Bienvenue à Cebu !

L’apostolat de la mer

Cebu est une île de 3 millions d’habitants située au centre de l’archipel et carrefour de routes maritimes dans cet archipel écartelé en plus de 7000 îles.

Cebu est un grand port
des îles Philippines, en Asie.

 

Situons le monde des marins aux Philippines : le nombre total des marins enregistrés en l’an 2000 était de 520 000, pour 200 000 marins en activité et 205 000 à la fin 2001 (une augmentation de 20% par rapport à 1995 et de 78% par rapport à 1990).

Un jésuite français, le Père Roland Doriol, breton d’origine, y a fondé en 1990 un centre d’accueil pour les marins de tous pays qui ont l’occasion de passer par là.

 

Un livre sur les lettres écrites
par les marins philippins >>

 

Foyer de l’Apostolat de la mer à Cebu,
le Centre « Stella Maris » a démarré en 1990 avec seulement 3 containers.

 

Un jésuite a parcouru durant 22 ans les mers du globe

Roland est né dans le Golfe du Morbihan. Marin-électricien, il a passé vingt-deux ans à parcourir les mers sur les gros cargos.

Il a partagé la vie des marins : son rêve de jeune breton !

C’est un métier très difficile.

« A bord, on sue énormément », voilà comment s’exprime celui qui veut décrire leurs rudes conditions de la vie à bord des cargos.

Quand il a pris sa retraite de la marine marchande, Roland a eu envie de continuer sa mission, mais cette fois au port, à Cebu.

 

Découvrez  le Centre Stella Maris >>

Quel point de chute offrir aux marins après leurs longues journées en mer ? Comme les Philippins aiment beaucoup se retrouver dans un lieu chaleureux en petits groupes de copains, à trois ou quatre, Roland Doriol a eu l’idée de créer un centre d’accueil pour les marins et leur familles, le Centre Stella Maris, « Étoile de la mer », dédiée à Marie.

 

Le Centre avec les containers

 

Au foyer, les marins se sentent un peu comme chez eux, même à l’autre bout du monde.

 

 

 

 

 

 

Lors de l’inauguration du premier Centre

Découvrez l’école des marins >>

 Former des marins

Des bancs de l’école maritime à la sueur de la mer  
par Roland Doriol s.j.

Depuis plus de 12 ans, j’ai mis sac à terre à Cebu, aux Philippines, pour y vivre les dernières années de mes 22 ans de navigation et préparer le passage de la vie en mer à la retraite active à terre.

Cet examen de passage s’est passé dans une école professionnelle maritime que j’ai vu grandir au cours de ces 12 ans : 2 500 élèves en 1991 et plus de 5 000 en 2003 !

Roland Doriol, une fois installé à Cebu, est devenu l’aumônier de l’école maritime qui forme les futurs marins philippins.

Les Philippins représentent aujourd’hui plus de 25% des marins de marine marchande du monde entier. Ils sont environ 500 000.

La concurrence avec les pays de l’Est laisse présager une future crise pour les Philippins. En général ils vivent déjà en dessous du seuil de pauvreté. Le pire reste donc à craindre.

 

Revenons au « Maritime Education and Training Center » de Cebu, une université privée « pour les masses » regroupant aujourd’hui plus de 25 000 élèves en diverses branches, la branche maritime étant un des fleurons parce qu’on y promet et promeut l’aventure et les dollars… Des investisseurs Norvégiens et Japonais financent une partie de cette école et lui donnent une bonne cote de professionnalisme. Ils sélectionnent leurs propres élèves dès la première année et réclament d’eux une discipline qui est loin d’être de la même rigueur pour les élèves non sélectionnés !

J’ai vu grandir et se transformer ce collège en Université en essayant d’y trouver ma place en tant qu’aumônier avec un arrière-plan de navigant dont la vie et l’environnement avaient été la mer et ses vagues, du moins pendant les cinq premières années de présence à Cebu, car je repartais en mer tous les six mois.

Je trouvais dans cette université maritime des instructeurs retraités chargés d’orienter les jeunes vers ce métier en rappelant les règles classiques et immuables de navigation, mais en oubliant les évolutions technologiques et culturelles de mentalité qui s’imposaient, surtout après 1995…

Dés 1995, les lois internationales plus strictes s’imposaient aussi parmi les 133 écoles maritimes enregistrées dans le pays. La barre était mis plus haute pour le recrutement, la formation et l’année de stage, pendant laquelle les élèves se voyaient délivrer un salaire en dollars ! On ne peut mieux ouvrir l’appétit et faire saliver une clientèle jeune, prête « à voir du pays en toute liberté » selon la formule publiée en gros titres dans les journaux locaux pour attirer les jeunes.

