Interview du P. François Boëdec – vice-recteur de l’USJ, à l’occasion des 150 ans

L’USJ (Université Saint-Joseph de Beyrouth) fête cette année ses 150 ans. A cette occasion nous recevons le père jésuite François Boëdec, ex provincial de la province jésuite d’Europe occidentale francophone et nouveau vice-recteur de l’USJ, pour une entrevue intime. Il nous parle de son expérience au cœur d’un Liban meurtrie mais évoque aussi la joie de célébrer les 150 ans d’une institution.

Il nous partage également son expérience au lendemain de l’inauguration de l’exposition « Photographier le patrimoine du Liban » à découvrir à l’Institut du monde arabe jusqu’en janvier prochain.

Que retenez-vous de vos six premiers mois au Liban, dans un contexte difficile ?

Je suis arrivé au Liban le jour de la grande explosion des bipeurs organisée par les Israéliens. En sortant de l’avion j’ai vu le chaos dans lequel était précipité le pays… Je ne suis pas prêt d’oublier ça ! Les semaines qui ont suivi ont été terribles pour le pays, avec beaucoup de bombardements sur des zones urbaines, et puis tous les réfugiés qui venaient du sud du Liban pour fuir les combats. Ça a été une période très difficile où l’université s’est arrêtée, comme beaucoup d’institutions du pays. J’ai été surtout frappé par le sentiment de très grande lassitude, voire de désespoir. Les dernières années ont été particulièrement dures pour la vie du pays avec, bien sûr, les évolutions politiques, la grande crise économique, l’explosion du port de Beyrouth, etc. Finalement la situation politique a connu des évolutions permettant une stabilisation de la situation sécuritaire et la nomination d’un chef du gouvernement qui essaie de reconstruire le pays. Les institutions, les écoles, les universités ont repris leurs activités. Et j’ai pu trouver un peu mieux ma place à l’USJ. J’ai été très bien accueilli au sein de cette institution. Le Père recteur m’a demandé de suivre les questions de ressources humaines au sein de l’université, ce qui est une bonne manière de la connaître de l’intérieur.

Comment l’Université Saint-Joseph célèbre-t-elle ses 150 ans ?

De nombreuses célébrations et colloques sont organisés tout au long de l’année 2025. Il est fondamental d’avoir la mémoire du projet fondateur, puis des étapes successives. 150 ans, c’est quand même une histoire extraordinaire, une aventure humaine, intellectuelle et spirituelle. L’enjeu est de puiser dans ce passé des éléments qui permettent d’inventer l’avenir. Le supérieur général de la Compagnie, le père Arturo Sosa, est venu souffler les bougies avec nous. Cela a été un moment de joie et de fierté, de voir comment notre action s’insère dans une histoire plus longue et combien cette université a rendu service au pays. Il nous a encouragés dans cette mission-là et a rencontré les différents groupes qui constituent l’université : les étudiants, les enseignants, les anciens, tout le personnel – des centaines de personnes qui sont au service de l’institution. Nous avons échangé sur les attentes, les peurs, les angoisses, parfois, de tous ceux qui font vivre l’université. En retour nous avons compris combien la Compagnie croyait en cette université, combien les jésuites étaient toujours engagés dans ce projet et combien ça a du sens de pouvoir ainsi se mettre au service de la formation des jeunes. On sait que beaucoup de Libanais partent à l’étranger ; l’enjeu, c’est aussi qu’il y ait des jeunes Libanais qui continuent à croire en leur pays, qui puissent exercer de manière digne et normale leur activité professionnelle et faire vivre leur famille dans un pays stabilisé. L’université est au service de cette stabilité, au service d’un pays qui croit encore en son avenir.

Qu’est-ce qui vous anime et vous inspire aujourd’hui à l’USJ ?

Il y a un esprit très particulier à l’université, une petite musique propre à cette institution de gens qui croient en leur pays. L’enjeu, c’est que cet esprit puisse continuer. Il y a au Liban beaucoup d’universités : nombre d’entre elles sont des lieux souvent mercantiles, pour se faire de l’argent. L’université Saint-Joseph essaie d’avoir une autre ambition : former des hommes et des femmes qui tiennent debout, qui ont conscience de ce qu’ils ont reçu pour pouvoir le donner aux autres, servir leur pays. Que cet esprit puisse continuer, c’est sûrement le souhait que l’on peut faire à l’occasion de cet anniversaire.

Références et liens extérieurs

USJ 150 ans

150 ans de l'Université Saint Joseph de Beyrouth

Photographier le patrimoine au Liban, exposition à l'institut du monde arabe

Article publié le 14 avril 2025

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