Le Centre Laennec Paris a fêté ses 150 ans

Le Centre Laennec Paris a fêté ses 150 ans le 27 septembre : une journée riche en commémoration, échanges et retrouvailles, à l’image de cette maison qui accompagne depuis un siècle et demi les médecins de demain, dans leur formation intellectuelle, humaine et spirituelle. 

Samedi 27 septembre, le Centre Laennec Paris a fêté son 150ème anniversaire en présence de médecins anciens étudiants, d’étudiants d’aujourd’hui, de parents et d’amis pour partager ce qui fait l’esprit du Centre Laennec. Cet anniversaire a été l’occasion de regrouper des générations d’anciens et d’étudiants qui ont contribué, et contribuent encore, au « progrès de l’art de guérir ».

Chacun a été invité à visiter l’ensemble du bâtiment, des salles de travail à la bibliothèque – en passant par l’amphithéâtre Vauplane et la terrasse surplombant la Tour Eiffel. Différents forums ont permis de se renseigner et d’échanger, sur les fondamentaux d’un centre Laennec avec Pierre de Vial sj, sur les enjeux et innovations en médecine, sur la médecine militaire, ou encore sur la solidarité internationale et les voyages humanitaires.

C’est ensuite au théâtre de Franklin que le Professeur Jean-Noël Fiessinger, Président de l’Académie Nationale de Médecine et ancien du Centre Laennec a donné une conférence sur le thème « Eléments de l’histoire du Centre ». Elle a été suivie des interventions du P. Benoît Coppeaux sj, directeur du Centre Laennec Paris, du Pr Romain Kania, président du centre Laennec et du Dr Amaury Salavert, président des amis de Laennec.

« Etre médecin c’est maîtriser des savoir-faire mais c’est surtout apprendre à écouter, à comprendre chaque personne dans sa vulnérabilité. (…) Devenir médecin c’est devenir pleinement humain. »

P. Benoît Coppeaux sj

« Vous qui êtes en quête de sens, la médecine va vous combler, esprit, mains, cœur. N’oubliez pas que ce que vous allez vivre n’est pas donné à tout le monde ! »

Pr Romain Kania

 » Ecouter un cœur qui bat c’est prêter attention à la personne qu’on soigne. »

Dr Amaury Salavert

Intelligence, foi, discernement : ce qui accompagne les jésuites en mission est aussi ce qui doit guider le médecin dans sa pratique.

Une messe, célébrée par Mgr Laurent Ulrich, Archevêque de Paris, a ainsi rassemblé tout le monde dans la chapelle du lycée Saint Louis de Gonzague.

Puis le P. Thierry Dobbelstein sj, Provincial des jésuites d’Europe occidentale francophone, a accueilli les participants au buffet dînatoire, rappelant les piliers de la formation jésuite et ouvrant les centres Laennec vers les nouveaux défis de notre temps, tout en restant fidèles à leurs valeurs de respect, écoute, générosité, service.

L’émotion et la joie de se retrouver étaient palpables dans la soirée. Partager ses souvenirs, se donner des nouvelles, s’appuyer sur un réseau bienveillant et compétent, se retrouver dans les valeurs communes d’éthique et de bonnes pratiques médicales…  Comme le résume si bien une ancienne de Laennec, « du temps du P. Deverre » :

« J’étais vraiment heureuse de retrouver mes camarades, d’échanger sur nos parcours de vie familiaux et professionnels. L’esprit de Laennec était là : amitié, soutien, persévérance,  foi et ouverture. »

Intervention du P. Thierry Dobbelstein sj, provincial des jésuites d’Europe Occidentale Francophone

« Aujourd’hui j’aurais pu être en Belgique pour la rencontre annuelle de la Famille ignatienne. J’aurais pu être à Lille pour les derniers vœux d’un compagnon jésuite. Et pourtant j’ai trouvé important d’être parmi vous et je me réjouis d’être là. Ce n’est pas tous les jours qu’on fête un 150ème anniversaire. Plutôt que de souligner le nombre d’année, je souhaite mettre en évidence certains aspects du « projet Laennec ».