Les années 1994 à 2000 ont été les vaches grasses de l’appel du large et le boum de la formation maritime. Aujourd’hui, aux rites de graduation (examen de fin de classes) de ces dernières années, on recueille des groupes de plus de 1 000 diplômés qui correspondent bien à ces années exceptionnelles. Les élèves reçoivent leur diplôme avec l’uniforme en prime pour la photo après trois années d’école, et la fierté d’avoir achevé une étape importante. Mais les premiers pas de l’entrée dans le métier sont le début d’un long calvaire de plusieurs mois, voire plusieurs années. Il leur faut aller à Manille faire le tour des agences de main d’œuvre pour y déposer leur candidature en vue d’un embarquement.

Aumônier à l’école… essayant de trouver une place

J’ai été reçu les bras ouverts par le Directeur de l’école un jour d’avril 91, mais, en moi, ne cessaient de se rebiffer mon origine et mon environnement mieux connu et préféré « venu de la mer et prêt à y retourner » ! Dès la première rencontre, le Directeur m’emmena pour une visite de l’école, me présentant comme l’aumônier et décida sur ­le-champ d’un week-end de récollection pour le corps professoral, avec messe et confessions ! L’agenda était déjà fait, à moi de me jeter à l’eau pour mettre au point un programme de récollection… ma première !

 

Je découvrais à peine Cebu et son port, mais ce Collège maritime et la moisson de jeunes en uniforme s’imposait comme un terrain où l’Eglise locale ne s’aventurait pas, sauf pour des Eucharisties du premier vendredi du mois. Quant à la réalité de l’Apostolat de la mer et au réseau « Stella Maris » à travers le monde, on en parlait « sur les bancs de l’école », mais pas grand monde ne s’était soucié du devenir de cet enseignement « dans la sueur de la mer ».

C’est de cette façon qu’a germé en moi la première « newsletter », un bulletin d’une dizaine de pages faites de lettres reçues de marins de l’Apostolat de la mer de Cebu avec la conviction qu’un nouveau chapitre de mon histoire maritime était en train de s’écrire grâce aux jeunes, aux marins philippins et à leurs familles. Je partageais ces premières découvertes lors des rencontres avec le clergé de la ville ou en province, mais cela produisait plus de confusion que d’espérance.

En apprenant que j’avais passé 22 ans en mer non comme aumônier mais comme marin-électricien, j’avais à répondre à la première question inévitable mais qui laissait au second plan les autres plus rares : « est-ce que vous célébrez à bord ? », certains n’osant pas demander tout de go si je savais célébrer ! Autre moment de confusion pendant les trois premiers mois de présence sur le campus de l’école maritime presque tous les jours: à chaque arrivée, la même question : «Y a-t-il une messe aujourd’hui et à quelle heure?» La réponse était déjà publiée deux messes par semaine, le mercredi et le vendredi. « Mais alors, pourquoi venez-vous aujourd’hui s’il n’y a pas de messe ? » La réponse qui provoquait le sourire, était toute simple : « simplement pour être avec vous ! ».

La connaissance de cette « nouvelle paroisse », je la faisais à pied ou en bus, en marchant dans la poussière et la chaleur du port, en compagnie de quelques étudiants bravant leur timidité pour pratiquer un peu d’anglais et en même temps arborant une certaine fierté d’être les premiers dans ce qui allait devenir l’apostolat de la mer de Cebu. On parlait du Congrès Mondial de l’Apostolat de la mer en 92 à Houston (Texas), avec une délégation possible de Cebu… mais nous allions aussi visiter d’autres écoles et découvrir la province en voyageant souvent sur le toit des bus…

Les langues se déliaient sur les quais ou sur les routes à en oublier la chaleur, la sueur et la poussière… Nous salivions aussi dans la recherche d’un local ou d’une maison pour y démarrer le « Stella Maris de Cebu ». Pourquoi chercher plus loin que les containers qui avaient agrémenté mon environnement pendant pas mal d’années à bord, et qui se trouvaient sur le quai du port où nous marchions tous les jours ?

