Dans la Compagnie de Jésus, Michel GUÉRY était connu pour aimer la discrétion quant à tout ce qui le concernait. Il nous excusera de briser quelque peu ce silence.

Originaire de La Flèche, Michel entre au noviciat de la Compagnie de Jésus en 1961. Il vient alors d’avoir dix-neuf ans. À la fin du noviciat, il part au Tchad pour effectuer son service militaire comme coopérant. Cette étape sera marquante, car il retourne dans ce pays pour sa régence, après les études de philosophie vécues à Chantilly, puis une nouvelle fois après ses études de théologie et son ordination presbytérale (à Lyon en 1972).

Michel travaille quelques années au collège de Sahr, puis surtout comme curé à Maro, paroisse située au sud de Sarh sur la route de Bangui. Il profite d’un séjour au Bénin pour étudier une Église africaine indépendante, celle du « Christianisme céléste », travail dont la qualité scientifique est remarquée. Lorsque la guerre éclate, la population de Maro s’est réfugiée de l’autre côté de la frontière, en Centrafrique. Solidaire de ses paroissiens, Michel les accompagne. Il ne pourra plus rentrer au Tchad.

Au début des années 80, Michel est affecté à Abidjan, à l’INADES. Il en sera d’ailleurs le directeur à partir de 1994. Michel arpente le quartier populaire d’Abbo Sagbé, rédige d’excellents rapports et lance des action concrètes dans ce qui devient l’ASMU (Action Sociale en Milieu Urbain). Parallèlement à cette action sociale, il s’engage dans la pastorale paroissiale du quartier et transforme la chapelle en véritable paroisse. Il se prend aussi d’amitié pour une fondation bénédictine de style paysan à l’Ouest à Guiglo.

Depuis son retour en France en 2001 – une décision qu’il vit très douloureusement ! – Michel appartient à la communauté Saint-François-Xavier de la rue de Grenelle. Il reste attaché à l’étude de la problématique des réfugiés et des migrants en Europe. Il devient rapidement une référence sur ces questions ; il a notamment été le correspondant de JRS-Europe pour la France. De 2003 à 2010, il a un rôle officiel d’expert du Saint-Siège auprès du Conseil de l’Europe tant pour les problèmes des migrations et des réfugiés que sur les questions relatives à la protection des minorités. Méconnu de beaucoup, son travail est très apprécié, et le Pape Benoît XVI, en signe de gratitude, lui confère en 2010 la médaille Pro Ecclesia et Pontefice.

Jusqu’en 2014, Michel va régulièrement à la chapelle Notre-Dame de la Médaille miraculeuse de la rue du Bac. Il y rend un service d’écoute de personnes venant d’horizons très divers et souvent désireuses de vivre le sacrement de la réconciliation.

La détérioration de sa santé l’oblige peu à peu à réduire ses activités, mais il continue à rendre service de manière discrète, à Paris et aussi dans sa communauté. Sa longue hospitalisation du 11 décembre 2019 au 22 janvier 2020 l’avait profondément marqué : suite à un œdème du poumon, il avait frôlé la mort.

Bien que souvent condamné à demeurer dans sa chambre, Michel reste ouvert sur le monde, notamment avec le Courrier international et Le Monde diplomatique qu’il lit régulièrement et communique à plusieurs compagnons. Alors que sa communauté est frappée par l’épidémie du Covid, Michel est conduit en urgence à l’hôpital Cochin le 8 février. Il nous quitte dans la nuit du mardi 23 au mercredi 24 février.

Thierry DOBBELSTEIN sj