Vous savez que j’ai un goût prononcé pour l’éducation et la formation. La Compagnie de Jésus a confirmé cet aspect séculaire de sa tradition, par la publication de quatre préférences apostoliques universelles. La troisième de ces quatre préférences est ainsi formulée : « Accompagner les jeunes dans la création d’un avenir porteur d’espérance ». Le projet pédagogique des jésuites est donc confirmé comme prioritaire. Chez nos jeunes, nous souhaitons promouvoir l’excellence humaine. Cette excellence humaine se décline en 4 C : compétence, compassion, conscience et enfin engagement (le « C » convient aux anglophones, puisque engagement se dit « commitment »).

Si vous le permettez je vais m’attarder à chacun de ces « C ».

La compétence. On peut se réjouir de la qualité du monde médical en France et donc aussi de la qualité de la formation qui est donnée aux futurs soignants. Les fondateurs du Centre Laennec ont souhaité que ses membres soient des hommes (à l’époque pas encore des femmes, cela allait venir plus tard) catholiques de valeur et à la fois des médecins de grande qualité. Je soulignerais que l’un ne va pas sans l’autre. Ce n’est pas parce que je suis chrétien que je puis être médecin de moindre qualité. Sinon ma vie serait un contre-témoignage. Comme étudiant, ma foi me pousse à aller au bout de mes études, à y investir tout ce que je peux. Une fois diplômé ma foi me pousser à aller au bout de ma pratique de soins et de recherche. C’est ce qui est vécu depuis 150 ans par les anciens de Laennec ; car c’est au cœur de notre foi : foi en un Dieu créateur et foi centrée sur le mystère de l’incarnation : toute vie humaine est sacrée et la vie terrestre n’est pas étanche au projet de Dieu.

Le second « C » est tout aussi connaturel à la profession du médecin : la compassion. On aurait des difficultés à imaginer que des jeunes choisissent de se lancer une formation médicale ô combien exigeante, sans être mû par un degré suffisant de compassion : être touché par autrui, par sa souffrance comme si c’était la mienne, mais aussi par la joie et le soulagement que provoque sa guérison. Je souligne combien la solidarité est inscrite dans le projet pédagogique du Centre Laennec. Ce n’est pas seul qu’on réussit ses examens et ses concours ; on travaille ensemble ! « Ta réussite est aussi la mienne. » « Ce que je reçois, il est normal que je le donne à mon tour. » Le travail en groupe, le soin des aînés pour les plus jeunes, c’est prodigieusement efficace pour réussir – pour acquérir des compétences – c’est aussi une école de compassion. Mes réflexes égocentriques voire égoïstes – dont personne n’est jamais complètement immunisé, même dans une profession qui est altruiste de nature – ces réflexes sont contrecarrés.

Le troisième « C » est celui de la conscience. Elle est indispensable notre capacité à distinguer le bien du mal ou (parce que les situations concrètes sont rarement aussi tranchées) de discerner le mieux pour le distinguer du pire : sans cette capacité les spécialistes sont dangereux, d’autant plus dangereux qu’ils sont spécialistes. Plus grandes sont nos connaissances, plus étendus sont nos pouvoirs, plus éclairée doit être notre conscience. C’est donc essentiel qu’on continue à organiser des conférences qui abordent les questionnements éthiques. Conférences, mais aussi accompagnements. Il me semble indispensable que, dans la formation des médecins, il y ait des groupes de parole, où on permet aux étudiants de relire leurs expériences. Quand je suis confronté pour la première fois à la mort, aux questions de vie et de mort ; quand, moins dramatiquement, je suis placé pour la première fois face au corps dénudé d’autrui, que je dois le toucher ; ai-je l’occasion de parler de ce que cela me fait, de ce que cela produit en moi ? Hélas le monde universitaire ne réserve pas toujours suffisamment d’espace pour les questions fondamentales, mais aussi pour les répercussions existentielles sur les étudiants. Laennec doit être lieu de parole, lieu d’écoute, lieu d’accompagnement ; Laennec doit ainsi compléter ce qu’offre le monde universitaire.