Le Stella Maris fait de l’amélioration des 3 containers
tel qu’ils existaient pendant les douze premières années du démarrage
entre 1993 et 2004.

Autre source de confusion dont je retardais la révélation chaque jour à l’école et devant mes compagnons jésuites étonnés : je repartais en mer. Je regagnais le bateau à Hong Kong. L’aumônier lui-même prenait le chemin de la mer! Comment peut-on quitter maintenant, lorsque les premières racines fragiles commencent à peine à prendre ? Qu’est-ce que cette obstination à repartir ? « Tu n’en as pas encore eu assez de mer et de vagues ? » J’ai dû me débrouiller, souvent par des silences et des entêtements, pour ébaucher une réponse à ces questions qui me prenaient toujours par surprise. Un chef mécanicien indien profondément croyant m’interpella : « Vous ne voyez donc pas que vous perdez votre temps en mer, il y a tant à faire à terre, venez un peu voir en Inde »

Ce n’est que récemment que j’ai pu formuler une réponse qui me satisfasse :

Un livre (à droite) sur les lettres écrites par les marins philippins >>

« Je suis prêt à vous écouter lorsque vous parlez de temps perdu en mer pendant 22 ans, mais je vous demande aussi d’écouter ceci : pendant ces 22 ans, j’ai pu observer ce qui se passe sur la mer, comment les vagues se suivent et ne se ressemblent pas, et de même les bateaux et les hommes, les tempêtes ou les moments de solitude. J’ai vu comment les réfugiés vietnamiens sont venus nous surprendre en mer sur les navires pavillon français, comment le pavillon français et les conditions de navigation ont rapidement évolué, comment il faut faire des choix et sembler partir à la dérive, comment je me suis trouvé seul Français à bord au milieu d’équipages internationaux, donnant ainsi à ma vocation de jésuite une plus grande sensibilité internationale et une chance renforcée de grandir, et comment je me suis trouvé, après plusieurs moments de congés pris aux Philippines, devant le choix de ce pays pour y vivre la mission auprès des gens de mer.

Et comment expliquez-vous que je me trouve aujourd’hui à Cebu les mains pleines de ces jeunes en école maritime afin d’y développer une formation et une expérience chrétiennes qui tienne la route « sur terre ou sur mer » ? ».

 

Voici d’autres photos >>

Les premières attaches avec les étudiants, les marins et leurs familles devaient passer par les ruptures prévues ou imprévisibles et les moments de départ sont des moments privilégiés, un peu comme une « heure » qui ne dure souvent pas plus de quelques minutes… mais ils peuvent aussi devenir une crise fructueuse ! Personne n’ose dire «VA », et pourtant cela fait aussi partie de « l’heure », mais le « REVIENS » est remis entre les mains du « POHON» et de sa bienveillance.

 

J’ai ainsi appris un des premiers mots cordiaux (POHON) du langage de Cebu qui se traduit bien par notre « A-DIEU-VAT ».

Les départs, les retours et les risques de la traversée et des absences… au fond la parabole continue sur terre et sur mer pour dire quelque chose d’inspirant et de convaincant dans les vagues de la confusion et les vagues portantes de mon histoire et de l’histoire de ces jeunes élèves futurs marins. Leur jeunesse est leur meilleur passeport.

Ping-pong et détente au foyer

Grâce à leurs lettres et à la confiance qui les fait écrire, ils apprennent à franchir les obstacles, vivre avec les « vagues de la destinée » selon le beau chant cebuano qui les fait pleurer lorsque je le chante ; ils ont appris à parler de ces vagues et à multiplier les chances de succès pour eux-mêmes et les générations qui suivent. Ils m’ont appris à trouver ma place moi-même à terre et à y être heureux pendant les cinq premières années après la retraite, sans regret d’avoir tourné une page.

