En Belgique, depuis plusieurs semaines, élèves, étudiants et citoyens de tous âges se mobilisent massivement pour le climat. Dans la chronique parue dans le journal Dimanche, le P. Charles Delhez, jésuite, nous invite à la réflexion et à l’action : « agissons pour le climat… et soyons cohérents ! »

35 000 élèves ont manifesté jeudi dernier pour le climat. Un chiffre en augmentation. Bravo les jeunes ! C’est le combat de leur génération. Un combat de survie pour toute l’humanité. « L’homme ne court pas à sa perte, il y va en voiture », était un des slogans. 70 000 personnes se sont rassemblées une deuxième fois en quelques semaines, sous la pluie de ce dimanche 27 janvier, pour le même combat. Une foule bilingue et intergénérationnelle, une marche bon enfant, joyeuse et détendue, mais bien consciente des défis et de l’urgence. Bravo les Belges ! Il s’agit de faire mentir cet autre slogan : « Je ne veux pas d’enfants, il n’y a pas d’avenir ! »

Chaque jour, on nous rapporte des indices alarmants. Après une période de consommation, que dis-je ? d’hyperconsommation, piégés qu’ils étaient par le monde que nous leur léguons, voilà que les jeunes retrouvent un projet mobilisateur, une utopie, et donc un sens à leur existence, une mission. « Sans signal politique, on continuera. On est la génération du climat », a-t-on pu entendre. Il semble en effet que, pour les politiques, il n’y ait pas vraiment urgence, préoccupés qu’ils sont par le court-terme, en l’occurrence, les élections prochaines. Or le développement durable est clairement une priorité et il faut y mettre le prix. Heureusement, les discours commencent à changer… Un premier pas, peut-être.

Il faut y mettre le prix, mais pas seulement au niveau politique – pourquoi les trains sont-ils si chers, et certains avions si bon marché ? –, mais aussi et peut-être d’abord au niveau local, à la base. Et là, il faut bien reconnaître que nous manquons de cohérence, les adultes comme les jeunes. On manifeste et on proteste, mais les actes suivent-ils ? 442 000 visiteurs au Salon de l’auto de Bruxelles, un record ! Espérons naïvement que le public allait y vérifier les progrès écologiques de la voiture. Mais chacun sait ou a entendu dire que ce qui pollue le plus, ce ne sont pas les kilomètres, mais la fabrication elle-même du véhicule. Aujourd’hui, on trie les déchets, mais on en produit de plus en plus. Et il n’y a pas que les emballages, mais aussi les assiettes non vidées ou les surplus alimentaires jetés. Il y a encore ces objets dont l’obsolescence est programmée. Ou ces smartphones et autres moyens modernes de communication qui exigent des matières premières rares pour leur fabrication. Impossible de s’en passer aujourd’hui, difficile de ne pas se mettre à jour si l’on veut rester branché.

Eviter la « dissonance cognitive »

Seul, on n’arrivera pas à relever tous ces défis. Il est par exemple de plus en plus clair que notre surconsommation de viande est néfaste. Mais comment la diminuer quand, dans une famille ou dans une communauté, on est le seul à vouloir passer à l’acte, ou lorsque, pour nous recevoir, des amis ont préparé un bon repas avec surabondance de viande ? Nous avons besoin de décisions politiques, oui, mais la politique commence là où on en est. Il faut que les petits groupes auxquels nous appartenons décident ensemble de changer leur mode de vie. Seul, on ne peut tenir. Sans doute faut-il toujours des premiers, des solitaires, des prophètes. Mais ce n’est pas la vocation de tout le monde. Aidons-nous les uns les autres et retrouvons la joie de défis à relever ensemble.

Et soyons cohérents ou, pour le dire de manière plus pédante, évitons toute « dissonance cognitive ». Cette expression désigne la tension qu’une personne ressent lorsqu’un comportement entre en contradiction avec ses idées ou ses croyances. Qui n’a jamais ressenti cela, notamment dans le domaine de la consommation ? On trie les déchets en semaine et on s’offre un rapide city trip en avion le week-end. Il faut bien se détendre et penser un peu à soi, non ?

Rappelons-nous cette phrase du pape François : « La spiritualité chrétienne propose une croissance par la sobriété et une capacité de jouir avec peu » (Laudato si’, 222). Car il ne s’agit pas de renoncer au plaisir et à la joie de vivre, mais de les cultiver autrement.

> Source : (C) Dimanche, édition du 3 février 2019.
Titre initial : « Soyons cohérents ».