Qui, mieux que son ancien recteur, pourrait nous présenter la réalité et les projets de l’Université grégorienne ?

L’Université Pontificale Grégorienne est l’héritière du Collège Romain fondé en 1551 par Ignace de Loyola pour la formation intellectuelle de jeunes – jésuites et non-jésuites – destinés à annoncer le Christ et à servir l’Église en divers lieux du monde. Rappelons-nous que cette époque était à la fois celle de la Contre-Réforme catholique et de l’expansion missionnaire. Appelé Universitas Nationum peu après sa création, le Collège Romain a été d’emblée très international : c’est alors un lieu d’expérimentation et de réflexion pédagogiques en lien avec les collèges que crée la jeune Compagnie de Jésus à travers le monde. Il offre une formation intellectuelle large, qui comprend certes la philosophie et la théologie, mais aussi les mathématiques, la physique et l’astronomie. À Rome, ville où se vit de manière forte l’universalité de l’Église, la Grégorienne doit être aujourd’hui en quelque sorte « le Collège Romain du troisième millénaire », fidèle à son histoire et à sa tradition, mais aussi ouverte aux réalités et exigences actuelles pour répondre aux besoins de l’Église et du monde.

La Grégorienne aujourd’hui

C’est une université qui possède six Facultés – philosophie, théologie, droit canon, missiologie, histoire et biens culturels de l’Église, sciences sociales – deux Instituts – l’Institut de spiritualité et l’Institut de psychologie – et cinq Centres interdisciplinaires :
• Le Centre pour la formation de formateurs de séminaristes, prêtres, religieux et religieuses.
• le Centre « Cardinal Bea » pour les relations entre juifs et chrétiens.
• Le Centre « Foi et Culture Alberto Hurtado » pour la formation de jeunes de moins de 35 ans à l’éthique sociopolitique et à l’intelligence de la foi.
• Le Centre pour la protection des enfants (centre « on line » pour l’information et la formation sur les questions soulevées notamment par les abus sexuels sur mineurs).
• Le Centre de spiritualité ignatienne qui propose une formation à la tradition et à la spiritualité ignatiennes.

Environ 370 personnes enseignent à la Grégorienne, mais l’on peut considérer qu’un tiers seulement de ces enseignants constitue le « corps professoral » de base de l’université, dans la mesure où ils sont pleinement intégrés (ou en voie d’intégration) aux différents corps facultaires. Ce corps professoral, très international, comporte une majorité de jésuites – cela est requis statutairement par le Saint Siège, la Grégorienne étant confiée à la Compagnie – mais aussi des prêtres, des religieux, des religieuses et des laïcs. Les étudiants sont environ 2 600 ; nous en accueillons chaque année environ 600 nouveaux. Ils viennent de plus de 120 pays différents : 25 à 26 % d’entre eux sont italiens, 24 % viennent d’autres pays européens, environ 19 % d’Amérique latine et d’Amérique centrale, 13 % d’Asie, 11 % d’Afrique et 6 à 7 % d’Amérique du Nord. La plupart sont envoyés par leurs évêques, leurs supérieurs majeurs ou d’autres responsables ecclésiaux ; plus de 80 % sont séminaristes, prêtres, religieux et religieuses, chiffre qui dit notre responsabilité par rapport au présent et à l’avenir de l’Église, tant à son niveau universel que dans ses diverses réalités particulières : une telle responsabilité est à la mesure de la confiance faite, certes à la Grégorienne, mais d’abord à la Compagnie de Jésus.

Quelques chiffres repères

• La deuxième langue pratiquée après l’italien est l’espagnol. 5 à 6 % de francophones.
• 14 % des étudiants sont des femmes et 18 % sont des laïcs.
• La moitié du budget vient de dons, mobilisés à travers des fondations et des bienfaiteurs, notamment allemands, américains et anglais.

« Je ne veux pas que la Grégorienne soit un séminaire universitaire mais une véritable université. Un lieu ouvert, une terre nouvelle. Le cœur du monde doit y battre, on doit y réfléchir à l’avenir. Le monde change par la force des idées. »

On parle parfois de la Grégorienne comme d’une université pour futurs évêques. Il est vrai que 20 % environ des évêques ont effectué une partie de leur formation à la Grégorienne, qui est donc leur Alma Mater ; mais il importe de considérer que nous avons une majorité d’étudiants qui sont de grande qualité à tous égards, et qu’il n’est pas étonnant que certains d’entre eux soient appelés à servir l’Église et les hommes dans des responsabilités qui requièrent le meilleur d’eux-mêmes. Notre désir le plus ardent est vraiment de former des serviteurs de l’Évangile et de l’Église, quels que soient les lieux où ils seront envoyés et les charges qui leur seront confiées.