La « newsletter » que nous publions ensemble depuis plus de douze ans est devenue un trésor de mémoire vivante, leur tradition et leur voix, c’est « leur prise de terre » avec le souci de l’Église d’entrer en dialogue avec les gens de la mer… Ils sont aussi « ma prise de terre » et le moment privilégié où j’écoute les vagues dans leurs vies, même à dis­tance, et leurs soucis d’avenir… Cette newsletter est devenue un outil de premier choix pour qui veut plonger dans ce ministère et le connaître de l’intérieur. Elle fait le tour du monde et peut leur donner l’assurance que quelqu’un quelque part a lu leur histoire et que la bouteille à la mer a atterri quelque part…

Après une récollection avec les jeunes

Depuis dix ans maintenant, au cours des récollections et des séminaires d’éveil à la vie maritime, à leurs droits et responsabilités, des marins et des femmes de marins sont venus parler de la sueur de la mer dans leur vie à bord ou à la maison… Elle a un fort goût de sel ! et il y a eu des larmes, même en face de centaines d’élèves silencieux et quelquefois choqués par cette émotion… Mais elle portait des fruits, pas toujours sur le moment…

 

L’accueil des femmes

Enfants et épouses de marins

Roland Doriol accueille aussi les femmes de marins philippins qui habitent à Cebu. Elles peuvent partager leurs difficultés loin de leurs maris qui naviguent sur la mer.

La vie des femmes

Bien souvent, ces marins et plus encore les femmes exprimaient pour la première fois ce qui menait leur vie à travers bien des remous et des absences… Ils – elles – sont nos meilleurs instructeurs et font faire aux marins en herbe leur première approche de ce métier, avant de mettre les pieds à bord.

C’est ainsi que Joemar, Jayson, Richieboy et Brian parmi nuit d’autres, se sont révélés dans ces premières tentatives de parler en public sur leur expérience à bord. Les femmes de marins elles-mêmes, d’abord timides, sont maintenant frustrées lorsqu’on les coupe dans leur partage ! Chacun et chacune à sa façon révèle le buisson ardent qui les habite et invite les jeunes à vivre un moment d’écoute de ce que devient ce métier dans la vie concrète de ces jeunes marins. Quelle cour des miracles !

 

Après trois ans d’école, souvent soutenus financièrement par des petits boulots, ou vivant pour quelques-uns à l’abri du Stella Maris, ils auront appris comment survivre à Manille : je pense à Boyet. Pendant un an et demi, à la merci de son employeur pour attendre le premier bateau, tout en faisant le nettoyage de la maison de campagne, lavant et repassant le linge mais surtout prenant soin du vieux grand-père ! Il a su attendre et saisir la première chance, n’ayant aucun peso pour payer son premier embarquement !

 

Un autre, Allan, m’avait écrit une lettre détaillant son attente dans sa compagnie à Manille… nous avions « arrangé » un peu sa lettre pour ne pas en révéler le nom ni trop de détails dangereux afin de la publier, mais une fois publiée, il prit peur de se voir mis sur la liste rouge parce que le capitaine avait trouvé notre newsletter et l’avait sur son bureau ! Il vaut mieux ne pas trop remuer la boue des marchands d’homme ! Mais il faut savoir éveiller les yeux des nouveaux arrivants sur le marché maritime. Ce genre d’apprentissage n’est pas du tout fait sur les bancs de l’école, mais dans la confiance dans les partenaires d’un Stella Maris qui ne lésine pas sur le temps d’écoute et poursuit le dialogue. Leur jeunesse est leur meilleur passeport, mais il doit subir le baptême de la sueur de leur front et de la mer !

Conférence du Père Doriol aux élèves de l’école

 

Conclusion…

Proposer ces séminaires, ces récollections, publier ces newsletters, tisser patiemment les maillons du réseau Stella Maris pour en faire une « famille », célébrer avec eux lorsqu’ils reviennent à l’improviste, préparer l’étape du mariage, ou bien laisser les années de jeunes célibataires porter leurs fruits, telles sont les étapes qui font la chair et les os de mon ministère en compagnie de jeunes… Elles ont été mises à jour dans la patience pour accompagner des jeunes désireux de faire face à un avenir et non pas de le subir.

 

Les retraites proposées à quelques volontaires marins ou encore étudiants dans notre maison de retraite jésuite ne sont pas du luxe ; elles ont le goût du silence, d’un dialogue en confiance pour découvrir un Dieu à leurs côtés qui sait aussi marcher sur terre et sur mer… Dieu sur la mer est un Dieu aux côtés et du côté de l’homme qui agit aussi en faveur de l’homme. C’est le secret de son compagnonnage qui ne cesse d’appeler des jeunes à se mettre à son service et à devenir compagnon.

