« Dilexi Te », un éclairage du texte de Léon XIV par Xavier Dijon sj

Le 4 octobre, le pape Léon XIV signait son premier texte d’ampleur : l’exhortation apostolique Dilexi Te (Je t’ai aimé), centrée sur l’amour envers les pauvres. Le Forum Saint Michel, à Bruxelles, a organisé en novembre une conférence, animée par Xavier Dijon sj, autour de la richesse de ce texte.

Entouré de Thierry Vuylsteke, membre de We Meet, Sandrine Dapsens, engagée depuis 30 ans auprès de personnes en situation de grande pauvreté et Nicolas Wéry, chargé de plaidoyer au JRS Belgium (Jesuit Refugee Service), Xavier Dijon a donné des clés pour décrypter le texte, le situer dans la tradition et dégager des enjeux pour aujourd’hui. Il nous en offre la synthèse suivante en six points.

L’Exhortation du pape Léon est la prolongation personnelle d’un texte que son prédécesseur, n’a pas pu achever. L’empreinte des deux François y est très forte : celle du pape, dont les textes sont cités 57 fois sur les 130 références que compte l’Exhortation ; et celle de François d’Assise donné comme modèle d’un renouveau ecclésial fondé sur l’amour des pauvres.
Avant le pape Léon ou le pape François, celui qui exhorte l’Eglise à aimer les pauvres n’est autre que le Christ lui-même, dont tout le ministère en Palestine montre la grande proximité à l’égard des petits et des malades, allant jusqu’à vivre la pauvreté lui-même depuis sa naissance dans une crèche jusqu’à sa mort sur la croix. De là, l’importance pour le chrétien de contempler l’amour du Christ.
Cette façon de faire du Christ, manifestée dans l’indéniable clarté de l’Evangile, révèle en fin de compte la compassion de Dieu pour l’humanité blessée et opprimée, de telle sorte que, vécue dans la foi, la rencontre du pauvre est révélation de Dieu lui-même. De là, le caractère profondément spirituel de l’agir chrétien qui se distingue de toute autre action humanitaire.
L’histoire de l’Eglise, longuement développée dans le chapitre central de l’Exhortation, depuis le diacre Etienne jusqu’à Mère Teresa de Calcutta, en passant par les pères de l’Eglise, les soignants comme Jean de Dieu ou Vincent de Paul, les monastères et les ordres mendiants, les éducateurs tels Jean-Baptiste de la Salle ou Don Bosco, appelle une suite dans les temps présents pour lutter contre les idéologies mondaines qui enferment les riches dans leur bulle.
La doctrine sociale de l’Eglise, rappelant la destination universelle des biens et la fonction sociale de la propriété privée, donne aux chrétiens des repères fondamentaux dans leurs choix politiques et sociaux. La théologie de la libération, d’origine latino-américaine, enrichit cette doctrine en parlant de l’option préférentielle pour les pauvres à l’encontre des structures de péché.
Si le travail n’est pas disponible pour permettre au pauvre de sortir de sa précarité, l’aumône garde toute sa valeur. Son bénéficiaire n’en est d’ailleurs pas seulement celui qui la reçoit, mais encore celui qui la donne car elle purifie son cœur et elle l’évangélise.

Les trois autres intervenants ont pu partager le retentissement de « Dilexi Te » sur leur engagement quotidien auprès de personnes vivant aux marges de la société. Nicolas Wéry, visiteur en centre de détention de migrants qui devront quitter le territoire pour le JRS, a souligné la justesse des constats du pape qui dénonce « une dangereuse indifférence et une obnubilation de l’individu pour ses propres besoins, signes d’une société qui tourne le dos à la souffrance ». « Cette exhortation ne vient, pour moi, pas tant plaider en faveur des migrations qu’aider chacun à se situer face à la réalité migratoire. En ce sens, le texte est limpide lorsqu’il appelle à une attention religieuse préférentielle et prioritaire pour les plus abandonnés ».