Quelques traits marquants

Façade_GrégorienneJe souhaite souligner quelques aspects marquants de notre université. C’est d’abord la plus ancienne université pontificale de Rome ; sa longue et prestigieuse tradition intellectuelle l’oblige à avoir un fort souci de la qualité de l’enseignement et de la formation des étudiants. Il faut ensuite souligner que cette université est confiée à la Compagnie de Jésus : sans parler de l’empreinte forte qu’ont laissée certains jésuites, il faut reconnaître que la Grégorienne est profondément marquée par ce qu’est la Compagnie, par ce qu’elle comprend comme sa mission, par sa tradition spirituelle et sa manière de procéder dans le champ pédagogique, par la constante recherche de la qualité dans le travail intellectuel. Ajoutons que l’existence de l’Institut Biblique et de l’Institut oriental nous donne la possibilité de développer et de renforcer des liens qui nous permettent déjà et nous permettront sans doute davantage encore dans l’avenir de mieux servir l’Église ensemble : pour ne prendre qu’un exemple, nos trois bibliothèques, qui rassemblent environ 1 600 000 volumes, constituent un outil de travail inégalé pour beaucoup de chercheurs du monde entier. En outre, le caractère extrêmement international tant des étudiants que du corps professoral permet aux uns et aux autres une forte ouverture au plus universel. Il y a peu d’autres « lieux » universitaires qui permettent à cette échelle et de cette manière une telle expérience de la «catholicité » de l’Église. Dois-je encore mentionner l’importance du troisième cycle à la Grégorienne ? Pendant l’année universitaire 2011-12, 109 thèses de doctorat ont été défendues – dont 47 en théologie… Qui ne voit combien cela peut constituer une forte incitation au travail de recherche ?

Être le « Collège Romain du troisième millénaire »

Le plus important est d’avoir une certaine « vision » de l’avenir, car c’est en fonction de cette « vision » que des projets peuvent être pensés, conçus et réalisés. Je crois qu’il importe de vivre toutes les exigences qui sont celles d’une université ordinaire – notamment en développant les relations avec d’autres universités ou institutions – mais en tenant compte de ce qui nous différencie à cause de notre mission propre et des étudiants qui sont les nôtres. Notre désir d’être le « Collège Romain du troisième millénaire » inspire beaucoup des réformes actuelles, des initiatives prises (formation pédagogique, travail interdisciplinaire) et des chantiers qu’on ne peut ouvrir que l’un après l’autre. En outre, la formation de nos étudiants nous demande d’avoir une conscience aiguë des défis que rencontrent et rencontreront ceux qui désirent porter l’Évangile du Christ aux hommes d’aujourd’hui…et donc d’avoir la capacité d’évaluer constamment ce que nous faisons et comment nous l’accomplissons. Cette exigence peut sembler évidente, mais elle n’est pas simple. Il m’apparaît enfin que beaucoup d’enjeux dans l’Église et dans nos sociétés sont d’ordre intellectuel et requièrent que la Grégorienne apporte sa propre contribution.

Besoins et attentes des étudiants

FX_DumortierJ’ai beaucoup d’estime et d’admiration pour les étudiants que je vois, rencontre et connais…Ils portent les questions et les préoccupations qui sont celles de leur génération qui, au moins dans un certain nombre de pays, est née et a grandi dans un contexte de laïcisation, de non évidence de Dieu, voire de marginalisation du fait religieux et des croyants eux-mêmes. Dans d’autres pays, les réalités sont différentes, mais conduisent souvent aux mêmes attentes : une exigence forte quant à la rigueur et à la vigueur de la réflexion proposée dans les diverses disciplines, le souci d’une formation qui fasse pleinement droit à la dimension spirituelle, le besoin de connaître profondément ce qu’enseigne l’Église, le désir d’une formation qui leur permette de se structurer intellectuellement et spirituellement pour aller vers l’avenir avec courage, confiance et audace.

P. François Xavier Dumortier, sj Ancien Provincial de France
et Ancien Président du Centre Sèvres

> En savoir + : site de l’Université Pontificale Grégorienne