La voiture du centre qui a douze ans d’âge avec son staff et des visiteurs

 

Découvrir le building du nouveau centre >>

 

Le nouveau Centre Stella maris

Mise en terre du parchemin et plans : pose de la première pierre du building

7 juillet 2003 : Premiers coups de pioche du chantier du nouveau building Stella Maris Center

Le Building du Nouveau Centre

 

Le Building et « la tour de Vigie » dominant le port et la Ville de Cebu

 

Messe d’inauguration en 2004 avec le Cardinal R. Vidal, l’évêque
Mgr Cantillas, et le P. Provincial jésuite de l’époque, le P. Intengan

 

Les deux nouveaux containers de 20 pieds tout équipés et placés à côté du nouveau building afin d’en garder en mémoire les origines

 

L’accueil du Centre

 

Le lobby et l’escalier d’accès et l’étang à poissons

 

Au foyer

 

équipe staff étudiants et apprentis : au premier plan à gauche : l’aumônier Fr. Romanos qui succède au P. Roland Doriol sj

Prayer-room (salle de prière ou oratoire) au 3 ème étage du Building

Noter le phare abritant le St Sacrement et la mosaïque faîte de gangue de noix de coco

Des apprentis après l’eucharistie

Le Building décoré pour la National Maritim Week 2005

 

Quelques activités du centre >>

D’autres photos

Compétition de Basket Ball entre deux navire et/ou écoles maritimes lors de la semaine de la mer 2005

Avec des marins au repos et en congés dans l’île de Bohol
2 d’entre eux sont des ministres laïcs naviguant pour l’eucharistie (avril 06)

Procession de célébration avec jeunes élèves de l’école maritime le jour de la fête nationale des marins (septembre 05)

Roland Doriol après une Eucharistie pour des marins Philippins à Port de Bouc (France) durant l’été 2006

En ballade dans les montagnes de Cebu

 

Et à Hong-Kong

 
Roland, Bienvenue à Hong-Kong !


à Hong Kong, Roland Doriol rencontre un marin

Rencontre de marins à bord de leurs navires sur la rade de Hong Kong
Philippins, sri-lankais, vietnamiens

 

Le port de Hong-Kong

Avec des marins à Hong Kong

Roland à Hong-Kong

Et ces femmes
que les marins laissent derrière eux… >>

 Témoignages

Un livre (à droite) sur les lettres écrites par les marins philippins >>

Attentif aux familles de marins, Roland Doriol nous a envoyé ces témoignages qui mettent l’accent sur la vie des femmes philippines dont les maris travaillent aujourd’hui à bord de bateaux étrangers.

Voici quelques récits qui ont paru dans plusieurs éditions des lettres (newsletters) publiées régulièrement par l’AOS de Cebu (Apost­leship of the Sea – Apostolat de la Mer )

Si certains de ces récits ont été publiés il y a déjà quelques années, ils reflètent encore les sentiments, les joies et les peines qui habitent les femmes et les filles que les marins philippins laissent derrière eux.

Le récit d’une mère

Ce récit de Derlin Gonzaga dépeint les émotions ressenties, encore aujourd’hui, par bon nombre de mères de marins.

« Quand mon fils Dexter a fini ses études secondaires, nous envisagions pour lui une carrière d’ingénieur. En dépit des obstacles financiers, tout était tracé jusqu’au jour fatidique où un bon ami de Dexter l’a incité à postuler pour obtenir la bourse d’étude FIL-Nor, qui offrait des avantages irrésistibles. A cette époque, une carrière de marin ne faisait simplement pas partie de nos rêves les plus fous pour Dexter. Au milieu de nos hésita­tions, notre fils a décidé de tenter sa chance.

Dans l’attente des résultats, nous avons continué nos démarches pour la carrière que nous envisagions pour lui et l’avons inscrit dans l’une des meilleures écoles de Cebu. Une semaine s’est écoulée et nous avons alors appris que son dossier de candidature avait été retenu. C’était certainement un résultat très satisfaisant mais, quelque part, un doute subsistait.

Dexter était et reste un fils prévenant. Il a vu dans cette sélection une occasion unique d’en­lever à sa famille une lourde charge financière et il a décidé d’accepter. En tant que parents, nous étions prêts à faire des sacrifices et à économiser sur tout pour payer l’école d’ingénieur, mais nous avons laissé notre fils libre de son choix ; à une seule condition cependant : si, à la fin du semes­tre, il changeait d’avis, il ne devait pas hésiter à reprendre d’autres études. Trois ans après, il avait fini ses études qu’il avait appris à aimer.

