Guido REINER était un homme de caractère et, aussi, de grand cœur, toujours désireux de venir en aide. À la question, fréquente en EHPAD, « Comment vas-tu ? », la réponse oscillait entre « C’est une catastrophe ! » et « Cela va très mal ! ». Pourtant, il suffisait de prendre le temps de le laisser exprimer ses ressentiments pour qu’au final un dialogue serein, construit et même fraternel puisse s’établir. Il avait besoin d’écoute et de considération pour laisser paraître le côté affectueux et chaleureux d’un homme qui a bien dû faire avec les blessures de sa vie.

Il est né, en 1925, à Dresde en Allemagne d’un père hongrois (catholique, mais athée) et d’une mère allemande et luthérienne. Ingénieur et antinazi, son père a quitté l’Allemagne pour la France avec sa famille, en janvier 1938. Guido a connu des humiliations avec, par exemple, cet épisode en 1937 : « Un jour la porte de la salle de classe s’ouvrit brutalement. Un ordre claqua : « debout ! », un temps de silence, puis : « assis ! » Trois chefs de la Jeunesse hitlérienne commencèrent à haranguer les élèves. Les discours se terminèrent par la question : « Qui n’est pas encore dans la Hitler Jugend ? Levez-vous ! » Trois élèves se levèrent, le fils d’un médecin, le fils d’un commerçant juif, et, moi-même, le fils d’un ingénieur. On nous demanda de monter sur le banc et toute la classe fut invitée à nous huer et à nous conspuer. Un des chefs se fit menaçant : « Si, à notre prochaine visite, vous n’êtes toujours pas inscrits dans la H.J., votre père le regrettera ». Je rentrai, en larmes, à la maison. Le soir mon père me dit : « Tu iras désormais » ». Avec la guerre, puis l’occupation, la famille a vécu dans la clandestinité et la pauvreté, à Marseille. Guido a pu étudier au collège de Provence grâce à une bourse mais il se souvient, avec peine, avoir parfois été traité de « sale boche ».

Le 5 novembre 1945, il entre dans la Compagnie de Jésus. Ordonné prêtre le 30 juillet 1958, il prononce ses derniers vœux le 5 février 1964. Il a d’abord enseigné l’allemand dans des collèges privés, dont Franklin. Il a longuement vécu en dehors des maisons de la Compagnie, tout en étant rattaché aux communautés de Paris-Raynouard et de Versailles. Sa connaissance de la langue et de la civilisation allemandes lui a valu d’être requis par des professeurs de l’Université de Paris, à partir de 1967, pour enseigner à l’Institut d’Études germaniques du Grand Palais, aux Langues étrangères appliquées (LEA). Il a, aussi, tenu un séminaire de civilisation allemande à l’École Polytechnique, pendant 14 ans. En 1992, il a soutenu sa thèse de doctorat de lettres sur le romancier allemand Ernst WIECHERT (1887-1950), persécuté par le régime nazi. Après sa retraite, il a effectué des ministères à Charenton-le-Pont, Melun, Palaiseau, et pendant 7 ans chez les Bénédictines de Saint-Louis-du-Temple à Vauhallan. Il avait gardé de cette période de très belles homélies dont il faisait bénéficier notre petite assemblée de la Maison Soins et Repos lorsqu’il présidait et prêchait. Il y avait de la vigueur et de l’allant dans cette parole !

Il a rejoint la Maison « Soins et Repos » de Vanves, le 28 juin 2017. Guido était très présent à la vie des résidents âgés et dépendants et il fut élu président du Conseil de Vie Sociale (CVS). Il y apportait la vigueur de sa parole et l’acuité de son sens de l’observation pour aider au bien commun. Emporté très rapidement des suites du Covid-19, il est enterré en même temps que Philippe LÈCRIVAIN et Michel SOUCHON, après une prière d’inhumation brève, mais très émouvante faite au cimetière de Vanves sous un beau soleil de printemps, prémices symboliques de notre espérance en la résurrection.

Yves MOREL sj et Sylvain CARIOU-CHARTON sj