Fondée en 1689 par les jésuites, la mission de San Ignacio de Mojos dans la nord de la Bolivie (Beni) a non seulement conservé son église et de nombreuses traditions religieuses et sociales, mais aussi un important patrimoine musical.

Celui-ci nous est parvenu surtout grâce aux « Taitas », les anciens du village qui ont conservé les partition de musique baroque du XVIIe en les retranscrivant de génération en génération.

Chez les Chiquitos, autre peuple indien, il est vraisemblable que la musique apprise avec les jésuites se soit intégralement préservée jusqu’en 1850, date à laquelle l’intervention des blancs qui profitent de la main d’œuvre commence à bouleverser les structures sociales des villages.

Aujourd’hui, en faisant appel à la tradition orale, les Indiens de Mojos ou Moxos continuent d’interpréter certaines œuvres pendant les fêtes religieuses, mais ils ne sont plus capables de déchiffrer les partitions et de transmettre ce patrimoine aux plus jeunes.

Mais depuis plusieurs années, de nombreux manuscrits, gardés par plusieurs générations de Mojos, ont été découverts.

Des Tatias de San Ignacio de Mojos jouant des bajones

Des Tatias de San Ignacio de Mojos jouant des bajones


En 2001, 800 partitions ont été trouvées
, contenant quinze messes à trois et quatre voix. D’autres manuscrits ont été retrouvés dans un grand meuble à tiroirs fermés à clés et jalousement gardés par les « tatias » de San Ignacio !

La musique est écrite en latin, espagnol, italien, mais aussi en mojeno et d’autres langues de Mojos. Plusieurs hymnes ont des accompagnements pour flûtes, violons, bajones.

Fait extraordinaire : pour un même opéra, les partitions de certaines voix ont été retrouvées à Conception et celles des voix complémentaires à San Ignacio ! Ce qui prouve que des échanges ou trocs de partitions avaient lieu entre ces deux missions pourtant éloignées l’une de l’autre.

Les Moxos jouent du violonLes Jésuites ont développé les dons et les goûts innés des indigènes pour la musique. Ils l’ont utilisé comme moyen d’évangélisation. Et les indigènes se convertirent en de magnifiques musiciens, chanteurs et même compositeurs !

Les jésuites ont également composé de nombreuses pièces pour les indiens, notamment le jésuite italien Domenico Zipoli qui formera plusieurs Guaranis à Cordoba (Argentine). A leur tour, les Guaranis formeront des plus jeunes qui iront propager cette musique baroque si originale dans toutes les autres réductions, jusqu’aux missions des Mojos et Chiquitos.

Dans les missions, il était possible de se consacrer exclusivement à la musique. La formation musicale se faisait au sein de la mission, dans les écoles où ils avaient des cours de solfèges, composition, chant, pratique d’un instrument, etc. Ils fabriquaient également leurs propres instruments (violons, violoncelles, flûtes et bajones, orgues, harpes). Chaque réduction comptait un choeur et orchestre formé de plus ou moins 40 musiciens.

Des écoles de musiques et de fabrication d’instruments perpétuent encore aujourd’hui ce savoir faire.