Je n’imaginais même pas ce que j’allais vivre jusqu’au jour où Dexter s’est embarqué pour la première fois. A 19 ans, il était très jeune et c’était la première fois qu’il nous quittait. Je n’ai pu arrêter mes larmes et pendant son absence de 10 mois, je suis restée inconsolable comme si j’étais morte à l’intérieur de moi. Il était très proche de nous et j’avais perdu mon meilleur ami. J’ai trouvé la conso­lation et l’acceptation par la prière grâce aux conseils de nos amis. Je devais réaliser que notre fils devait poursuivre son propre rêve et bâtir son avenir. Peut-être était-ce cette voie que Dieu lui réservait.

Aujourd’hui, quatre ans se sont écoulés. J’ai appris à trouver un remède à ma solitude en regardant autour de moi et en me fixant d’autres buts. Dernièrement je me suis engagée activement dans le mouvement « Apostleship of the Sea » et je pense que Dieu m’a finalement montré le chemin du réconfort et donné la consolation auprès des étudiants et des marins en partageant leurs problèmes, les conseils et la prière. Je vois dans cet engagement une mission pour moi-même car je suis en relation directe avec la vie et le travail de mon fils.

Je sais que je verserai encore des larmes amères chaque fois que mon fils partira et des larmes de joie chaque fois qu’il rentrera à la maison.

J’ai trouvé un deuxième foyer au centre Stella Maris et ma vie y a acquis une nouvelle di­mension dans mes relations avec Dieu, ma famille et mes amis. »

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Le message d’une soeur

Ce récit de Dolly Quinones, intitulé « Le secret de l’anneau de mariage », a été publié dans la lettre d’octobre 1998 de l’AOS-Cebu.

Les nuages ont assombri le ciel de la famille Ypil et mon propre ciel ce 10 juillet 1998. Ma belle­sour, Arlene Ypil, m’apportait des nouvelles de mon frère Candelario Ypil qui était maître-chef sur le M/ V Mathilde. Il était porté disparu depuis le 8 juillet 1998. En fait, l’agence maritime locale nous avait juste prévenus mais sans donner de détails précis.

D’après Arlène, avant l’accident, elle lui avait parlé par téléphone et ils avaient abordé le problème des versements à la banque. Ces versements étaient le principal chef d’inculpation retenu contre lui car il en avait fait part à l’ITF (La fédération internationale des transports).

J’ai alors cherché de l’aide pour éclaircir l’incident. J’ai essayé d’avoir des renseignements auprès de l’agent local de Manille mais je n’ai rien pu obtenir. Seul le directeur des opérations m’a fourni quelques détails sur l’emplacement du navire. Quand j’ai appris que le bateau se trouvait à Brême, en Allemagne, j’ai contacté immédiatement le Stella Maris-Cebu et j’ai demandé au Père Doriol de m’aider à entrer en contact avec la Stella Maris de Brême, en Allemagne.

En vérité, à Cebu, le Stella Maris est toujours là pour vous aider dans les moments durs et les heures d’angoisse, spécialement pour les marins qui ont le plus besoin d’être soutenus. Quelques jours après, l’aumônier et moi-même avons obtenu des informations sur l’incident survenu à mon frère par le canal du Stella Maris de Brême. Le Père Roland m’a parlé du fax qu’il avait reçu de Brême, disant que le corps de mon frère avait été repêché dans le port de cette ville. Au début, ils n’étaient pas sûrs que ce soit lui jusqu’au moment où ils ont découvert qu’il portait un anneau de mariage où était gravé Arlène 10-21-84. Après confirmation du fait que le corps était bien celui de Larry, le Stella maris de Brême a pris en charge toutes les démarches et s’est occupé du rapatriement du corps, y compris des bagages de mon frère.

Nous remercions le Stella Maris de Cebu et de Brême, en Allemagne, l’aumônier Mgr Bieler, les femmes de marins de Belmont, Minglanilla et de Lapulapu qui nous ont apporté leur réconfort en ces temps de peine. »

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Le témoignage d’une épouse

Nenita Aris, avec la CFO (Commission for Filipino Overseas – Commission de l’Outre-Mer philippin), apporte son témoignage de femme de marin en ces termes :

Comme le dit le vieil adage, derrière tout homme à qui sourit la réussite se trouve une femme qui lui apporte son soutien, son aide et ses encouragements dans tout ce qu’il entreprend. Cela ne voulant pas dire que plus il a de femmes, plus il a de succès !

