Jérôme – A 19 ans, à Noël, une évidence qui me remplissait de joie : devenir prêtre, un mot pour dire une radicalité de vie pour Dieu.
Deux ans après : plus rien de clair. Et vinrent alors une succession d’alternances pendant 4 ans : oui, non, peut-être. Et si j’avançais avec telle fille ? Temps de jachère, temps de combats… jusqu’à la question d’un dominicain : « Ne voudrais-tu pas être prêtre et vivre en communauté ? Grand déni de ma part ! Quinze jours après, je m’apercevais que ce déni voulait en fait dire un grand OUI, à Dieu, pour ce type de vie. Et me voici jésuite…
Guilhem – Longtemps, j’ai résisté à la liberté que Dieu cherchait à me transmettre, liberté dont pourtant je vivais dans un grand désir de tout donner, sans pourtant parvenir à aller au bout de ce désir.
Quelque chose me retenait, ou plutôt, je retenais une part de moi-même tout en percevant, au loin, un appel à laisser aller, à avancer. L’occasion s’est présentée de répondre à cet appel avec, à la fin de mes études, la possibilité de faire le Service national comme Coopérant. La DCC (Délégation Catholique pour la Coopération) m’a envoyé au service du diocèse de Mananjary à Madagascar, où j’ai travaillé avec les MEP (Missions Etrangères de Paris). Là, j’ai été bouleversé par des hommes et des femmes vivant la joie de l’Evangile malgré le plus grand dépouillement matériel. Parmi les religieux présents, les jésuites me touchaient par leur hospitalité et leur souci d’honorer le meilleur de ce peuple. La liberté est arrivée un jour de Pâques, dans le sacrement du pardon : soudain, je pouvais dire oui, être pleinement présent à moi-même et aux autres. Au même moment, je découvrais la vie d’Ignace de Loyola en lisant le « Récit du pèlerin ». La consonance avec la radicalité de l’appel du Christ « Aimez vos ennemis » et sa promesse « Je serai avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps » m’a amené à demander à rejoindre cette petite Compagnie.
Pascal – Un des éléments déclencheurs de ma vocation « missionnaire », pour autant que je me souvienne, a été une découverte à la fois très simple et bouleversante, lorsque je commençais le collège.
Depuis longtemps, la vie avec Dieu m’était naturelle et facile, et je passais régulièrement de bons moments avec lui dans un amour partagé, intime et paisible, source d’immenses joies et de consolations intenses pour mon cœur d’enfant. Or, je pensais naïvement que cette relation quotidienne avec le Dieu d’amour, présent au cœur de chaque vie, était une évidence partagée par tous. Un jour, en discutant avec mes amis de classe, en sixième, j’ai découvert, étonné et navré, que beaucoup ne vivaient pas cette rencontre avec Dieu, ne le connaissaient pas, étaient indifférents voire même ne croyaient pas du tout en lui. Comme c’était mes amis, je les estimais, leur souhaitais du bien, et me disais : » Mais comment peuvent-ils passer à côté ? Comment peuvent-ils ignorer cette présence vivifiante ? ». Et il m’est apparu clairement que le meilleur service à leur rendre, c’était de les aider à rencontrer Celui qui était la source de ma propre joie, car, comme je disais alors avec mes mots d’enfant, « il faudrait quand même que quelqu’un leur dise ! »…
Guy – De 11 à 17 ans, plusieurs fois, j’avais éprouvé le désir de devenir missionnaire.
La vie des Pères Blancs m’attirait, celle du Père de Foucauld, celle de François d’Assise…Mais, au fil des années, ce désir et ces attirances semblaient instables, elles se transform
aient, elles disparaissaient…En Terminale, lors de la Retraite de fin d’études – je n’ai pas encore 18 ans – j’ai un choc en entendant l’évangile du jeune homme riche : je l’entends comme l’appel à suivre le Christ et à devenir complètement disponible pour la mission. Mais je n’ en ai pas du tout envie… Je fais en sorte d’éluder la réponse et , en tous cas, de la remettre à plus tard… Dans les semaines qui suivent, je fais plusieurs rencontres inattendues ; je suis étonné de la manière dont je réussis si bien mon bac; des amis m’emmènent pour retraite surprise de deux jours à l’abbaye de Tamié où je retrouve le même évangile du jeune homme riche … Témoin de mes résistances intérieures, un père jésuite me pose cette simple question : « Alors qu’en est-il ? ». Je ne puis plus résister. Au pied d’un haut et long peuplier, je dis mon « oui » : et je sais bien qu’il est radical et absolu ; depuis, je n’ai jamais pu en douter. Et il m’est apparu comme l’acte le plus libre de ma vie.
