Alors qu’a été célébré le 28 octobre 2015 le cinquantenaire de Nostra Ætate du Concile Vatican II, le Rabbin Daniel Farhi rend hommage aux prêtres jésuites qui l’ont marqués : Roger Braun et Michel Riquet.

 » Il est vrai qu’un événement positif au milieu d’une actualité faite de conflits et de drames multiples, ne se « vend » pas aussi bien. L’opinion publique, forgée par certains journalistes, est demandeuse de sensations fortes, non de petites joies spirituelles.

La semaine dernière, j’ai abordé le sujet sous l’angle historique, rendant hommage à l’initiateur du concile qui se déroula de 1962 à 1965, le bon pape Jean XXIII, et rappelant les principales résolutions concernant le judaïsme votées à plus de 98% des voix des quelques 2.500 cardinaux et évêques convoqués à Rome.

Cette semaine, je voudrais évoquer la mémoire de deux hommes d’église dont l’action – avant et après le concile Vatican II – a illustré l’esprit nouveau qui régit les rapports entre Chrétiens et Juifs depuis l’événement central qu’il a représenté. Ce sont deux Jésuites que j’ai eu la chance et l’honneur de connaître : les révérends pères Roger Braun ז »ל et Michel Riquet ז »ל. Ils se connaissaient bien, étant voisins de cellule dans la maison-mère de la rue de Grenelle. Le père Riquet est né en 1898 et mort en 1993. Le père Braun est né en 1910 et mort en 1981. Deux vies, deux destins que la seconde guerre mondiale a révélé, mais qui portaient en eux le ferment du bien, de l’amour d’autrui, de la compassion et du courage.

Je commencerai par le père Braun avec lequel j’ai entretenu une amitié d’une dizaine d’années, jusqu’à sa mort prématurée du fait de la maladie. Un mot d’abord de sa personnalité. C’était un homme profondément bon et bienveillant. Son sourire vous mettait aussitôt à l’aise ; sa simplicité et sa modestie faisaient le reste. Il avait un beau visage qui reflétait une vie d’amour du prochain. Je l’ai connu au comité central de la LICA (devenue ensuite LICRA) dont je faisais partie.

Le président Jean Pierre-Bloch était un rassembleur : au comité central (qui se réunissait rue de Paradis) se côtoyaient des hommes de tous bords politiques, de toutes couleurs de peau, de toutes religions, des croyants, des non-croyants, des riches et des humbles, des doctrinaires et des militants.

Le père Braun occupa longtemps le poste de président de l’importante section de Paris de la LICA. Il s’est acquitté de cette tâche à la satisfaction unanime. J’ai tôt fait de lui demander de venir parler à la synagogue de la rue Copernic où j’exerçais alors. Ce dialogue entre nous deux s’inscrivait dans la ligne de ceux qu’avait initiés le rabbin André Zaoui et qu’avait poursuivis mon prédécesseur, le rabbin Nissim Gabbay.

Plus tard, lorsque nous avons créé le MJLF, je l’ai à nouveau invité. Entre temps s’était établie entre nous une sincère affection, et il m’a raconté comment sa vie et sa carrière avaient été bouleversées par la guerre. En effet, alors que jeune lycéen de 14 ans à Strasbourg, il avait découvert par un tableau le terrible massacre de 2.000 Juifs de la communauté de sa ville en 1349, il décida de « tout faire pour réparer, pour que cela ne se renouvelle pas ».

Ses années de séminaire lui permirent d’acquérir la connaissance de l’araméen et de l’hébreu, comme de l’histoire du judaïsme et de la pensée juive. Sans que ses supérieurs ni lui-même sachent le moins du monde où cela pourrait le mener…

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