Quand j’ai décidé d’épouser ce marin qui était mon fiancé, je n’avais pas été avertie des conséquences d’un mariage pour la vie entière avec un homme de la mer. Personne ne m’avait prise à part pour me parler des dangers d’un amour vécu à distance ou partagé avec un absent (peut-être aussi que le coeur l’emportait sur la raison et que rien ne m’aurait fait changer d’avis…).

Après deux mois de lune de miel idyllique, j’ai été, tout d’un coup, brutalement rappelée à la réalité : j’allais passer 80 % de mon temps sans mon mari. Nous comptons vingt et un ans de mariage et nous n’avons vécu que six ans ensemble. Le retour de mon mari à la maison a toujours signifié de longues périodes d’adaptation, de redécouverte de l’autre pour les enfants comme pour moi-même.

J’ai été obligée de mûrir à toute allure comme jeune femme. Par la suite, comme mère, j’ai dû faire face à la difficulté d’assumer seule les responsabilités parentales. Les actions, les décisions, petites ou grandes, ne pouvaient pas attendre un ou deux mois ; l’établissement de la communication pouvait prendre tant de temps. J’assumais seule les conséquences des décisions que j’étais amenée à prendre pour mes enfants et pour la famille.

Le mariage avec un marin est quelque chose de particulier ; c’est à la fois une aventure et un sacrifice. Et c’est une affaire de compromis. En échange de revenus matériels, de la stabilité financière et du confort, la femme et les enfants sont privés de cette force spéciale que représente la seule présence du chef de famille. La femme ne connaît pas ces moments d’intimité que vivent les couples ordinaires, à commencer par le bonheur de partager l’arrivée d’un enfant. Combien de fois n’ai-je pas souhaité avoir une épaule où pleurer lorsque les problèmes devenaient plus compliqués !

Les rapports conjugaux doivent reposer sur une totale confiance. L’éloignement et l’absence peuvent ébranler et emporter une union qui n’est pas bâtie sur la compréhension et une pieuse confiance. Les commérages et les intrigues que connaissent si fréquemment les couples dans ce milieu peuvent détruire un coeur fragile.

La femme d’un marin doit être forte physiquement, émotionnellement et spirituellement. Jouer le rôle de la mère et du père n’est pas une tâche facile. Il faut une grande force physique pour répondre aux besoins de ses enfants et tenir sa maison. Il faut avoir une grande stabilité affective (et être résistante physiquement) pour prendre soin d’un enfant gravement malade ou d’un enfant à problèmes. Il faut surtout et avant tout être en communion avec le Tout-Puissant, avoir une foi solide comme le roc dans ce qu’Il peut faire, pour tenir bon et garder le cap jusqu’à ce que revienne le mari.

Indépendamment de notre situation, nous pouvons contrôler une chose : nos pensées. Nous pouvons choisir de nous apitoyer sur nous-mêmes ou nous pouvons rester concentrées sur notre en­gagement et travailler à surmonter les problèmes qui se posent quand nous sommes momentané­ment seules. En couple, nous pouvons travailler à la recherche de solutions en nous en remettant par la prière à la main de Dieu qui nous guide lorsque nous devons compenser les conséquences de ce célibat momentané.

J’ai toujours proclamé la promesse divine :  » Repose en Dieu de tout ton coeur, ne t’appuie pas sur ton propre entendement, en toutes tes démarches, reconnais-le et il aplanira tes sentiers  » (Proverbes 3, 5-6).

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Le prise de conscience d’une fille de marin

«Auparavant, moi l’irlandaise, on m’appelait toujours « la fille à papa ». J’ai toujours aimé mon père. Nous ne nous voyons pas souvent puisqu’il est marin mais chaque fois qu’il revient à la maison, c’est la joie et nous passons ensemble des instants de grande qualité. J’ai toujours aimé ces moments mais mon père ne reste chez nous que quelques mois et il doit toujours reprendre la mer. Une fois, il n’y a pas très longtemps, mon père est resté à terre plus d’un an. Ils disaient qu’il n’allait plus repartir et, au début, j’étais ravie. Mais après quelques mois, j’ai commencé à ne plus aimer mon père. J’ai commencé a lui répondre et à faire toujours une sale tête quand il était là. Personne ne savait réellement ce qui m’arrivait ni pourquoi je devenais indifférente. Je ne me rendais pas compte que mon père pouvait être blessé par tout le mal que je lui faisais. Chaque jour, je devenais de plus en plus méchante avec lui.