Nicolas – Je devais avoir 7-8 ans. Pour la première fois, j’avais écouté jusqu’au bout la lecture et l’homélie d’une messe. C’était l’histoire du petit Samuel (1 Samuel 3).
Durant la nuit qui suivait, je me suis réveillé, me disant : Si si, Il m’appelle, je dois lui répondre me voici. Mais je tombai de sommeil et me disais : c’est un rêve. Une autre voix me disait : si, il t’appelle, et je me suis mis à genoux en disant : Parle, Seigneur, ton serviteur écoute, et me suis rendormi tout aussitôt. Quand je me demande pourquoi je suis si heureux dans la vie religieuse, je pense à cette voix plus forte qu’un lourd sommeil d’enfant.
Bernard – Fin juin 1950, vers 21 heures, en fin de troisième année de prépa, entre l’écrit et l’oral du concours, en un clin d’œil, « j’ai su » que je serais prêtre.
C’est tout. A aucun moment depuis 61 ans, le moindre doute n’a surgi. Il faut dire aussi… que mon grand-père comme mon père se confessaient au Père Boon sj, que ma mère à ses fiançailles avait fait dire une messe pour avoir un fils prêtre… et elle en a eu trois…, et que, chaque soir, pendant mes études, je lisais une demi-heure les épîtres de saint Paul ou leur commentaire.
Georges – « Il sera consacré au Seigneur pour toute sa vie » (1 Sam 1, 1-10) C’est un peu aussi mon histoire, mes parents ayant beaucoup demandé au Seigneur – c’était pendant la guerre de 40 – d’avoir un fils prêtre.
Et il a fallu que ça tombe sur moi !… alors que nous étions quatre garçons ! Ça n’a pas été vraiment pour me plaire, et j’ai eu un rude combat à mener pour vérifier s’il s’agissait bien d’un appel ‘personnel’… Une manière de me « libérer », de choisir, d’adhérer du fond de mon être, a peut-être été de choisir la Compagnie de Jésus dont mes parents se méfiaient (trop à gauche politiquement !). A joué également le fait qu’un camarade de collège pour lequel j’avais une profonde admiration m’a précédé au noviciat un an avant moi. Lorsqu’y suis rentré moi-même – j’avais dix neuf ans- il venait d’en ressortir ! Je n’aimais pas les études… J’en ai pris pour douze ans ! Dieu a vraiment beaucoup d’humour… Au fond je retiens de tout cela que l’appel de Dieu à le suivre est un appel sans cesse renouvelé, réitéré chaque jour à travers les événements, les rencontres, les soifs de ses créatures… Jusqu’à ce jour – cinquante ans plus tard – je n’ai encore jamais eu à le regretter.
Erwan Chauty – J’ai grandi en étant membre du MEJ.
On se retrouvait en équipe, pour réaliser dans nos vies ce que disait cette prière : « Apprends-nous Seigneur à te choisir tous les jours à redire ton oui en chacun de nos actes. Donne-nous de te suivre sans peur et de t’aimer plus que tout. Rends-nous frères toi qui nous as rassemblés. Fais de nous les témoins devant tous de ce que nous avons vu et entendu, de ce que nous croyons et vivons, pour que tout homme avec nous reconnaisse en toi l’unique Seigneur. »
Quand j’ai rencontré des jésuites pendant mes études supérieures, j’ai tout de suite senti une affinité spirituelle entre ma vie au MEJ et leur manière particulière d’être religieux et prêtres. Ils étaient passionnés par tout ce qui fait la vie de l’humanité, maîtres de vie intérieure et des décisions à la lumière de l’Évangile, tous différents et pourtant profondément frères, témoins actifs d’une relation personnelle avec le Christ incarné, rassemblés par Lui dans l’Église, célébrant l’eucharistie avec une profondeur simple et joyeuse… Je ne le savais pas encore, mais c’est un jésuite qui avait écrit la prière du MEJ !
