découvert au cours de sa retraite qu’elle entretenait des rapports difficiles avec son corps et qu’il y avait là pour elle un enjeu important. Choisir d’accueillir la vie que Dieu lui donnait passait par une attention très concrète à son propre corps.

Le fruit principal que l’on peut en espérer est une plus grande liberté intérieure, en relation avec le Christ. Ensuite, ce peut être la réponse à la question avec laquelle la personne était venue, par exemple la confirmation d’un appel entendu, une décision librement prise de s’engager dans un état de vie, une profession, etc. D’autres retraitants font la découverte fonda­trice que Dieu est quelqu’un pour eux et qu’ils peuvent lui parler en liberté, qu’il les remet debout.

D’autres acquièrent une connaissance plus fine de la manière dont l’esprit de Dieu les conduit dans leur vie courante et/ou de la façon dont le tentateur les attaque ou les piège. C’est une véritable occasion de progression spirituelle.

A quelles conditions une retraite ignatienne porte-t-elle des fruits ?

D’un point de vue pratique, il est important d’arriver reposé sur le lieu de la retraite. On prie mal avec un corps fatigué. Ensuite, il faut choisir de vraiment se mettre à l’écart pour se rendre totalement disponible couper son téléphone, ne pas appor­ter son courrier en retard et les livres qu’on n’a pas eu le temps de lire..

Un dernier point que vous voulez ajouter ?

Oui, il peut être bon de rappeler que l’accompagnateur propose des exercices en suivant les mouvements spirituels qui habitent le retraitant, sans schéma préétabli, même si le livret des Exercices donne à l’accompagnateur des repères. Il s’agit avant tout d’une expérience personnelle de Dieu par le retrai­tant, d’un dialogue « de la créature avec son Créateur » que l’accompa­gnateur a pour mission de favoriser.

Interview par Eric Madre, extrait de la revue Vocations ,N°181 de janvier 2012, Ile-de-France, p. 16-17

> Pour en savoir plus : 
Site du Centre spirituel de Manrèse