Je pense que c’est parce que je ne connaissais pas du tout mon père ; depuis ma naissance, il n’avait pas beaucoup été là puisqu’il travaillait toujours à l’étranger. Je pense que j’attendais de lui qu’il soit un père très heureux, un père gentil, mais quand je l’ai connu davantage, il était différent…

Ma mère remarquait tout ce que je faisais endurer à mon père et elle était furieuse à mon égard à cause de la manière dont je le traitais.

Un jour, nous avons reçu un appel deman­dant que mon père retourne travailler et qu’il fasse toutes les démarches pour son vol et le reste. Il espérait qu’avant son départ, nous pourrions tous retrouver ces moments privilégiés et nous sommes tous sortis en famille.

Ce soir-là, j’étais seule dans mon coin quand mon père s’est approché et m’a parlé. Il m’a confié combien il était blessé par mon attitude et m’a demandé quelle en était la raison. Je n’ai pas ré­pondu à ses questions. Il changea alors de sujets et évoqua des expériences heureuses et même amusantes. Nous avons commencé à rire ensemble et je me suis rendu compte que mon père devenait un homme très attentionné et calme, mais il était trop tard pour que je lui dise combien je regret­tais ce que je lui avais fait. Alors, la nuit, quand nous sommes rentrés à la maison, je lui ai écrit ces mots : « Papa, tu vas me manquer. Je sais je n’ai pas été une fille sympa mais cela ne veut pas dire que je ne t’aime pas et que je suis indifférente. »

Ma lettre était un peu plus longue mais je ne dis ici que ce qui était important dans ce mot. Je l’ai glissée dans son paquetage. Je ne voulais pas qu’il la lise devant moi et, le lendemain, quand je me suis réveillée, mon père était déjà parti et je ne lui avais pas dit au revoir. Ma mère m’a appelée de Manille et m’a dit que Papa était déjà parti pour le Japon ; elle a ajouté que Papa avait lu mon petit mot et s’était mis à pleurer dans l’avion en le lisant. Je me suis rendu compte de toutes mes erreurs et j’ai appris à ne jamais demander trop aux autres, à les accepter et à les aimer comme ils sont. »

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Le poème
d’une fille de marin
Connie April Barrientos
a 16 ans.

«J’ai demandé à Maman si je manquais à Papa…
Elle m’a répondu : Oui, chérie, tu lui manques.

J’ai demandé à Maman si Papa pensait à moi.. .
Elle m’a répondu: Oui, chérie, à chaque moment.

J’ai demandé à Maman si Papa se demandait si j’allais bien…
Elle m’a répandu : Oui, chérie, à chaque moment et avec inquiétude.

J’ai demandé à Maman si Papa m’aimait…
Elle m’a répondu : Bien sûr, chérie !
autrement, pourquoi travaillerait-il aussi dur ?

Maintenant je sais pourquoi Papa doit partir.
Maintenant je sais que nous lui manquons aussi.
Maintenant je sais pourquoi Papa doit travailler.

Mais je ne sais pas quand il va revenir.
Alors, j’imagine que je vais m’asseoir sur la plage
Et regarder s’il n’y a pas un bateau au large. »

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Et un au revoir d’une fille de marin

Ce dernier récit nous a été raconté, comme une blague, par un second maître en retraite. Quand les rires se sont calmés, le marin est redevenu sérieux et a dit que cette plaisanterie venait d’une histoire vraie qui s’était produite entre un marin de retour de mer et sa fille.

« Un marin, (le retour de mer, se précipita chez lui ;
il y trouva sa fille qui avait grandi.
Elle avait dans les bras la poupée qu’il lui avait envoyée d’une escale à l’étranger.
Tout ému et heureux de la voir, il lui demanda :
« Bout de chou, est-ce que maman est à la maison ? »
Cet instant, il l’avait attendu.

Dans ses rêves, il voyait sa fille se retourner, le reconnaître
et bondir vers lui pour le serrer et l’embrasser tendrement.

Mais sa fille ne s’est pas retournée ;
elle l’a regardé mais elle ne s’est pas précipitée pour l’embrasser.

Et l’explication vint avec la réponse :
« Non, Monsieur, maman fait les courses avec mon papa » »

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Pour en savoir plus :
Interview en 2012 sur Radio-Vatican
Le blog de Roland Doriol