Clément Nguyen – J’ai quitté le Vietnam pour la première fois à l’âge de neuf ans en 1976.
Ce voyage m’a d’abord emmené en France. Il s’est ensuite poursuivi en Côte d’Ivoire, en Tunisie, puis aux Philippines. J’ai eu ainsi la chance, grâce à mes parents et aux circonstances, d’avoir eu jeune quelque chose comme un « sens du monde ».
Pendant le temps du lycée germait en moi le désir d’être médecin. Je lisais avec engouement les récits des médecins célèbres. Je revins donc en France pour faire mes études de médecine. Lors d’un stage dans un service de gériatrie, je vécus une conversion, une expérience forte de l’amour du Christ qui libère. Cette rencontre fit naître en moi une question lancinante : « Quid agendum » (Récit autobiographique d’Ignace de Loyola, n°50), « Que dois-je faire Seigneur ? » (Actes des Apôtres, 22, 10).
Il avait bien fallu trois ans, le temps de terminer ma formation médicale et de participer à deux JMJ (Rome et Toronto), pour que cette question mûrisse en un choix. Le temps d’entendre ce que le Seigneur voulait de moi, et de le vouloir. A la fin du noviciat, au moment des vœux, j’étais habité par un autre désir : que le monde aille mieux. Un désir simple et pourtant qui me dépasse.
Aujourd’hui, à la veille de mon ordination, je mesure aussi combien ce désir est fragile au milieu de mes préoccupations. Un désir que je suis bien incapable d’entretenir par mes faibles forces. Un désir qu’il me faut sans cesse accueillir du cœur de celui qui l’a éveillé en moi. « Prends Seigneur et reçois, toute ma liberté… Donne-moi seulement de t’aimer, et donne-moi ta grâce, elle seule me suffit. » (Exercices Spirituels, n°234).
Dominique Degoul – Aux JMJ de Denver, j’avais alors 20 ans, je m’étais rendu compte pour la première fois que Dieu pouvait nous parler avec les mots que nous utilisions nous-mêmes pour lui parler.
Quelques semaines plus tard, la première fois que j’ai entendu un jésuite prêcher, il a dit «l’amour de Dieu nie toute supériorité »… Cette phrase rejoignait de près mon expérience récente, et c’était la première fois que j’entendais un prêtre parler d’expérience spirituelle.
Quelques années plus tard, je suis parti en Inde avec Inde Espoir. J’ai pu découvrir là-bas que les jésuites tenaient ensemble des choses a priori incompatibles : des grands collèges pour les jeunes favorisés du centre ville ET un engagement fort auprès des intouchables ; une grande fidélité au Christ et à l’Eglise ET une recherche intense sur une manière indienne de dire la foi ; une grande exigence intellectuelle ET un engagement pratique ET un enracinement dans la prière. J’ai su à ce moment que si un jour j’entrais « dans les ordres », ce serait dans la Compagnie de Jésus.
Au retour de cette expérience en Inde, j’ai fait ma première retraite selon les Exercices spirituels : ce moment m’a laissé entrapercevoir une joie spirituelle dont l’existence m’était jusque-là insoupçonnée.
Dans les années qui ont suivi, je me suis fait accompagner par une religieuse xavière, puis par un jésuite : les ignatiens sont des hommes et des femmes qui font avec l’homme tel qu’il est, parce qu’ils savent que c’est à l’homme concret, pas à un homme qui devrait être idéal, que Dieu parle. Accueilli dans l’accompagnement avec mes dons et mes fragilités, j’ai entendu du Seigneur, après plusieurs années de cheminement parfois chahuté, cette injonction paradoxale qui m’a fait franchir la porte du noviciat et m’aide encore aujourd’hui à avancer : « ose ! ».
> Photo en Une : © P. Xavier Léonard sj pour la Province EOF