[En dialogue] Soin et spiritualité, de l’un vers l’autre
Quel lien existe-t-il entre spiritualité et soins ? Les Exercices spirituels participent-ils d’une démarche de soin ? Le P. Clément Nguyen sj, médecin et directeur du Centre spirituel Manrèse, et le P. Gaël de La Croix-Vaubois, aumônier d’hôpital actuellement en formation d’aide-soignant, éclairent ces questions.
Quel lien faites-vous entre la spiritualité et l’expérience du soin ?
Le parallèle réside dans la capacité et la disposition à aider l’autre. Saint Ignace aimait beaucoup cette expression d’« aider les âmes », et je vois un parallèle avec le rôle du soignant qui est là pour soutenir la personne qui, seule, ne parvient pas à s’en sortir. Parce que si la santé, c’est la capacité à disposer de soi-même, la spiritualité, c’est être en mesure d’orienter pleinement et librement sa vie.
En soins palliatifs, on prend conscience que soigner les corps n’est pas suffisant. Prendre soin des personnes, c’est prendre soin de tout ce qu’elles sont. Lorsque la personne se confronte à la fin de vie, lorsque son corps ne fonctionne plus, des questions spirituelles surgissent. Et ces questions, ou ce manque, génèrent des souffrances qu’il est crucial de prendre en compte dans les soins.
Clément Nguyen, jésuite, est co-directeur du Centre spirituel de Manrèse. Médecin de formation, il s’est intéressé, au cours de ses études, à la question de la spiritualité dans le soin. Il a rejoint la Compagnie de Jésus en 2002 après avoir exercé sept ans en hôpital.

Gaël de La Croix-Vaubois, jésuite et ingénieur de formation, est entré au noviciat de la Compagnie de Jésus en 1991. Directeur du Centre spirituel du Châtelard puis aumônier d’hôpital, il entreprend, en 2024, une formation au métier d’aide-soignant.

Quelle similitude existe-t-il entre le fait de prodiguer les soins et le fait d’accompagner ?
À l’époque de mon travail en soins palliatifs, j’ai rapidement pris conscience d’un enjeu majeur : celui de la réconciliation avec son corps. Pour les personnes en fin de vie, l’esprit est souvent intact, mais le corps ne suit plus, il meurt. Ce que nous faisons ici, à Manrèse, avec les Exercices spirituels est similaire. Il s’agit d’une réconciliation entre la vie selon l’esprit et la vie corporelle. C’est là que les Exercices spirituels interviennent pour aider à rétablir cet équilibre et sont, à cet égard, une véritable démarche de soin.
Il me semble qu’il y a en effet une vraie similitude entre l’introduction des Exercices spirituels et ce qu’on apprend en formation de soignant, surtout dans la relation à l’autre. Il s’agit d’être attentif à ce que l’autre vit, à ce qu’il exprime, à ses préoccupations et difficultés. Ignace précise que, si quelqu’un prend en main sa vie, il faut le laisser faire. C’est pareil en médecine : le soignant doit être attentif à la personne dans sa globalité, à ses souffrances et à ses ressources, pour l’aider à surmonter les obstacles et retrouver du bien-être, de la paix ou de l’autonomie.
Quels défis rencontre-t-on lorsque l’on tente d’intégrer la spiritualité dans les soins ?
Je pense que l’essentiel, c’est la confiance. Il faut veiller à ce qu’elle se crée entre l’aidant et la personne aidée. Pour une écoute authentique, il faut que la personne soit ouverte, mais cela demande aussi que l’aidant dépasse les attitudes formelles. Ce n’est pas simple, car, en médecine, on nous apprend souvent à garder une certaine distance. Pourtant, si on veut vraiment respecter la dimension spirituelle, il faut être ouvert, se situer soi-même et faire preuve d’humilité, en reconnaissant qu’on est aussi en chemin.
Oui, la confiance est peut-être le défi principal. Du côté des soins, on voit bien tous ces projets de loi, sur les directives anticipées, l’euthanasie, etc. Quand je ne serai plus conscient, je n’aurai plus le contrôle. Alors à qui dois-je faire confiance aujourd’hui ? Il est donc important, dans tous les domaines de l’aide, d’avoir ce souci de la confiance, car, sans confiance, la parole devient superficielle. Il n’y a alors plus de partage vrai, ce qui rend l’aide très compliquée.
Est-ce qu’on peut aller jusqu’à parler de guérison par la spiritualité ?
Lorsque quelqu’un se sent perdu dans sa vie, qu’il n’arrive plus à avancer, mais qu’il retrouve du sens grâce à la spiritualité et parvient à se remettre en marche, on peut effectivement parler d’une forme de guérison. En soins palliatifs, il y a encore des guérisons, mais elles sont très partielles, très petites. On ne peut plus guérir complètement, la personne ne retrouvera pas son état d’avant. Par contre, elle peut vivre véritablement l’expérience d’être sauvée.
Dans la foi chrétienne, il y a un sacrement qui lie vraiment soin, guérison et salut, c’est le sacrement des malades. C’est un moyen de traverser l’épreuve de la maladie et, dans la prière, on demande la guérison. Mais ce qui est visé, et c’est peut-être là qu’on touche au salut, c’est la guérison de l’âme. Guérir de la mort, c’est un peu paradoxal, mais c’est véritablement cela.
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Article publié le 24 septembre 2025