André DABEZIES est né à Casablanca en 1928. À l’âge de trois ans, il perd son père dans un accident de voiture. Sa mère, sa sœur aînée, ses deux frères et lui-même s’installent à Bordeaux. Sa maman, professeur de français, est musicienne et familière de la langue de Goethe. Les quatre enfants se retrouvent régulièrement autour du piano du salon pour y chanter à cœur joie. André entre au collège Saint-Joseph de Tivoli. C’est un élève doué, assidu à la troupe scoute, à la chorale, fidèle aussi à ses amis.

Un événement l’affecte profondément ; sa sœur aînée fera une chute mortelle en montagne. André est un garçon de santé fragile, il a régulièrement des crises d’asthme et reste de nombreuses nuits assis dans son lit pour lire, étudier, perfectionner son allemand et son anglais. Sa mémoire, son esprit d’analyse et de synthèse s’affirment ; il pense déjà à sa thèse de doctorat : « les visages de Faust au 20e siècle ». En 1947, c’est un jeune Khâgneux qui entre au noviciat de la Compagnie de Jésus à Mons. Cet intellectuel et futur écrivain a de belles années devant lui pour la recherche et l’enseignement : la liste de ses publications est parlante.

Il est ordonné prêtre par le cardinal Gerlier en 1960 à Lyon. Il fait son Troisième An à Port Towsend aux États-Unis. Pendant trente ans, à l’abri d’un certain cléricalisme, il enseigne la littérature comparée à l’Université d’Aix-en-Provence. Il savait accueillir les étudiants étrangers, tout spécialement les asiatiques. Avant son ordination, il avait fait la demande à son Provincial d’être missionnaire en Asie. Il lui avait été répondu que sa mauvaise santé en était un obstacle. En 1968, il décide de collaborer au rapprochement franco-allemand. Pendant plusieurs décennies, il participe et anime des colloques entre intellectuels et universitaires de ces deux pays. « J’ai appris à respirer avec le prochain, à écouter avec amitié les gens de l’autre côté, pour échanger, recevoir et donner, pour admirer, comprendre et pour aimer », disait-il.

En 2016, André a quatre-vingt-huit ans. Éprouvé dans sa santé, il arrive à Pau, rue Montpensier, puis à l’EHPAD Maria Consolata. Petit à petit, il perd ses repères, n’arrive plus à s’orienter dans la maison. Ces derniers mois, il passait régulièrement une partie de ses nuits à la chapelle. À sa manière, il mettait en pratique la prière de Pierre FAUCHER : « Seigneur, apprends-nous à nous reposer, apprends-nous à laisser des choses en suspens, à ne pas vouloir régler toutes les affaires avant de dormir. » La Covid a visité notre communauté de Pau et touché plusieurs de nos compagnons ; André n’a pas été épargné. Merci, Seigneur, pour André, pour sa vie donnée et son amitié.

Jean-Pierre MILLARD sj

J’ai connu le P. DABEZIES à La-Baume-lès-Aix où ma famille se rendait chaque dimanche, alors que j’étais en primaire puis au collège. Grâce à lui, nous avons bénéficié de la messe des familles qu’il présidait chaque mois, puis de son accompagnement dans le groupe d’éveil à la foi. Je m’en souviens comme de moments d’une grande liberté et de confiance. Je me rends compte aujourd’hui que ces rencontres ont alors commencé à me rapprocher de la Compagnie. André était un ami de la famille et il est devenu mon parrain de confirmation. Je me souviens d’un homme solide et cultivé, discret et ouvert. À son contact, le jeune garçon que j’étais alors s’est senti encouragé à faire des études, à être curieux du monde et à connaître davantage le Christ.

Florian CAZENAVE sj