À travers la musique, vivre une véritable expérience spirituelle. Cette conviction, Quentin Coppieters sj, scolastique et musicien, n’est pas le seul à la partager. Aux côtés de religieuses et de jésuites, de plus en plus de laïcs ignatiens s’investissent dans la musique et en tirent du profit spirituel.

Des amis jésuites et laïcs réunis pour partager leur passion de la musique.

Été 2018. Des jeunes de 18 à 35 ans vivent un expériment (atelier ignatien) organisé conjointement par le réseau Magis et les religieuses du Sacré-Cœur, dans le cadre d’un pèlerinage international. L’objectif de l’atelier est de vivre ensemble une expérience musicale et d’en tirer du fruit spirituel. La démarche s’ancre dans le respect de la personnalité de chacun et dans l’écoute mutuelle des goûts musicaux. Vient ensuite la création du « nouveau », dans l’interprétation à plusieurs ou dans le travail de composition. Chacun est encouragé à partager ses créations, chants et autres musiques de tous horizons. Un climat de bienveillance permet à chacun d’approfondir l’expression de sa musique intérieure.

La musique, analogie de la vie spirituelle

Avec Marie-Odile Pontier, auxiliatrice, co-animatrice de l’atelier, nous avons voulu que la démarche ne soit pas seulement musicale mais aussi spirituelle. C’était d’ailleurs le fil rouge de notre atelier : la pratique de la musique comme analogie de la vie spirituelle. La lecture d’un ouvrage de notre compagnon Philippe Charru sj (Quand le lointain se fait proche. La musique, une voie spirituelle) était à cet égard très précieuse. Je pense ne pas avoir trahi la pensée de Philippe en invitant les participants – en musique comme dans leur vie spirituelle – à se mettre debout, à consentir à bouger, à cultiver un espace intérieur de silence, de paroles et de gestes et à écouter leur rythme. En bout de parcours, nous avons été très heureux de donner de nous-mêmes en musique. En plus du plaisir de jouer ensemble, un grand esprit de fraternité a pris corps au sein de l’atelier. Cette paix et cette joie ont débordé dans l’offre de musiques profanes aux enfants du Mouvement Eucharistique des Jeunes (MEJ), présents sur place, et de musiques liturgiques aux jeunes adultes des autres ateliers et du pèlerinage.

Écouter ma petite musique intérieure

Été 2018 – Des jeunes du MEJ participent à l’atelier musique animé par Quentin Coppieters sj

Si, en apparence, nous avons surtout fait beaucoup de musique ensemble (de 3 à 8 heures par jour), nous avons aussi vécu une « balade » spirituelle. Les participants l’ont reconnu sans peine, en particulier grâce à l’exercice régulier de relecture ignatienne (un retour réflexif sur ce qui été vécu, à la lumière de l’Évangile). Patricia témoigne : « J’ai pris le temps d’écouter ma petite musique intérieure et, grâce à la musique, j’ai tissé une complicité avec les autres. Chacun a sa voix à apporter et c’est beau. Dieu est là. Cela m’a donné envie de veiller à un équilibre corporel et d’avoir une activité artistique régulière, en lien avec la musique. »

La musique, un champ apostolique

Plus personnellement, cet expériment estival était une belle manière de mettre en œuvre la mission reçue du Père Provincial pour ma régence (temps de stage sur le terrain). Je suis en effet envoyé en pastorale des jeunes adultes et en musique. J’apprécie que la musique soit ainsi reconnue comme champ apostolique à part entière, et pas seulement comme un « à côté » qu’on peut faire « quand on a le temps ». Car le temps on ne l’a pas… à moins de le prendre à autre chose.

Je me réjouis de voir d’autres ignatiens s’investir dans des compétences musicales au service de l’Évangile. Je pense par exemple à Benoît Ferré sj, qui a relevé le défi de mettre sur une nouvelle musique le texte Pour que l’homme soit un fils de feu notre compagnon Didier Rimaud sj, dont la qualité des textes est reconnue à travers les générations. Nous avons chanté cette composition lors des ordinations sacerdotales de février 2018, à Paris. Cet exemple me tient particulièrement à cœur car, si Benoît en est bien l’auteur, la création musicale a été collaborative, entre amis ignatiens. Un groupe d’amis jésuites et laïcs s’était en effet réuni en Auvergne, pendant une belle semaine de l’été 2017. Nous y avions appris à partager, dans un climat de bienveillance, nos ébauches de créations. Présenter son œuvre à d’autres nécessite de la confiance car « on met ses tripes sur la table » dans ce partage. La démarche requiert du tact de la part de celui qui offre une réaction. Une perspective aidante fut : « Que dire pour aider l’auteur à aller mieux et plus loin dans ce qu’il a commencé ? » Un climat d’écoute a grandi entre nous ; nous en sommes sortis plus joyeusement frères.

Cette expérience est pour moi fondatrice. J’estime qu’elle a encouragé nos esprits créateurs et, par exemple, fondé ma manière d’offrir l’atelier de cet été 2018. Pratiquant le chant depuis plus de vingt ans, je continue donc à me former à la composition musicale à Namur et à l’animation chorale et de musique liturgique. Est-ce une manière de vivre ma promesse scoute : « Même dans les difficultés, chanter » ? Philippe Charru sj cite un cantique de Johan Franck : « Je me tiens debout et je chante. »

Quentin Coppieters ‘t Wallant sj
Scolastique, aumônier à l’Université de Namur
Source : Échos jésuites • no 2018-4, p.36-37

La musique et les jésuites : pour aller plus loin

> Diony’s Voice, Choeur gospel fondé à Saint-Denis par Louis Lorieux sj.

> L’oeuvre du Chilien Cristóbal Fones sj