J’en arrive au dernier « C » : celui de l’engagement. La communauté des soignants – médecins, infirmiers et infirmières, aide-soignant – est une communauté avec laquelle nous sommes, comme jésuites, en consonnance. Un soignant vit son engagement professionnel comme une réponse à un appel. C’est une vocation. Certes on choisit une telle carrière, on décide de se lancer dans une telle formation, longue et exigeante ; mais cette décision ou ce choix répond à un appel qu’on sent en soi. Appel, choix et décisions qui supposeront beaucoup de sacrifices. Mais pour lesquels on pressent qu’on recevra beaucoup en retour, peut-être au centuple. Vous pressentez tous les croisements entre consécration religieuse et engagement dans le monde médical. Ce n’est donc pas un hasard si des jeunes catholiques qui commençaient leurs études de médecine ont croisé le chemin de jésuites il y a 150 ans. Ils étaient faits pour se rencontrer et se faire mutuellement confiance. Parce qu’on sait qu’on ne réussit sa vie qu’en s’engageant, qu’en se donnant… et pas à temps partiel, ni du bout des doigts. »

Comment vivez-vous personnellement cette mission ?

Ce que j’aime dans cette mission c’est d’accompagner des jeunes qui ont un projet exigeant, qui les sort d’eux-mêmes, pour le service des autres. Il y a quelque chose de contemplatif de les voir arriver, grands adolescents, et de les quitter adultes responsables, capables de prendre soin des gens pour le bien du patient.

C’est une mission très complète avec plusieurs dimensions : accompagnement, pastorale, réflexion. Cela me permet de me mettre au service; je trouve ce service très formateur et riche.

Que peuvent apporter les jésuites de spécifique à la formation des futurs médecins ?

Au Centre Laennec, nous ajoutons une réflexion éthique et une pastorale à la formation intellectuelle. Nous souhaitons aussi que les étudiants fassent l’expérience du collectif, comme force et exigence. Dans une époque qui valorise plutôt l’individualisme et dans le contexte compétitif du concours, nous insistons sur le fait qu’aider les autres, ne pas se comparer, c’est bon pour eux. Ce qui est primordial c’est de croire en soi, en son projet,; c’est d’avoir le réel désir d’être médecin.

Que vous inspire la figure de Laennec ?

Ce grand médecin du 19ème siècle était particulièrement à l’écoute de son temps et de ses patients. Grand musicien, il a fait preuve d’audace en inventant le stéthoscope. Un vrai défi à l’époque, et qui force mon admiration.

Crédit photos @Valentin Duriez

Témoignages

 » J’ai vécu cette mission avec beaucoup d’engagement, avec passion. J’ai aimé le rapport avec les étudiants, le rôle de conseiller spirituel; et cela m’a ouvert aux questions fondamentales que commençait à se poser la médecine : soins palliatifs, greffes d’organes, notion de consentement, relation médecin/malade…« 

P. Patrick Verspieren, sj, directeur du Centre Laennec Paris de 1973 à 1982

 » Je ressens beaucoup de joie et d’émotion à revoir tous ces anciens de Laennec, parce que la vie fait son chemin. La chance du Centre Laennec, c’est qu’on se connaît très bien. Cette mission est très belle car on accompagne des gens qui vont être au service des autres. En 1983 j’avais fait un stage à l’hôpital auprès des personnes handicapées moteur et mentales, et j’ai découvert à cette occasion la souffrance des soignants, dont on ne parlait pas beaucoup à l’époque. J’ai accompagné les étudiants pour qu’ils arrivent à prendre suffisamment de distance intérieure.« 

P. Jean-Claude Deverre sj, directeur du Centre Laennec Paris de 1993 à 2006

« Le Centre Laennec, cela a été ma première mission. Ce qui m’a frappé c’est la joie des étudiants de vivre ensemble l’aventure, difficile, des études médicales. Quand on est seul, c’est le parcours du combattant; c’est difficile sur le plan intellectuel et humain – il y a beaucoup de violence dans les hôpitaux (maladies, soins, conditions de travail, mort). Même si pendant leurs études ils sont toujours sous pression, au Centre Laennec ils le vivent  dans la joie, avec des copains et dans un lieu. C’est très rare et unique. « 

P. Olivier Paramelle sj, directeur du Centre Laennec Paris de 2015 à 2023

« Ce que je retiens du Centre Laennec, c’est la fraternité. Cela m’a confortée dans ma vocation, et dans l’idée de mettre le patient au centre de la décision. »

Stella de Rohan, médecin généraliste

« Le Centre Laennec nous a permis de faire un pas de côté par rapport au parcours de santé par une ouverture à l’éthique médicale, avec le sens de la décision médicale, par l’apprentissage du travail en équipe, et par des activités d’ouverture (théâtre, stages à l’étranger). »

Alexis Burnod, chef du service de soins palliatifs à l’Institut Curie

Article publié le 30 septembre 2025

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